Diplomatie : La Chine, gagnante et perdante du « Brexit »

Comme un coup de tonnerre à déflagrations multiples, la nouvelle a rebondi à travers les limbes de l’internet chinois : le Royaume-Uni venait de faire son « Brexit », tirant sa révérence à l’Union Européenne. Dans l’heure qui suivit, la bourse de Hong Kong chuta de 4,67% et celle de Shanghai, de 2,36%, tandis que les milieux politiques et financiers faisaient leurs comptes. En effet, la base de toute la stratégie chinoise vis-à-vis du vieux continent, venait de changer à tout jamais. Parant au plus pressé, le gouvernement chinois faisait contre mauvaise fortune bon cœur, affirmant « respecter le choix du peuple britannique », espérant que la séparation avec Bruxelles se ferait à l’amiable.

Mais il ne faut pas s’y tromper, les conséquences immédiates sont lourdes. Londres, depuis 10 ans, avait été élue base arrière de nombreux groupes chinois pour la conquête d’un marché de 28 Etats membres et 500 millions d’âmes. Des actifs avaient été rachetés à cet effet, tels Weetabix, MG Cars, les taxis londoniens, les aéroports d’Heathrow et de Manchester. 16,6 milliards d’euros d’origine chinoise avaient été investis. En octobre 2015, Xi Jinping signait pour 40 milliards de livres de chantiers dans les transports, les énergies (nucléaire, renouvelables) et autres.

Cas typique, John Zai, investisseur shanghaïen, louait pour 10 ans l’ancien site du London Stock-exchange pour y loger son Cocoon Networks, le plus large centre l’innovation technique d’Europe, en puisant parmi les talents immigrés (y compris les 300.000 à 400.000   Français installés au Royaume-Uni)…

Or en une matinée, tout s’envole. Londres n’est plus que la tête d’une économie moyenne de 65 millions d’habitants. Pour franchir la Manche, d’ici un an ou deux, une muraille douanière et réglementaire sera en place, érigée par une Union  tout sauf déterminée à faire des cadeaux. Aussi la Chine de Londres devra se relocaliser de l’autre côté de la Manche pour sauver son accès au « marché commun ».

En toute chose cependant, malheur est bon : pragmatiques dans l’âme, les investisseurs chinois notent l’effondrement de la livre (-12%) et se ruent pour acheter de l’immobilier britannique, ou pour payer les droits d’inscription scolaires ou universitaires de leurs enfants. Et surtout, le Royaume-Uni (ou ce qu’il en restera, si l’Ecosse en sort pour rester dans l’UE) aura besoin éperdu de protecteurs et d’alliés dans le monde, pour compenser la perte de la cuirasse européenne. La Chine, parmi ces alliés potentiels, sera au premier plan—mais elle fera payer ce service au prix fort. Le professeur Klaus Meyer, de l’Ecole de Commerce Européenne de Shanghai (CEIBS) résume ainsi le rapport de force : « avec seulement 1% d’importations en provenance de Chine, le Royaume-Uni ne pèsera pas lourd ».  

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