Energie : Le dernier rêve de la fée solaire

Depuis 2011, la Chine s’est lancée dans l’aventure du solaire. En 2015 la capacité installée est passée de 28,2 a 43,2 GW. Un bond en avant, qui lui a permis de prendre la première place mondiale avec 20% de parts de marché. Toutefois elle vise encore bien plus haut : fin décembre 2015, son Administration Nationale de l’Energie prétendait atteindre en 2016, avec ses renouvelables, 21% de son mix énergétique, signifiant l’installation supplémentaire de 15GW en solaire, et 20% en plus en éolien. Or sur le terrain, le rythme d’installation dépasse celui envisagé par le plan : fin mars 2016, déjà 7,1GW étaient installés, accusant une hausse de 52% sur 12 mois. 

Un telle course à l’équipement aura bien sûr des incidences sur les progrès techniques : Gao Jifan, PDG de Trina Solar (premier producteur mondial) ose prédire 38% de baisse du coût de l’énergie photovoltaïque dès 2019, à 0,5 ¥ du kWh (contre 0,8 ¥ actuellement). Due aux économies d’échelle et à une montée en efficacité des cellules polycristallines, cette baisse permettrait au « PV » (secteur du photovoltaïque) de concurrencer l’électricité générée par le charbon. Canadian Solar présente une prédiction presque équivalente, avec une parité concurrentielle en 2025.

 Cependant, ce marché encore tout nouveau et mal maîtrisé, aux performances tout sauf prévisibles, provoque à travers le pays des mouvements en dents de scie chez les producteurs, qui montent, puis chutent en des temps très courts : Hanergy ou Yingli, hier parmi le top 5 mondial du PV, sont en faillite, ou quasi.

De même, cette arrivée massive de « nouveaux joueurs », qui viennent concurrencer les énergies traditionnelles, provoque des problèmes en terme d’exploitation et de rendement.

Le déploiement du solaire en fanfare depuis 2012, a été dû à la promesse de primes d’installation et de rendement. Le capital local, soutenu par le gouvernement régional, commande le matériel et l’installe au plus pressé, pour « occuper le terrain », puis vendre son courant à taux préférentiel, une fois raccordé au réseau de la State Grid (SGCC, au Nord) ou de Southern Power Grid (au Sud).

Mais très vite, une telle organisation rencontre un problème d’exploitation : l’électricité solaire se trouve surtout au Nord et à l’Ouest, régions aussi grosses productrices de charbon. Un réseau à Très Haute Tension a été bâti depuis 10 ans, rattrapant en taille le réseau de toute l’Europe et acheminant le courant de l’Ouest vers la clientèle de la côte. Mais il n’est pas dimensionné pour supporter ces flux issus de la production solaire qui viennent se superposer aux flux issus des centrales classiques. State Grid arbitre donc parfois en défaveur du PV : à la fois pour garantir la survie (ou le « recul en bon ordre ») des centrales thermiques, qui sont de gros centres d’emploi, et qui produisent une énergie à 100% prévisible, contrairement aux renouvelables qui sont aléatoires et dits « intermittents ». Ceci explique l’étrange performance nationale du solaire au 1er trimestre : 11,8 TWh (térawat-heure) ont été produits, soit +48% sur 12 mois. Mais sur cette capacité, 1,9 TWh ont été « écrêtés » c’est-à-dire abandonnés, dans les régions les plus ensoleillées et lointaines : le Xinjiang a perdu 760 GWh soit 52% de sa production, et le Gansu a perdu 840 GWh soit 39%. 

 L’écrêtement est une cause de faible rendement. Mais elle n’est pas la seule. Une autre raison est la capacité gestionnaire encore faible. Partout au monde, le solaire a un « facteur de charge » (FdC, c’est à dire rendement) de 10 à 20%, à comparer avec un bilan de 60% pour l’hydroélectricité et 75% au nucléaire (en France). Mais le parc PV chinois en 2015 n’atteint qu’un FdC de 7 à 11%, c’est-à-dire le tiers du rendement atteint aux Etats Unis dès 2012 (24,6%). La Chine est même dépassée par l’Allemagne (11%), en dépit d’un ensoleillement allemand considérablement plus bas… 

Toutefois, par son réseau à Très Haute Tension, la Chine s’est dotée d’un plan cohérent pour l’avenir, rassembler et mixer l’hydraulique du Sud-Ouest du pays, avec le solaire et l’éolien du Nord-Ouest, pour desservir la région côtière de l’Est – le tout sur un territoire double de l’Europe.

Inspiré de l’Europe, c’est un système de « mutualisation », et la Chine voit à très long terme : en octobre 2015 devant un comité de l’ONU, le Président de la State Grid proposait aux pays des cinq continents de créer une « Global Energy Interconnection », maillage planétaire de lignes à  ultra-haut voltage qui convoierait l’électricité de parcs d’éoliennes fonctionnant sur les cercles polaires (régions aux plus forts vents), aux fermes photovoltaïques installées dans les déserts tropicaux. Cette énergie mutualisée serait redistribuée en continu vers les zones urbanisées et favoriserait l’électrification des usages (véhicules électriques, chauffage, cuisson…)

Des problèmes évidents apparaissent dans ce projet utopique : il suppose la fin des tensions politiques (rivalités Chine-USA-Russie) et du terrorisme, grand (Daech) ou petit (Birmanie). Il doit donc promettre de desservir aussi les régions pour l’instant insolvables telle l’Afrique, ce qui équivaut à un tonneau sans fond pour les financiers. Même sans ce handicap, ce système voit son coût d’installation évalué à 50.000 milliards de $. Un montant qu’aucun pays ni continent ne peut assumer seul, même la Chine—à moins qu’un tel système ne devienne, d’ici quelques décennies, la condition sine qua non à la survie de la Terre, face aux menaces de pollution et de réchauffement global. Une solution qui serait alors signée « Chine » !  

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1 Commentaire
  1. severy

    50.000.000.000.000 dollars… Les Etats qui réaliseront ce projet vont devoir faire du surf sur la planche à billet tout en slalomant entre les récits acérés d’une faillite en dents de requin.

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