Fin juillet, Liu Xiaoming, vice-ministre des Transports annonçait le premier règlement des VTC, véhicules commandés par smartphone : pour éviter la concurrence directe avec les taxis, le secteur devrait offrir un service « différencié » de qualité supérieure, et donc plus cher. Le texte soumettait l’activité à l’obtention de trois licences : une au bailleur du service, une au chauffeur (distinct du permis classique) et une au véhicule, les normes techniques étant à charge des villes et provinces.
Mais par leur publication simultanée le 10 octobre dans 7 mégapoles, et par leur ton très similaire, ces spécifications suggèrent que le gouvernement central est resté présent dans leur élaboration, réalisant ainsi un choix politique clair : briser la progression jusqu’à hier irrésistible de la nouvelle filière, et du populaire groupe Didi Chuxing (弟弟出行, « petit frère part en voyage »). Entre Pékin, Shanghai et Shenzhen, les VTC « à essence » doivent justifier d’un empattement minimal de 2,7m, ceux électriques de 2,65m – une norme sans aucun effet sur la qualité du service, mais qui élimine les petites berlines. À Shenzhen, la première immatriculation du véhicule ne doit pas dépasser deux ans. Surtout, partout, chauffeur et véhicule doivent justifier du hukou (permis de résidence) et de la plaque de la ville. Un telle norme va à l’encontre des efforts publics pour éliminer les discriminations fondées sur la résidence. Or la majorité des 14 millions de chauffeurs travaillant sous Didi, consiste en petits provinciaux ayant mis leur épargne dans un véhicule haut de gamme, pour se créer un emploi dans les grandes villes.
Didi Chuxing a donc protesté : sous ces normes, à Shanghai seulement 20% de sa flotte pourra rester légale, et en Chine entière, 2,4% ! Ceci, quoique le groupe ait été béni par le 1er ministre Li Keqiang, comme exemple d’une future « économie du virtuel et du partage ».
L’Etat semble donc faire marche arrière sur les VTC. Sa réaction n’est pas si différente de celles des pouvoirs publics d’Europe ou d’Amérique, et pour les mêmes raisons : les compagnies classiques de taxi ont payé –très cher– leur licence, pour le monopole du transport urbain. Que deviendront-elles, et qui leur remboursera cet investissement ?
Un autre aspect, est celui des riches grandes villes côtières, qui veulent se protéger de la migration des petites villes pauvres de l’intérieur.
Enfin, un dernier aspect évoque la vieille et invétérée préférence publique pour les firmes d’Etat (ce que sont les firmes de taxis) sur les privées (les VTC). Mais Didi Chuxing n’a pas dit son dernier mot, avec des soutiens de poids lourds de l’économie tels Foxconn, Baidu, Tencent, Alibaba, voire Apple et Uber. L’Etat lui-même d’ordinaire, se montre plus sensible à l’économie digitale, promesse du futur. Les normes et le cadre sont là pour un an, à titre de test – rien n’est donc encore joué.
Sommaire N° 32-33