Le Vent de la Chine Numéro 23 (2016)
Du 17 au 24 juin, le Président Xi Jinping voyageait entre l’Europe de l’Est et l’Asie Centrale. Quoique modestement relatée par la presse, son étape en Serbie (18-19 juin) réveilla un souvenir fort – la relation fondatrice avec l’ex-Yougoslavie de Tito, champion du non-alignement.
Dans les années ‘50, Pékin cultivait l’amitié avec le phare des Balkans, socialiste mais distant de l’URSS. 30 ans après, en 1999, elle lui maintint son soutien, quoique son dictateur Milosevic se soit lancé dans une campagne de purification ethnique qui allait causer la disparition de la nation. Ainsi, la Chine de Jiang Zemin ressentait une communauté de destin – et la solidarité idéologique n’était pas un vain mot !
Le 18 juin 2016, Xi Jinping fut donc reçu avec faste à Belgrade par le Président T. Nikolic. Pour ce petit pays hors de l’UE, candidat à son accession, le soutien chinois est plus précieux que jamais – les 28 Etats membres ayant coupé leurs investissements en Serbie depuis la crise. En 2009, Pékin signait avec elle un « Partenariat stratégique » et y déversait un milliard de dollars, en infrastructures, pour en faire une tête de pont de sa « nouvelle route de la soie ».
À l’issue de son passage, Xi Jinping signa 22 accords. Les aciéries du Hebei (Hesteel) ont repris pour 46 millions d’€ les hauts-fourneaux désuets de Smeredevo (Belgrade), promettant de les remettre aux normes, et d’y adjoindre une zone industrielle. La Chine mise 206 millions d’€ dans la construction de 2 tronçons d’autoroute paneuropéenne (Surcin-Obrenovac), et prépare la ligne TGV Belgrade-Budapest.
L’APL va aider l’armée serbe à former et équiper des contingents de Casques Bleus de l’ONU, à se renforcer en lutte anti-terroriste, et contre les armes de destruction massive… La coopération sino-serbe est donc modeste, mais assumée et fondée sur 60 ans de compagnonnage politique.
9000 km plus à l’Ouest, la Chine négocie en ce moment-même, en toute discrétion avec le Venezuela, autre vieil allié socialiste. Avec ses réserves pétrolières supérieures à celles de l’Arabie Saoudite, le pays pouvait devenir premier producteur mondial. Sous Hugo Chavez, ce pays en pleine révolution post-coloniale, séduit la Chine : à partir de 2007, elle lui prêta 65 milliards de $ en financement de routes, de TGV, d’habitat populaire, de développement pétrolier –et de rééchelonnement de sa dette.
Problème : en 10 ans, le régime « rouge » de Caracas, perclus de corruption, n’a jamais remis en cause sa gouvernance archaïque, ni visé la profitabilité. Ayant ruiné sa classe moyenne, le pays est à bout de souffle. Fils spirituel d’H. Chavez, son Président N. Maduro est sous le coup d’une procédure de destitution. Éreintée d’une inflation de 480%, l’économie est atone, les magasins sont vides. Selon le FMI, le taux de récession serait de 8% en 2016. Face à cet Etat ruiné, Pékin est assuré de perdre la majeure partie de ses investissements – déjà partis en fumée. Ses diplomates, en coulisses, négocient pour sauver ce qui peut l’être. Ils le font davantage avec l’opposition de Henrique Capriles (déjà majoritaire au Parlement) qu’avec le gouvernement.
Pour Pékin, le cas de Caracas a valeur de test : que reste-t-il des investissements dans des Etats qu’elle soutient depuis 20 ans, Soudan, Zimbabwe, Birmanie ? Les 20 milliards de $ perdus en Libye après la chute de Kadhafi sont loin d’être oubliés…
La question de fond demeure : faut-il privilégier la rationalité financière et la croissance, ou continuer à investir dans la nostalgie révolutionnaire ? La question n’est pas –encore– brûlante, car ce cas vénézuélien est le seul de cette ampleur, et la Chine n’a pas encore à gérer une faillite d’Etat, dont elle serait le premier créancier. Mais judicieusement, elle s’y prépare …
Après 7 ans de conjoncture à marée basse, deux géants américains de l’alimentaire, marquent un tournant à 180° dans leurs stratégies sur le marché chinois.
-McDonald’s en mars 2016, voulait inonder la Chine de nouveaux 1300 restaurants en 5 ans, soit 250 de plus par an, et avoir renforcé son parc de 50% en 2020.
Or, selon Reuters le 21 juin, le groupe aux arches d’or, vend ses 2800 enseignes en Chine, à Hong Kong et en Corée, et a reçu « plus de 6 offres » de groupes étrangers, tels Bain Capital, TPG et Carlyle (qui visent un rachat en JV), ou locaux tels Beijing Capital Agribusiness, Beijing Tourism ou ChemChina. Ce dernier reprend par ailleurs, pour le compte de la nation, le semencier suisse Syngenta pour 40 milliards de $.
D’une valeur de 3 milliards de dollars, la vente des 2800 restaurants comprend un contrat de franchise de 20 ans, offrant le droit d’exploitation des recettes, du logo, des locaux…
Ainsi, contrairement à ce que McDonald’s prétendait il y a encore trois mois, le groupe semble désormais vouloir réaliser son capital.
Mais quelles sont les raisons de ce revirement ? Peut-être suite à un retour d’hélice conjoncturel. Après 25 ans de présence chinoise, le n°1 mondial du fast-food a perdu l’attrait du neuf. Une concurrence locale l’a rejoint, aux produits similaires à prix cassés. Pour rester dans la course, McDonald’s réinvente de nouveaux produits, tels ces hamburgers colorés en rouge ou vert, selon les personnages du jeu vidéo « Angry birds » (cf photo).
De plus, la conjoncture pèse sur le budget des ménages, pouvant décourager le client.
Enfin, en 2014, le scandale du poulet gavé d’antibiotiques, que fournissait le partenaire chinois à McDo, lui a coûté pendant 20 mois, 30% de ses ventes
Mais la raison première ayant incité McDo à vendre ses avoirs asiatiques, semble bien être une réévaluation du modèle commercial. De notoriété publique, le groupe gagne plus comme franchiseur, qu’en exploitant en propre ses restaurants.
Mais la question sera de savoir si le repreneur saura rentabiliser son investissement. D’autant que le ministère de la Santé chinois lance un plan national pour inciter la population à manger, d’ici 2050, 2 fois moins de viande, et seulement 40 à 75 gr/jour…
–Titulaire de 400 hypermarchés en Chine, Walmart surprend aussi en cédant pour 1,5 milliard de $, son site de ventes en ligne Yihaodian, à JD.com, le n°2 du e-commerce chinois, qui détient 20,1% du marché local.
Première anomalie : Walmart voyait en cette filière en ligne, son fer de lance d’avenir en Chine. Il avait racheté en 2011 la majorité d’Yihaodian (51%), et avait repris le reste en 2015, pour 760 millions de $.
Autre bizarrerie : il se fait payer non en cash, mais en parts de JD.com (5%) pour une valeur de 1,5 milliard de $. Ceci s’explique par les mauvaises affaires de JD.com en 2015, ayant subi 10 milliards de yuans de pertes (l’équivalent du rachat d’Yihaodian). Mais pourquoi avoir choisi ce repreneur, plutôt qu’Alibaba ou Hainan Airlines qui étaient tous deux aussi sur les rangs, et offraient du liquide?
Quelle que soit la raison, Wal-Mart se livre à un changement majeur de stratégie commerciale, qui reflète l’inconfort du groupe américain, face à cet l’outil de ventes par canal virtuel.
Wal-Mart n’avait commencé à s’intéresser au e-commerce qu’en 2007, en lançant sa première étude de faisabilité d’un site marchand sur internet. Il avait dès lors 10 ans de retard sur Alibaba, qui écoulait déjà pour 6,56 milliards de $ sur le net, plus que Wal-Mart et Carrefour réunis.
En 2011, Wal-Mart sautait le pas, rachetant 51% de Yihaodian (Shang-hai). Mais bientôt, un désaccord surgissait entre les fondateurs de Yihaodian, persuadés du besoin d’investir à perte quelques années, et Walmart décidé à viser une profitabilité immédiate. Le différend causa le départ des fondateurs et le rachat en 2015 par Walmart de Yihaodian, qui périclitait rapidement, de 2,3% du marché en 2013 à 0,3% en 2015.
Ceci semble avoir contraint le groupe américain à « laisser aux locaux les complications de l’internet chinois ». JD.com va intégrer les 250 centres de livraison de Yihaodian à ses 6000 propres points dans 2500 cantons du pays. JD.com va aussi bénéficier d’un savoir-faire en alimentaire, et étoffera son offre en produits importés, pour répondre à la demande en produits de meilleure qualité. Le partenariat va s’étendre aux Sam’s Clubs de Wal-Mart, enseigne réservée aux membres, dont JD.com proposera les produits en ligne.
Ainsi, Wal-Mart et JD.com espèrent une synergie pour mieux résister au géant Alibaba, qui truste 46,9% du marché (chiffre d’Euromonitor International)…
En tout cas, par ce deal encore difficile à décrypter, le groupe américain semble avoir mis deux fers au feu : si le commerce virtuel de l’alimentaire s’avère un modèle viable, il sera présent, avec un partenaire fort. Et dans le cas inverse, il se sera débarrassé à temps d’une infrastructure coûteuse et non profitable, faute d’économie d’échelle.
Dans la vie courante, la Chine rêve d’Amérique, mais en fait de sport, et de football, c’est vers l’Europe qu’elle se tourne. Pour assister à l’Euro 2016 en France, entre 5000 et 10 000 supporters chinois auraient fait le déplacement.
On voit aussi se multiplier les signes d’engouement pour le ballon rond. Les investissements s’accumulent pour faire enfin de l’Empire du Milieu une puissance footballistique – la Chine est pour l’instant au 81ème rang mondial. Jusqu’en mars, durant le mercato d’hiver, les clubs de la Super League (中超联赛, zhōng chāo liánsài ) avaient fait une razzia sur des joueurs européens ou latino-américains pour 230 millions d’€ – record historique.
Ce flux d’emplettes, loin de tarir, monte en puissance, soutenu par l’Etat : Xi Jinping prépare le pays à une « société du spectacle », prochaine étape de développement. Une fois nantie en emplois et revenus, la Chine, pour rester stable, va réclamer jeux et loisirs.
D’ici 2025, le Conseil d’Etat mettra 5 milliards de ¥ dans les sports nationaux, montants optimisés par l’élimination des barrières provinciales et le soutien aux fonds privés. En deux plans quinquennaux, le marché sportif chinois, selon eCapital Corp, doit gagner 20%/an en chiffre d’affaires et faire en 2025, 1600 milliards de ¥ (242 milliards de $) en recettes de matchs, services, droits TV et produits dérivés.
LeTV, fournisseur de contenu internet, verse 2 milliards de ¥ pour 50% du Guoan, le club de football de Pékin. En septembre 2015 il s’assurait 20% des parts de World Sport Group de Singapour, détenteur des droits des matchs de la Confédération Asiatique de Football. China Sport Media, groupe d’Etat, vient d’emporter cinq ans de droits télévisés des matchs de Super League (2016-2020), pour 8 milliards de ¥, centuple du prix payé pour l’année 2015 (80 millions de ¥).
Shanghai prépare son 3ème stade, après ceux de Hongkou (35.000 places) et Jinshan (20.000 places). Le nouveau stade de Pudong pourra accueillir 50.000 aficionados dès 2019, peut-être pour la Coupe du monde des clubs de la FIFA, événement qu’elle brigue. Il sera aussi le repère du SIPG (Football Club International des Ports de Shanghai).
La Chine se met aussi en chasse des clubs européens à racheter. Ces repreneurs renforcent leur visibilité dans l’Empire du Milieu, et promettent ainsi des transferts vers la Chine, de talents, d’entraîneurs ou de joueurs à l’avenir.
Sur la côte d’Azur, l’OGC Nice, au pied du podium de la Ligue 1, est repris à 80% par Plateno Group, 4ème groupe hôtelier mondial et leader chinois (3000 hôtels) – J.P. Rivère, son président, sauve son poste pour 3 ans et conserve 20% des parts. Les nouveaux patrons, dont Chien Lee et Alex Zheng, se promettent de développer le club en Chine.
Suning, le géant du commerce de matériel électronique, débourse 270 millions d’€ pour 70% de l’Inter de Milan, tandis qu’un mystérieux investisseur entre en négociations exclusives pour la reprise de l’AC Milan, l’autre « squadra » du poumon économique italien. Sur l’identité du repreneur, on cite les noms de Jack Ma (Alibaba) ou bien de Robin Li (Baidu). Ici, le tarif friserait les 700 millions d’€.
Outre-manche, un halo de brume entoure le Liverpool FC. SinoFortone, groupe semi-public d’investissement débourse plus de 20 milliards de $ sur divers projets de transports, d’énergie et de logement entre Angleterre, Ecosse et Pays de Galles. Ce groupe serait en train de mettre 700 millions de £ sur la table pour le club. Mais l’actuel propriétaire, Fenway Sports assure que « le club n’est pas à vendre ». Qui dit vrai ?
Aston Villa par contre, club des Midlands qui a connu des jours meilleurs, était en vente depuis 2014. Il est racheté pour 60 millions de £ par le milliardaire chinois Tony Xia, étoile filante industrielle, diplômé de Harvard, du MIT et d’Oxford. Sous sa houlette, l’Aston Villa tentera de remonter en Premier League, après sa relégation la saison passée.
De plus, le China Football Summit 2016 se tenait les 26 et 27 mai à Shanghai (Chongming), où Alibaba négocia les conditions de son sponsoring pour 8 ans à la FIFA, accord signé fin 2015. En mars 2016, Dalian Wanda Group devenait également sponsor pour 150 millions d’€ pour 4 ans.
Fosun, le géant d’affaires, créait avec l’agence portugaise Gestifute, une filiale en JV « Foyo », pour placer les espoirs chinois dans les clubs étrangers.
Et surtout, Jin Xin, JV entre Baofeng et Everbright Securities, s’offrait pour un milliard de $, 65% de MP & Silva, l’agence italienne de diffusion TV d’événements sportifs dans 215 pays, le n°1 mondial.
Enfin, les semaines qui viennent, les affaires continueront avec le mercato d’été ! Les premiers rachats de joueurs (Arouna Koné, Steven Pienaar) se dessinent.
Avec tant de fonds chinois à miser, une pompe à ballons ronds s’est amorcée entre Europe et Chine, et elle n’est pas prête de s’enrayer.
Comme un coup de tonnerre à déflagrations multiples, la nouvelle a rebondi à travers les limbes de l’internet chinois : le Royaume-Uni venait de faire son « Brexit », tirant sa révérence à l’Union Européenne. Dans l’heure qui suivit, la bourse de Hong Kong chuta de 4,67% et celle de Shanghai, de 2,36%, tandis que les milieux politiques et financiers faisaient leurs comptes. En effet, la base de toute la stratégie chinoise vis-à-vis du vieux continent, venait de changer à tout jamais. Parant au plus pressé, le gouvernement chinois faisait contre mauvaise fortune bon cœur, affirmant « respecter le choix du peuple britannique », espérant que la séparation avec Bruxelles se ferait à l’amiable.
Mais il ne faut pas s’y tromper, les conséquences immédiates sont lourdes. Londres, depuis 10 ans, avait été élue base arrière de nombreux groupes chinois pour la conquête d’un marché de 28 Etats membres et 500 millions d’âmes. Des actifs avaient été rachetés à cet effet, tels Weetabix, MG Cars, les taxis londoniens, les aéroports d’Heathrow et de Manchester. 16,6 milliards d’euros d’origine chinoise avaient été investis. En octobre 2015, Xi Jinping signait pour 40 milliards de livres de chantiers dans les transports, les énergies (nucléaire, renouvelables) et autres.
Cas typique, John Zai, investisseur shanghaïen, louait pour 10 ans l’ancien site du London Stock-exchange pour y loger son Cocoon Networks, le plus large centre l’innovation technique d’Europe, en puisant parmi les talents immigrés (y compris les 300.000 à 400.000 Français installés au Royaume-Uni)…
Or en une matinée, tout s’envole. Londres n’est plus que la tête d’une économie moyenne de 65 millions d’habitants. Pour franchir la Manche, d’ici un an ou deux, une muraille douanière et réglementaire sera en place, érigée par une Union tout sauf déterminée à faire des cadeaux. Aussi la Chine de Londres devra se relocaliser de l’autre côté de la Manche pour sauver son accès au « marché commun ».
En toute chose cependant, malheur est bon : pragmatiques dans l’âme, les investisseurs chinois notent l’effondrement de la livre (-12%) et se ruent pour acheter de l’immobilier britannique, ou pour payer les droits d’inscription scolaires ou universitaires de leurs enfants. Et surtout, le Royaume-Uni (ou ce qu’il en restera, si l’Ecosse en sort pour rester dans l’UE) aura besoin éperdu de protecteurs et d’alliés dans le monde, pour compenser la perte de la cuirasse européenne. La Chine, parmi ces alliés potentiels, sera au premier plan—mais elle fera payer ce service au prix fort. Le professeur Klaus Meyer, de l’Ecole de Commerce Européenne de Shanghai (CEIBS) résume ainsi le rapport de force : « avec seulement 1% d’importations en provenance de Chine, le Royaume-Uni ne pèsera pas lourd ».
En juin 2016, la fièvre démocratique éclata à nouveau sur Wukan. En 2011, ce village de pêcheurs cantonais, à 4h de Hong Kong, s’enflammait contre les saisies de terre et détournements. Suite à des journées de révolte qui virent l’arrestation et la mort en détention d’un leader, l’Etat accepta, contre toute attente, des élections locales libres. A 70 ans, Lin Zuluan devenait maire.
Or, quatre ans après (18 juin), Lin appelait à nouveau à une manifestation contre d’autres saisies foncières. Suite à quoi Lin était arrêté dans la nuit, accusé d’avoir palpé des « enveloppes rouges ». Une guérilla larvée s’ensuivit entre pouvoir et rue. Le vice-maire de Lu-feng (le chef-lieu) assurait que « 85% des terres en litige avaient été rendues ». Lin, par téléphone, depuis le commissariat, exhortait alors ses administrés à poursuivre le combat dans la légalité. Mais le 21 juin, dans une vidéo enregistrée en captivité, il admettait la véracité des accusations contre lui—confessions sous la contrainte, dont la Chine semble friande ces derniers mois.
Refusant d’y prêter foi, les villageois se mirent à réclamer la libération de leur édile : 1000 à 4000 manifestants défilent désormais chaque jour, maniant calicots, drapeaux rouges et slogans du Parti (pour prévenir l’accusation de délit contre-révolutionnaire) tout en criant l’innocence de Lin. Les autorités tentèrent maladroitement de faire signer par les enfants des écoles, un « témoignage » de la culpabilité de Lin. Pourtant, fait rare, elles déclarent la presse « bienvenue … pour couvrir l’événement objectivement selon la loi ».
Que se passe-t-il ? Le pouvoir provincial est-il en train de tenter d’éteindre cette lueur unique de libertés locales ? Le modèle de Wukan, ce partage de pouvoirs, est-il viable ? La confiscation et la vente de terres, source n°1 de financement des communes chinoises, est-elle compatible avec l’élection d’une mairie au suffrage universel ?
Une chose en tout cas semble certaine : l’Etat tente de gagner la bataille de l’opinion, par un mélange de moyens contradictoires (légaux et illégaux), reflétant un conflit interne. Pendant ce temps, la Chine entière observe, et retient son souffle…
Jusqu’en 2002, le couple migra selon les boulots trouvés par Chen Xuesheng, qui tenait sa jeune femme sous clé, lui ayant confisqué son « hukou ». Sans ce permis de résidence, elle ne pourrait pas aller loin. Cependant sa meilleure stratégie pour la garder sous sa coupe, avait été de la mettre enceinte. Ainsi, leur fille naquit en 2002 – Banyan n’avait alors que 14 ans.
Pour elle, ce fut un bouleversement. Découvrant ce petit être, elle ne parvint jamais, en dépit de ses efforts, à y voir son enfant. Ni « chair de sa chair », ni « prunelle de ses yeux », ce bébé lui semblait un boulet à son pied, piège tendu pour bloquer sa fuite. Mari, famille, police, tous conspiraient à l’empêcher de reprendre sa liberté volée.
L’école lui manquait cruellement… Deux amies de classe lui écrivaient encore, parlant des cours, des profs, des garçons…. Cet univers lui était fermé à jamais. Dans quelques années, elles auraient le gaokao (le bac), et peut-être l’université, la liberté – même celle de ne pas se marier, mais de gagner de l’argent et de planifier leurs vies comme bon leur semblerait. C’était trop injuste ! Condamnée à sa condition de mère-enfant, l’adolescente se promit de ne jamais abandonner son rêve de s’affranchir, quoiqu’il en coûte.
Plutôt que se plaindre, Banyan devina qu’elle devrait ruser et apprendre à dissimuler ses sentiments. Elle ferait ses tâches ménagères, s’occuperait de cette petite – comme la fille de cette homme, mais non comme la sienne. Parfois, Banyan ressentait bien une sourde empathie envers ce petit être vulnérable, l’envie de lui dispenser la tendresse maternelle. Mais alors, toujours, venait s’interposer la statue froide de son combat contre son esclavage. Ce sentiment primait sur tout. Il la protégeait de la soumission.
Faute d’éducation, les mots lui manquaient pour analyser son drame. Mais elle sentait au fond d’elle-même un droit inaliénable, l’espoir d’une autre vie. Nul ne pouvait le lui reprendre—sauf elle-même, par lâcheté, en le laissant périr. Elle s’y accrochait donc avec une énergie sauvage.
C’est cette force qui lui fit franchir les années noires, supporter les nuits d’abord terribles puis simplement banales auprès de l’homme, ce maître provisoire. Elle apprit à gagner des petites victoires, invoquer l’épuisement, une migraine, tous les prétextes bons ou mauvais pour se refuser.
En 6 ans, elle fit pas moins de trois tentatives de fuite. À l’été 2003, Xuesheng la rattrapa sur le quai de la gare routière de Xiamen. Il la prit par le bras avant de la ramener, fou de rage à la maison et de lui administrer une correction qui la laissa 8 jours au lit.
En 2005, la seconde fuite l’emmena de Fuzhou jusqu’à Wuhan, mais un contrôle du bus la fit repérer—elle n’avait aucun papier d’identité sur elle… Banyan avait refusé de décliner son identité, mais au commissariat, sa photo figurait au sommier des fugueurs—vestige de sa première escapade. Elle fut donc ramenée, battue encore.
Depuis Qingdao (Shandong), l’essai de 2006 faillit réussir. Banyan avait imaginé d’emprunter non la route de Chongqing, où toutes les polices l’attendraient en alerte, mais de se diriger vers le Sud, riche pourvoyeur d’emplois pour les migrants et peu regardant sur les papiers, pourvu que l’on soit prêt(e) à travailler.
Elle était arrivée au Jiangxi, à deux provinces du but. Dans un village oubliable et sans âme, elle se laissa bêtement ramasser par les chengguan (agents municipaux), qui la remirent à la police. Elle résista trois jours, avant de souffler son nom d’une voix fluette, pour être une fois de plus reconduite chez son odieux mari.
Enfin neuf mois plus tard en 2007, à 19 ans, c’est la naissance d’un fils qui fut l’étincelle de son évasion finale.
Après l’accouchement selon la tradition, Banyan devait garder le lit durant 100 jours. Dans leur chambre, une voisine venait s’occuper de la petite qui jouait sur sa couette à même le sol, du nourrisson en son cageot de récupération, berceau de fortune.
Depuis des mois discrètement, cette femme avait lié avec Banyan une amitié pleine de compassion. Une nuit d’insomnie, la voisine lui proposa à l’aube le plan de sa délivrance—il fut accepté avec enthousiasme. En partant pour le marché, la fidèle amie revint avec deux demi-litre d’ergoutou, alcool blanc bon marché, et un panier des plus flatteuses provisions : lamelles de bœuf, jarret de porc, crevettes, tofu, poisson de mer, poivrons rouges et verts, concombre amer, les ingrédients d’un petit banquet ! Quand Xuesheng rentra du turbin, la table l’attendait avec bouquet de fleurs et bougies. Il s’était assis comme un prince, servi par les deux femmes. Repu, il avait liquidé l’une après l’autre les deux flasques…
On l’aura deviné, elles étaient en train de lui « cacher un couteau derrière leur sourire » (笑里藏刀, xiàolǐcángdāo ). Après le festin, il s’écroula sur la table. Les deux compères l’avaient alors porté au lit, prudemment fouillé, et récupéré les précieux papiers de Banyan. Puis celle-ci, sortant son sac de voyage préparé d’avance, s’était envolée, sans ses enfants, par le bus longue distance. Le lendemain à l’aube, elle arrivait à Canton. À midi, elle était recrutée ouvrière sur une chaîne de montage électronique—un emploi ne supposant aucune formation préalable. Elle avait sa place dans une équipe, son lit, son armoire dans un dortoir.
Enfin seule, exultant de cette liberté toute neuve, après huit ans d’esclavage, elle pouvait commencer à se reconstruire…
Mais croyez–vous que Xuesheng va se laisser faire ? L’épilogue, au prochain numéro !
28-30 juin, Shanghai : GREEN AUTO Show, Salon international de l’automobile peu polluante
28-30 juin, Shanghai : CWIEME, Salon international des bobinages électriques, de l’isolation et de la fabrication des machines électriques
28-30 juin, Shanghai : PCIM Asia, Salon et Congrès sur l’électronique de puissance, la gestion de l’énergie et les énergies renouvelables
28-30 juin, Shanghai : SAPE, AUTOPARTS, Salon international des pièces détachées et des services automobiles + Nouvelles énergies et technologies intelligentes pour l’automobile
28 juin – 1er juillet, Shanghai : DIE and MOULD China, DMC, Salon international des technologies de la fonderie et des moules
29 juin – 1er juillet, Canton : CINHOE, Salon international de l’alimentation et des produits issus de l’agriculture biologique
29 juin – 1er juillet, Canton : COFFEE Expo, Salon international de l’industrie du café
29 juin – 1er juillet, Canton : IFE China, Salon international des produits alimentaires et des produits importés
29 juin – 1er juillet, Canton : IHWE – High-end Drinking Water Expo, Salon international de l’industrie de l’eau potable et de l’eau en bouteille
29 juin – 1er juillet, Shanghai : MWC – Mobile World Congress, Congrès mondial du GSM
29 juin – 1er juillet, Shenzhen : Industrial Automation, Salon international pour l’automation des procédés
30 juin – 3 juillet, Nankin : Asia Outdoor Trade Show, Salon chinois des loisirs de plein-air