Petit Peuple : Misère d’une concubine (2ème partie)

Résumé de la 1ère Partie : Fille de millionnaire, Jiajia passait sa vie à Pékin entre mondanités et affaires, pour le plaisir. Elle élèvait Xiaodou, son fils de deux ans. Mais pourquoi, quand un mystérieux « maître » la convoqua au téléphone, lâcha-t-elle tout pour le rejoindre avec l’enfant ?

C’est en 2011 qu’elle rencontra Jiang, un des fleurons de l’aristocratie rouge, qui a fait fortune entre l’immobilier, l’assurance et l’aéronautique, au dessus des lois… À près de 50 ans, il conservait une ligne volontaire et élancée, si l’on excepte un début d’empâtement dû à l’excès de banquets.

Il vivait « seul » avec ses domestiques, à 20km de Pékin, sur une colline artificielle aux frondaisons rares et centenaires, transplantées du Yunnan ou des prairies mongoles. Les quelques palais se partageant le parc, étaient mieux gardés que l’or de la Banque Populaire : enceintes à haute tension, patrouilles, caméras digitales. Bâtie en style antique avec courées et pavillons aux toits courbes vernissés, la résidence étalait les fantasmes d’un architecte ayant eu carte blanche : grande piscine à toit ouvrant, salle de concert, serre tropicale, et à l’intérieur, des dizaines de pièces meublées en tous les styles, dotées d’une domotique dernier cri.

Le maître n’avait pas invité Jiajia à partager sa vie – par peur, dit-il, d’un second divorce. Bien dédommagée, son ex-femme vivait à Vancouver, avec leurs deux filles à l’université.

Jiajia sut le cueillir au bon moment. Mais à un certain prix : c’est lui qui décidait du temps des retrouvailles. Et pour ce maître tout-puissant, elle devait se rendre disponible jour et nuit, pour l’arracher à ses humeurs ombrageuses.

Dès qu’il l’avait choisie, il l’avait déménagée dans un logement à lui, en une villa de la résidence Yosemite, voisine de celle de sa sœur. Il avait aussi fourni le personnel—féminin uniquement— qui lui rapportait les faits et gestes de Jiajia. C’est ainsi qu’il s’assurait de sa fidélité —mais au prix de la liberté de la jeune femme.

Jiang savait bien pourquoi il avait choisi Jiajia. Après deux ans de relation, il présenta son exigence : il voulait un fils. Face à ses très vieux parents, rester sans descendance mâle était sujet de honte.

Mais Jiajia, femme enfant, répugnait à assumer telle responsabilité. Enfanter déformerait son joli corps. Et puis ce fils la séparerait du monde des affaires, et lui ferait perdre sa respectabilité. Ainsi, elle tenta de refuser la requête de Jiang… Mais la guérilla tourna court. Le cœur glacé, il lui fit du chantage : un enfant, sinon elle ne le verrait plus et serait mise dehors. Le seul coup de fil qu’il daignerait décrocher serait celui pour lui signifier qu’elle acceptait de porter son fils. Et les jours suivant cette relégation, elle reçut quotidiennement sur son smartphone, les photos du maître, avec de potentielles remplaçantes.

À ce régime, le moral de Jiajia fléchit « comme une chute de 1000 toises » (一落千丈, yīluò qiān zhàng). Elle craqua en 10 jours, hissant le drapeau blanc de la reddition.

Suite à quoi elle fut admise durant deux mois au palais, compagne nocturne jusqu’à l’annonce de la grossesse. Puis elle réintégra sa villa, son maître retrouvant sa quiétude solitaire. Par bonheur, l’enfant s’était avéré mâle, assurant à la jeune mère la garantie momentanée de rester la compagne officielle !

Une chose qui frappa Oliver, son ami européen, qui lui rendait parfois visite : l’enceinte stéréo diffuse en boucle des litanies bouddhistes. Et le fait que Jiajia reçoive chaque jour un maître de yoga. « C’est pour me rassurer », lui confia-t-elle…

En réalité, Jiajia était chaque nuit hantée de cauchemars. Elle voyait Jiang en compagnie d’une autre, plus jeune. Elle découvrait (en rêve) que sa dernière opération de chirurgie esthétique n’a pas empêché l’apparition d’une ridule à la tempe. Ou encore, une dispute éclatait, où même en s’humiliant à l’extrême, elle ne pouvait empêcher sa disgrâce.

Mais le pire rêve, qui supplantait tous les autres en horreur : le maître lui retirait Xiaodou pour le placer au pensionnat le plus cher de la Terre, helvétique ou californien avec cours de rugby, de conversation ou de peinture….Cette éducation préparerait Xiaodou à la reprise des rênes de l’empire. Quand viendra la césure ? Pour son septième anniversaire ou le 10ème ? Quelle que soit l’échéance, tout cela, c’était pour demain, et la sombre certitude que Xiaodou lui serait ôté, dès que possible. Alors, Jiajia perdrait son bébé, son homme, et peut-être, son style de vie.

C’est à ce moment du cauchemar qu’elle s’éveillait, seule et en sueur. Alors, elle le comprenait, la vérité l’avait rattrapée, dévoilant le mensonge d’une vie : elle n’avait jamais eu de père millionnaire, ni étudié à Singapour. Elle était sortie comme tant d’autres de la misère,  toujours en dépendant d’amants pour vivre. Son histoire de business, c’était pour l’honneur, pour donner le change. Et dans son salon, la pendule au tictac lui rappellait chaque seconde qu’elle s’approchait du moment où sa beauté aura flétri.

Au moins, sa prudence féminine lui aura permis de ne pas tout perdre : elle garde quelques ami(e)s fidèles, quelques millions de yuans judicieusement mis en lieu sûr à l’étranger, de quoi se retourner, le jour où il faudra !

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