Investissements : Syngenta—ChemChina : retard à l’allumage

En février, pour 43 milliards de $, ChemChina annonçait le rachat du suisse Syngenta, n°1 du pesticide et n°2 de l’OGM. C’était une surprise, au vu du faible capital social du consortium public, 1,65 milliard de $. Mais en sous-main, l’opération avait la bénédiction de Pékin, décidée à se doter enfin d’une filière fiable de semences génétiquement modifiées.

Aujourd’hui, deux nuages pèsent sur ce deal. L’un vient de Chine-même. La vague en cours de regroupement des consortia publics (ordonnée par Xi Jinping, ambitionnant de créer des leaders mondiaux en chaque secteur) déstabilise l’économie et cause de fortes sorties de capitaux, que l’autorité monétaire tente d’enrayer. En ce contexte, Banque Centrale et tutelle des devises voient d’un mauvais œil cet endettement géant vers l’étranger. Constatant ce bras de fer entre agences de l’Etat, les banques et fonds publics hésitent à investir : il manque 15 milliards de $ au consortium de la CITIC pour racheter Syngenta, mais CCB et China Merchants ont déjà jeté l’éponge, et la SASAC (tutelle de ChemChina) et le fonds Silk Road ne font pas mine de mettre au pot, faute d’un signe de l’Etat sur le maintien de sa faveur au projet.

L’autre souci vient de la Commission européenne : quoique l’autorité anti-trust américaine ait déjà tranché en faveur du rapprochement sino-suisse, Bruxelles éprouve le besoin d’une pause à fin de vérification, suite  à la série de mariages qui vient de s’annoncer entre les autres géants du secteur, Dow Chemical avec DuPont (130 milliards de $), Bayer avec Monsanto (66 milliards). Elle a réclamé des détails sur d’éventuelles redondances d’activités. Faute de réaction de ChemChina, elle lance (28 octobre) une enquête approfondie, qui reportera son accord (éventuel) à mars 2017. Pour ChemChina cependant, pas question de renoncer ! Pour éviter de s’exposer aux attaques, elle dément sa – pourtant possible – fusion avec SinoChem, l’autre géant chimique, et se dit prête à « des concessions » -d’éventuelles ventes de branches redondantes, afin de s’éviter le reproche de position dominante.

Erik Fyrwald, le CEO de Syngenta, se dit confiant de l’issue, tout comme le Conseil de direction, très en faveur du rachat, vues les concessions octroyées par la partie chinoise. « Il ne s’agit pas d’une fusion, déclare un porte-parole du groupe, mais d’un simple changement de propriété des parts ». Plus important, ce deal va offrir à Syngenta « la garantie de demeurer Syngenta ». Dès le début des palabres d’acquisitions, Syngenta s’est vu offrir par son futur propriétaire chinois le droit de rédiger leur charte de fonctionnement : conservation du management suisse, et des secrets industriels dans la filiale, entre autres  !

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