Le Vent de la Chine Numéro 38 (2016)
Rien à faire, en dépit de tous efforts, la vague de pollution revient chaque hiver plus pernicieuse que jamais. À Harbin, le 4 novembre, l’indice de qualité de l’air (AQI) atteignait le niveau record de 1281 milligrammes/mètre cube (PM 2,5). Pékin, le 9 novembre, virait à 375 PM, démentant la promesse du maire, en 2014 (assortie d’un plan de lutte à 101 milliards d’€) d’avoir « réglé le problème avant 2017 ». Selon les autorités, ces pics de smog tiennent au brûlage anarchique du chaume, au chauffage d’hiver dans les villages et aux pots d’échappement des 5,6 millions dans la seule capitale. Or, à même période vient jouer l’effet La Niña, arrêtant tous les vents qui auraient pu dissiper les miasmes. Pour l’instant, le peuple « oublie de se plaindre ». Mais l’Etat le sait, avec la corruption, ce fléau est un des sujets les plus sensibles auprès de la population. Aussi prend-il le problème toujours plus au sérieux. Parmi ses derniers tigres épinglés pour corruption, un ex-vice ministre de l’Environnement, Sun Hongzi, (2008-2013) va croupir 4 ans en prison pour avoir empoché des enveloppes contre des permis de complaisance ; et dans le seul Hebei, 487 cadres de l’antipollution ont été punis pour déréliction du devoir environnemental.
Le 7 novembre, l’Agence Nationale de l’Energie annonçait vouloir limiter à 1100 GW en 2020 la génération d’électricité au charbon, 55% du mix contre plus de 66% à ce jour. À même échéance, les énergies tirées du soleil et du vent doivent atteindre 320 GW de capacité, celles du gaz 110 GW, et ensemble avec celles des barrages et du nucléaire, assurer 15% du tout. La consommation énergétique doit encore monter, à 6800-7200 milliards de KW/h contre 5690 milliards fin 2015, mais elle atteindra son pic et sa lente redescente avant 2030, selon les engagements au traité mondial de la COP21. Le plan énonce pour 2020 une baisse de 18% des émissions de taux de dioxyde de carbone « par % de PIB », l’étalon officiel de mesure en ce pays, par rapport à 2015. La bourse nationale des crédits carbone sera pour 2017– probablement la principale incitation aux firmes à investir dans le bas carbone. Dorénavant face à tout projet de centrale thermique, Pékin répondra au mieux par un feu « orange », au pire par un « rouge ».
Apparaît alors pour « décarboniser » les centrales à charbon, une filière nucléaire originale chinoise, inspirée des 30 ans d’apprentissage auprès de groupes tels Areva ou Westinghouse. Le projet de réacteur à gaz à haute température HTR-PM prétend s’adapter sur des centrales à charbon existantes (supercritiques, de 600 MW) dès fin 2018, remplaçant la chaudière par une série de petits réacteurs nucléaires, et conservant le reste du circuit (turbine, refroidissement), pour une forte économie d’investissement tout en éliminant toute émission de particules. Ce système pourra aussi équiper des centrales neuves. Selon les auteurs, cette centrale serait « 100% sûre, même en cas de perte complète de pressurisation », ce qui la rendrait très attractive pour des zones urbaines densément peuplées.
Une incertitude plane certes depuis le 9 novembre avec l’élection présidentielle de Donald Trump aux Etats-Unis, climato-sceptique qui prétendait durant sa campagne torpiller les accords mondiaux de la COP21. Pékin l’a mis en garde—un retrait des USA du système compromettrait gravement l’effort mondial, et aggraverait encore la fièvre de la planète à l’horizon 2100, estimée aujourd’hui à 3,4°C.
La Chine se réveille donc en pleine alerte : un simple réchauffement de 2°C en 2100, aura pour effet de noyer une partie de Shanghai où vivent 11,6 millions d’habitants , et dans l’hypothèse de 4°C, 22,4 millions qui seront sous l’eau (cf photomontage).
Même sans penser à demain, cette pollution coûte au pays 4000 morts par jour dès 2016. C’est ce constat qui fait que le régime, après avoir vécu 50 ans dans le déni, agit avec force : il sait qu’il n’a plus le choix.
Lors de ses ultimes harangues électorales, le Républicain Donald Trump s’écriait : « Attends Amérique, j’arrive ». Élu 45ème Président des Etats-Unis, il pourrait dire la même chose à la Chine, le géant rival avec lequel son pays vit des relations complexes, entre coopérations et rivalités. En effet, Trump a émis bien des idées fortes sur la Chine et les plans déployés en Asie par son prédécesseur B. Obama. Sans nuances, sur tout cet héritage, Trump se fait fort de passer un coup de torchon. Pourtant côté Chine, loin d’angoisser, le leadership peut voir dans la nouvelle voilure américaine, une chance inespérée.
À Zhongnanhai, on n’a jamais aimé Hillary Clinton, toujours critique envers la Chine en matière de démocratie. Elle soutenait aussi le « pivot » d’Obama – sa stratégie d’isolation militaire et commerciale de la Chine. Or Trump prétendait démanteler le « pivot », sabrer le « TPP » (l’accord de libre échange Transpacifique à 12 pays, signé, mais non ratifié), et rapatrier les emplois « volés » par l’Empire du Milieu.
Tout ceci, pour Pékin signifie des choses bien différentes à trois niveaux :
Au plan de la défense, si la sixième flotte américaine cesse ses patrouilles en mer de Chine du Sud, elle libère la voie à la marine chinoise vers l’océan Pacifique, selon la stratégie de l’amiral Liu Huaqing en vigueur depuis les années ‘90. Porté par sa foi isolationniste, Trump s’apprête aussi à réduire, durant ses quatre années de mandat, la présence américaine dans le monde – en matière monétaire, diplomatique, environnementale même. Il laissera donc la Chine occuper tous ces terrains, déployer son propre RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership) avec 16 pays d’Asie et du Pacifique, et tisser à force d’investissements en dizaines de milliards de $ ses « routes de la soie », son hinterland à travers les cinq continents.
De plus, un conseiller du futur Président Trump déclarait que le refus d’Obama de laisser les Etats-Unis adhérer à l’AIIB, la banque régionale lancée à Pékin en 2015 était « une erreur stratégique ». Ceci peut signifier que Trump lui, y adhérera.
Au plan commercial, Trump a la Chine dans son collimateur. Comme face au Mexique, contre lequel il veut dresser un mur anti-immigration clandestine, il veut protéger les Etats-Unis des exportations industrielles du Céleste Empire. Il prétend taxer de 45% les produits chinois, ce qui les priverait de toute attractivité. Il rêve d’une Amérique inversant 20 ans de développement pour multiplier les emplois à bas salaires et produire chaussures, jouets ou iPhones « made in America ».
La Chine reste de marbre, et pour cause. Les Etats-Unis sont signataires des accords de l’OMC, comme la Chine, et liés comme elle à des règles intangibles sur les échanges. Si Trump tente de les rompre, il verra arriver des sanctions de l’OMC et les rétorsions chinoises. D’autant que les premiers emplois malmenés par des taxes « Trump » seraient ceux des multinationales en Chine, General Motors, General Electric, Coca Cola, Qualcomm. Même des groupes non producteurs mais vendeurs en Chine seraient vulnérables : Boeing risquerait 20 ans de ventes futures, des milliers de gros porteurs, des dizaines de milliers d’emplois. En résumé, l’option de guerre commerciale envisagée par Trump ne semble pas réaliste.
Il est un autre angle sous lequel la victoire de Trump offre à la Chine un bel atout : le terrain de l’intérieur, de l’idéologie, toujours vitale pour un régime privé de la légitimité des urnes. Avant même le décompte des votes, le Quotidien du Peuple concluait à une campagne « la plus sombre et négative de l’histoire des Etats-Unis », tout en attribuant « la faute » à la démocratie. Voilà ce qui arrive, suggérait-il, quand on laisse les masses élire leurs gouvernants !
Les dirigeants du Parti communiste chinois se garderont de l’avouer, mais ils peuvent se réjouir d’une autre tendance, la montée universelle du populisme patriote. Entre Chine, Russie et maintenant Etats-Unis, ils voient désormais les trois plus grandes puissances dirigées par un leader au style autoritaire et personnel. Du point de vue du régime, l’histoire va « dans le bon sens ».
L’arrivée aux affaires de Trump peut malgré tout déranger la Chine sous un ou plusieurs plans.
Au Proche-Orient, que Daesh se réjouisse bruyamment de l’arrivée aux affaires de Trump, fait aussi réfléchir. En Irak comme un Syrie, Chine et Amérique n’étaient pas dans le même camp, mais elles discutaient, et partageaient sur le fond le même objectif. Mais si l’Etat Islamique se maintient, ne risque-t-il pas de faire chuter bien des régimes moyenâgeux fragiles ? Un risque face auquel une coopération sino-américaine ponctuelle et discrète offrirait malgré tout une certaine prévention… Et quid de l’Asie Centrale, musulmane, y compris le Xinjiang, sa province far-ouest ? La Chine a certes les moyens d’y maintenir le calme, mais dans un climat de soulèvement, elle aurait du mal à le conserver… Sous cet angle aussi, laisser Trump interrompre le dialogue avec la Chine se semble pas une option.
C’est pourquoi par voie de presse pour commencer, Pékin ne perd pas un jour pour alerter l’imminent Président contre les chants des sirènes isolationnistes.
Enfin, on a vu l’inquiétude chinoise sur le négationnisme de Trump face au réchauffement global. Ce souci, toutefois, pourrait disparaître : Trump à peine élu, efface cet engagement de son site internet. Il faudra donc pondérer les propos de Trump-candidat, par ceux de Trump-Président
Impossible de rater ces 24 heures : avec ses salves de SMS et ses affiches dans tous les métros de l’Empire, la « fête des célibataires » du 11 novembre était partout. Alibaba, « inventeur » de l’ événement commercial offre chaque 11.11, sur ses plateformes Tmall et Taobao, des réductions sur des milliers d’articles. Depuis 2009, cette orgie nationale d’achats en ligne voit chaque édition battre le record de la précédente.
Le groupe de Jack Ma (patron d’Alibaba) tint le 10 au soir, un gala télévisé suivi par des centaines de millions de téléspectateurs, avec en invités d’honneur les stars David Beckham (football), Scarlett Johansson (cinéma) et Kobe Bryant (basket), un show entrecoupé de nombreux jeux auxquels le public se mêla via 6,9 milliards d’interventions sur leurs smartphones. Entre autres, Alibaba offrait une chasse à un chaton virtuel, en un clone du jeu des Pokemon Go : les chasseurs sachant chasser – parfois dans des boutiques tout ce qu’il y a de plus réelles – gagnaient des coupons de réductions. Parallèlement, les propriétaires d’un casque « Buy+ » pouvaient s’initier à la réalité virtuelle, en vadrouillant à travers les rayons (simulés) de chez Macy’s à New York : il suffisait de hocher de la tête pour marquer un choix d’achat. Durant ces 24 heures, 30 000 marques participaient, dont 12 000 étrangères. Au hit-parade des produits les plus vendus les premières heures, figuraient les masques cosmétiques, rouges à lèvres, ou couches pour bébés… En grande première, Hong Kong et Taiwan étaient de la fête, avec en ligne de mire d’Alibaba, l’Asie du Sud-Est pour 2017. De son côté, JD.com tentait de soutenir la concurrence technologique en testant des livraisons par drone à travers quatre zones rurales.
Les analystes veillent : Tang Yaqiong (Analysys International) estime que cette année les consommateurs répriment les achats irrationnels, et gardent en tête la notion du besoin réel. Maggie Wang de chez AdMaster, détecte une demande en « plus de sophistication et de customisation . Finie, la frénésie aveugle des années précédentes !
Pendant ce temps, la SAIC, tutelle du commerce, jouait les gendarmes, traquant faux produits, ventes fictives, et généralement toute arnaque issue des imaginations inépuisables des tricheurs en ligne. Autre évolution : 85% des ventes se sont faites sur téléphone mobile (contre 70% en 2015). C’est grâce à ces smartphones, connectés jusque dans les campagnes, qu’Alibaba, en dépit de la sobriété croissante d’achats, battait une nouvelle fois son record annuel avec 17,8 milliards de $ de ventes, contre 14,3 milliards de $ en 2015.
Pour conclure, la maîtrise de la pulsion d’achat a tout même ses limites : ce chef d’entreprise de Chongqing en était bien conscient, quand il a retenu les salaires de ses employés jusqu’au mois prochain, pour les protéger d’eux-mêmes !
Le 7 novembre, à Pékin, l’ANP (le Parlement national) franchissait un Rubicon en cassant l’élection de deux membres au Legco hongkongais (l’enceinte de la Région Administrative Spéciale) qui venaient de saboter leur serment d’intronisation. Sixtus Leung et Yau Wai-ching, indépendantistes élus, avaient porté des insultes indirectes à la nation chinoise. C’était plus que la droite conservatrice de l’île et que la nomenklatura à Pékin ne pouvaient admettre.
L’ANP décrétait donc que dorénavant, les édiles hongkongais devraient prêter serment avec « sincérité et solennité » – un principe subjectif, qui ouvre la porte à toutes les dérives. Elle précise que son verdict est rétroactif, et prive aussi ces deux députés d’une session « de rattrapage » – deux modalités peu compatibles avec un système démocratique. Plus grave enfin, par ce jugement express, Pékin vient d’intervenir dans la vie publique du Rocher, un acte dont elle avait promis de s’abstenir par le Traité sino-britannique de dévolution signé en 1984 par Deng Xiaoping : d’ici 2047, elle garantissait à l’île « 50 ans de large autonomie ».
Cette fermeté traduit une volonté de « yanda » (严打), « frapper fort » et tenir à l’avenir les dissidents hors du Parlement. La vague ne s’arrêtera pas là : C.Y. Leung, le Chief Executive d’une loyauté aveugle envers Pékin, n’exclut pas de briser huit autres jeunes élus, ayant aussi fait leur serment de manière persifleuse—une cour hongkongaise instruit l’affaire en ce moment. Surtout, Leung veut déterrer un projet d’« article 23 » à la loi de Sécurité. En 2003, Pékin avait déjà tenté de faire passer au Legco ce texte conçu pour rogner sérieusement les libertés de rassemblement et d’opinion. En deux marches de 500.000 participants, Hong Kong s’était soulevée, et la loi avait donc été retirée. Aujourd’hui, le pouvoir central peut croire le moment venu pour retenter l’aventure. Déstabilisée par 13 ans de crise économique et l’échec de toutes ses tentatives d’obtenir le suffrage universel direct (telles en 2015, les 6 semaines d’occupation du centre ville) Hong Kong pourrait se montrer moins ardente dans la défense de ses droits.
Pourtant, un tel calcul apparaît risqué, et en fin de compte, mauvais connaisseur du fonctionnement de l’île. Face à des rivales comme Canton ou Shanghai, Hong Kong jouit d’une supériorité technique, notamment en matière financière, commerciale ou technologique, due à sa liberté d’organisation et ses institutions démocratiques (ONG, écoles et universités, presse, Legco ou ICAC, agence publique anti-corruption). Ainsi, Hong Kong n’aura pas d’autre choix que de défendre ces libertés. Dès le 6 novembre, une manifestation spontanée réunissait 13.000 démocrates à travers le centre ville… Sur l’île, l’atmosphère est chaude, et le ciel noir.
« Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument », formule vaguement familière, fut le 8 novembre le clou du discours de Wang Qishan. Le maître de l’anti-corruption adjurait les 80 millions de cadres de rester honnêtes et de traquer les suborneurs du Parti et de l’Etat. Wang faisait l’amalgame (pourtant n’allant pas de soi) entre loyauté et honnêteté, deux vertus obsessionnellement recommandées par le régime à ses apparatchiks.
Au-delà de son apparente banalité, cette sortie contenait deux messages plus subtils. Le premier : quoiqu’ayant franchi l’âge du départ en retraite (à 69 ans), Wang sera de la prochaine équipe dirigeante en 2017. Le second message n’est que suggéré : les ennemis du régime (ceux qui veulent faire chuter l’équipe au pouvoir) sont accusés de corruption voire de déloyauté. Cette technique d’épuration politique est nécessaire, faute pour le régime de savoir s’assurer des successions paisibles. Ceci force chaque quinquennat à d’épuisantes manœuvres pour choisir ses leaders, ce que la démocratie fait naturellement.
L’avant-dernier de ces outils a été la création du code de conduite des membres du Comité Central, et le dernier vient d’être annoncé : une Commission provinciale anticorruption, destinée à extirper une fois pour toute le fléau de la nation. Il y avait déjà la Commission de supervision de la discipline (CCID), le Bureau de prévention de la gabegie (filiale de la précédente), le Bureau anticorruption du Procureur suprême. La commission provinciale devra coordonner ces fonctions au plan local.
Trois commissions seront donc testées, à Pékin, au Shanxi (donc en Chine de l’intérieur) et au Zhejiang (à la côte). leurs membres aux compétences diverses (comptables, analystes, juristes) seront nommés par les Parlements locaux. Elles fonctionneront face-à-face avec le gouvernement, le tribunal, le procureur de la province, les observant sans avoir de comptes à leur rendre. Il n’est pas clair de qui elles dépendront – des élus locaux, du Conseil d’Etat ? Mais leurs pouvoirs seront considérables – pour la plus grande gloire du leader national.
Déjà la moitié des gouvernements provinciaux a été renouvelée, dont les leaders ont prêté allégeance à Xi Jinping, « cœur du Parti ». La loi de sécurité cybernétique vient d’être adoptée malgré les craintes venant de l’étranger pour le respect de leurs secrets technologiques. Une loi vient encadrer l’industrie du cinéma contre la fraude et pour la loyauté. Et Xi vient de rappeler aux journalistes, le jour national de la presse (7 novembre) la manière de rester sous la « direction politique correcte ». Tout est sous contrôle !
Lou Jiwei, ministre des Finances depuis 2013, était un des hommes les plus brillants du cabinet Li Keqiang, auteur entre autres du fonds d’investissement CIC et de la banque régionale asiatique AIIB. À son entrée en fonction, Lou avait souhaité conserver le poste jusqu’en 2018 – cinq ans lui étant nécessaires pour refondre un système fiscal perclus d’inefficacité et d’injustice. Ployant sous 40% de taxes en moyenne, les PME se disent à 87% incapables d’investir dans la R&D et de créer des emplois. Lou voulait introduire la taxe foncière, les taxes vertes, supprimer les subventions agricoles pour forcer les exploitations à se remembrer et atteindre la masse critique. Il voulait surtout convertir l’économie chinoise à la croissance due à ses acteurs, non à la planche à billets. Pour commencer, Lou voulait barrer aux provinces la route trop facile de l’emprunt à tout va.
Or, voilà le ministre remercié à 11 mois de la fin de son mandat, remplacé par un cadre largement inconnu, Xiao Jie (59 ans). Lou part en même temps que ses collègues des Affaires civiles et de la Sécurité publique – indice d’un remaniement à finalité politique plus que personnelle. Mais pour Xi Jinping, les raisons de se séparer de lui, ne manquent pas.
Jouent d’abord les mauvais chiffres de conjoncture en octobre, 45 milliards de $ décaissés par la Banque centrale en guise de parachute au yuan et pour couvrir la fuite des capitaux. Il y a aussi le fort recul constaté à l’exportation, -7,3%.
Lou s’était aussi fait des ennemis en province, par sa tentative anti-emprunts. Le 4 novembre, il protestait que Pékin ne couvrirait pas les faillites de « véhicules financiers » provinciaux. Il avait malgré tout dû entériner l’échange de 7200 milliards de ¥ de dettes contre des obligations bancaires, et il avait milité contre la hausse de la dette au budget 2017.
Son départ laisse l’écho d’un message : Lou, chef d’orchestre de la finance nationale, était gênant, omniprésent, remuant trop de choses… Sa mise à l’écart force à conclure qu’en fin 2016, la concentration du pouvoir autour de Xi compte plus que la réforme.
Résumé de la 1ère partie : le 17 octobre, à Dazu (Chongqing), Tan, se rend à la police, s’accusant d’avoir agressé une femme 24h avant et de lui avoir volé 100 yuans. Faute de preuve, les agents veulent le laisser filer, mais il proteste vigoureusement : il souhaite aller en prison « pour se mettre hors d’état de nuire »…
L’argument méritait qu’on s’y arrête. On reprit donc l’enquête, à fond cette fois. On fit subir à Tan des tests d’alcoolémie, de drogue : Rien, il était « clean ». On refit son interrogatoire de routine – sans gagner le moindre indice supplémentaire. On ramena alors Tan sur le lieu présumé du forfait. Et là, commencèrent à ap-paraître ses contradictions. Devant quel restaurant s’était-il planqué ? « C’était ici … Ah, mais non, c’était là ». À quelle heure était-il passé à l’ attaque ? « Mais à 22h30, je vous ai dit... » Sauf que la veille, il avait dit «23h30 » … Comment la femme, sa cible était-elle habillée ? «En tailleur, de couleur grise»… Sauf qu’en sa 1ère déposition, il avait parlé de col roulé et de minijupe…
Prié de désigner l’endroit sans lampadaire où il avait sorti son couteau, Tan en avait énoncé deux se référait à 2 à 3 lieux, à tout hasard. Pouvait-il refaire le geste d’ouvrir le cran d’arrêt ? Il s’en montrait piteusement incapable…
Et pourquoi diable la victime n’avait-elle pas porté plainte ? Telle passivité suite à une agression était improbable, une quasi-insulte à la logique des policiers ! Or plus les soupçons montaient, plus Tan se décomposait, redevenait petit garçon, réitérant sa plainte : « quand ça va finir, tout ça ? Quand je vais en prison ? »
De retour au bloc, les inspecteurs firent un brainstorming. Alors s’imposa la seule conclusion possible : ce jeune recroquevillé sur le banc et jetant en tous sens des regards apeurés, n’était qu’un affabulateur, qui voulait aliéner sa liberté. Pourquoi ? La raison demeurait enfouie, secrète – pour la trouver, il fallait l’écouter.
On le soumit une fois de plus à un feu roulant de questions, cette fois sur sa vie passée. Tan était fils uni-que de nouveaux riches. Ayant toujours pu imposer ses caprices, il était devenu paresseux. Il avait détesté l’ école, préférant les jeux vidéos, avec pour seule exception les sorties en boîte de nuit avec les copains.
Un de ses hauts faits, en 2009, avait été de rendre copie blanche au Gaokao (baccalauréat). Même sans avoir bachoté, il aurait pu, avec sa jugeote, décrocher le diplôme. Mais il avait voulu provoquer – et avait pleinement réussi. Depuis, il passait son temps entre son lit, jouant sur sa tablette, et le cybercafé.
En 2015 son père avait cru le guérir, le casant comme manutentionnaire à l’usine d’un ami. Mais après 3 semaines, Tan s’était enfui et quand ses chefs l’avaient appelé, il avait refusé de revenir, alléguant le stress. Le père lui avait encore déniché une place en or dans une agence de pub, mais très vite, il avait été congédié, pour sa tendance invétérée à mal remplir les missions les plus simples, quand il ne les esquivait pas.
Le jour du soi-disant «braquage», son père depuis une semaine lui coupait les vivres, espérant le forcer ainsi à se ressaisir. Chaque jour, Tan avait tenté de gratter quelques petits sous chez ses oncles et tantes –en vain– tous avaient été chapitrés…
La suite, il l’avoua à Zhang Huafa, l’officier quinquagénaire qui menait cet ultime interrogatoire, celui où le coupable, selon le scénario classique, est censé craquer. Tan avait eu trop honte d’affronter le regard de son père humilié par l’échec du fils. Pour autant, il n’était pas prêt à s’amender. Les vieux démons restaient tapis en lui, sur la défensive. Depuis toujours, Tan avait vécu selon ses désirs : que son père, Confucius, le Tao, et les autres, aillent se faire voir, et lui foutent la paix !
Contrairement à sa déposition, il n’avait pas fui le domicile, le 17 octobre. Il avait concocté ce scénario, téléphoné avec son portable depuis l’avenue bordant le fleuve, pour obtenir ce droit d’un refuge derrière les barreaux. C’était tout ce qu’il avait trouvé pour rester dispensé de travailler. Et s’il avait prétendu n’avoir obtenu comme butin qu’un maigre billet de 100 yuans, c’était qu’il n’avait rien de plus en poche, à « rendre » aux policiers en preuve de son agression : il était au bout du rouleau !
Épuisé par sa confession, il se tut. Zhang Huafa l’officier, prit alors la parole, et lui tint un stupéfiant discours : « tu veux aller en prison pour être nourri, logé, blanchi, c’est ca ? Mais as-tu pensé à la violence du monde carcéral, les vexations par les caïds, les humiliations des matons, qui te casseront, t’exploiteront et violeront? Tu veux te punir, pour ton inaptitude à assumer tes responsabilités ? Pour avoir failli aux attentes de ta famille, parce que au fond, tu te noies dans ta honte »…
« Mais j’ai une autre solution. Pour s’amender, on dit « vendre son épée et acheter un bœuf » (卖剑买牛 mài jiàn mǎi niú ). Pourquoi ne pas t’acheter un « bœuf » ? Tu pourrais ainsi découvrir le goût du travail !». « Si je te parle ainsi, poursuivit Zhang, la pogne sur l’épaule du garçon, c’est que ta situation, je la connais! J’ai un fils de ton âge—et lui aussi a failli mal tourner. A présent, il s’en est tiré—grâce à d’autres. En t’aidant, je paie ma dette, si tu veux me laisser te guider » !
Tan, abasourdi, redressa pour la première fois son regard, et soutint celui de l’officier, un regard plein de bonté humaine, presque celle d’un père de substitution. Un timide sourire apparut à ses lèvres. Tan était écrasé, mais comme soudain libéré et prêt, pour la première fois, à affronter la vie. Nonobstant, pour la bonne forme et les archives judiciaires, il ne put quitter le commissariat, qu’après avoir rédigé une autocritique jugée acceptable par le représentant de l’ordre public !
Rappel : 17-18 novembre, Pékin – Sofitel Wanda : Sino-French Business Forum suivi du Gala de la CCIFC
S’inscrire au Forum d’affaires sino-chinois, autour de 6 Tables rondes :
– Industry of the Future / Made in China 2025
– Health & Well-being / Sports & Leisure
– Energy Transition & Efficiency
– Food Industry
– Urbanization
– Sino-French Investments & Partnerships
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13-15 novembre, Shanghai : GBC – Green Building China, Salon de la construction durable et de l’efficacité énergétique dans le bâtiment
13-15 novembre, Shanghai : UPAD, Salon international de l’architecture, de l’ingénierie de conception et de l’urbanisme
14-16 novembre, Chengdu : IOT China, Salon de l’internet des objets
15-17 novembre, Canton : Salon international de la robotique
16-18 novembre, Shanghai : ICE Asia, Salon international de l’industrie du papier
16-18 novembre, Wuhan : API China, Salon chinois de l’industrie pharmaceutique : matières premières, chimie fine, ingrédients, machines de process et d’emballage
16-18 novembre, Wuhan : CMEF – China Medical Equipment Fair, Salon international des équipements médicaux
16-18 novembre, Wuhan : SINOPHEX, Salon industriel de l’industrie pharmaceutique : machines, technologies
16-21 novembre, Shenzhen : China High-Tech Fair
17-18 novembre, Pékin : Salon et Conférence pour les gaz non conventionnels et gaz de schiste
19-27 novembre, Canton : Salon international de l’automobile
22-25 novembre, Shanghai : BAUMA China, Salon professionnel international des machines et matériaux de construction
24-26 novembre, Shenzhen : 3D Printing China, Salon international de l’impression 3D
24-28 novembre, Canon : TEA Expo Guangzhou, Salon du thé
28-30 novembre, Pékin : CINE – China International Nuclear Power Industry Expo, Salon de l’industrie de l’énergie nucléaire
29 novembre – 1er décembre, Shanghai : SEAWORK Asia, Salon et Forum international de la marine marchande et de l’industrie navale
30 novembre – 2 décembre, Shanghai : AUTOMECHANIKA, Salon international des pièces détachées et accessoires pour l’industrie automotive, équipements pour garages et stations-services
2-4 décembre, Kunming : PHARMCHINA, Salon international de la pharmaceutique
Conférence : « La Chine, entre ambitions, conquêtes et intrigues » par Eric Meyer
Mardi 22 Novembre 2016, 20h – avec Shanghai Accueil au ArtCn Gallery, 423 Guangfu Lu, near Datong Lu
Eric MEYER dessinera le visage de la Chine à la veille du second mandat du Président Xi Jinping en 2017 :
– les premiers pas chinois hors frontières emmenés par le plan « Une ceinture, une route » rencontrent des écueils,
– les relations complexes avec ses voisins asiatiques en mer de Chine du Sud,
– enfin, guerre de succession et intrigues politiques au sommet.