Le Vent de la Chine Numéro 18 (2016)

du 15 au 28 mai 2016

Editorial : Une vague populiste

Le phénomène Donald Trump déferle aussi sur l’Asie : l’élection de  Rodrigo Duterte, à la présidence des Philippines, après une campagne émaillée d’arguments naïvement violents et de promesses intenables, en est la preuve.
Durant sa campagne, face à la Chine, l’homme a émis des prétentions contradictoires, voulant à la fois défendre les intérêts nationaux en mer de Chine du Sud, et négocier directement avec Pékin—renonçant à une défense collective avec les autres pays riverains. Il s’est dit prêt à troquer les droits maritimes pour quelques lignes de chemin de fer sur son sol, financées par Pékin. Mais il se voit aussi prêt à se rendre « en jet-ski » sur un atoll occupé par l’APL, pour y planter le drapeau des Philippines, seul contre tous… Ce faisant, il laisse l’impression d’un personnage beau parleur, mais inconsistant et fantasque. Et sa ligne de défense apparaît faible, risquant de compromettre les années d’efforts déployés par son prédécesseur…

La Chine ne connait pas de personnages de ce type, haut en couleur – avec son système sans élection, elle n’en a pas besoin. Mais plusieurs phénomènes en cours à travers le pays, procèdent de la même veine : une vague populiste déferle, nostalgique du passé, qui cherche à s’y réfugier pour mieux refuser la potion amère aujourd’hui (les mesures douloureuses imposées par la décélération de croissance).
Ainsi le 2 mai à Pékin au Grand Palais du Peuple, un gala a eu lieu devant le gratin de la capitale, offrant des reprises de chants chers à Mao, et de ballets créés par son épouse Jiang Jing. Un calicot reprenait ce slogan historique : « Peuples du monde, unissez-vous pour vaincre les envahisseurs yankee et leurs laquais »!
Très appréciée de l’aile gauche, la performance a choqué les victimes de la Révolution Culturelle telle Ma Xiaoli, fille d’un ancien ministre, qui a réclamé des comptes sur ce dérapage de la discipline du Parti.
Dans la même veine, fleurissent des  chants d’adulation du Président Xi Jinping, rebaptisé Xi Dada 习大大 (« Papa Xi »), et de son épouse Peng Liyuan, ex-chanteuse de l’Armée Populaire de Libération, désignée 彭妈妈 (« mère de la nation »).

Mais soudain, surprise : sur ordre de Pékin, les surnoms ont discrètement disparu des media, bannis par le Parti conscient de risquer le sarcasme. Le chef d’Etat a besoin de revenir à une image moins « Bisounours », plus sérieuse, plus conforme à sa mission de remettre l’économie sur ses rails, quels que soient les sacrifices nécessaires.
Tout cela le suggère, le culte de la personnalité n’émanait pas de Xi Jinping, ni du département de la Propagande, mais de la population elle-même, des villes et des villages dans l’attente d’un leader charismatique et rassurant. Dans la grisaille actuelle, le gouvernement doit avancer avec extrême prudence : donner confiance, se montrer à l’écoute des angoisses des provinces, et y répondre par du concret.

L’Etat va cette année « reloger » 2 à 3 millions de pauvres vivant dans des zones rurales, vers des zones plus développées (routes, eau courante, écoles, hôpitaux…). 1600 milliards de yuans seront déversés sur le Dongbei, région en chute libre, dû au recul de l’industrie du charbon et du commerce avec la Russie.
Notons que tous ces efforts reviennent aux régions au plus fort quotient de pauvreté – et de nostalgie « rouge ».

Un autre qualificatif de Xi, disparaît : celui de « centre » du Parti, point nodal de référence idéologique. Il y a encore deux mois, le concept était essentiel – quiconque l’oubliait, risquait sa carrière, ou plus. Aujourd’hui, la Chine se détourne d’un style de leadership solitaire et retourne à une direction collective. Xi se veut à l’écoute des autres leaders, des provinces, de la base. En ces temps incertains, le chef suprême doit partager les décisions, la responsabilité— influence populiste !


Défense : Mer de Chine du Sud – la Chine n’a pas dit son dernier mot

Dans le procès intenté par les Philippines contre la Chine à La Haye,  pour son incursion en mer de Chine du Sud au nom d’une carte dite « des 9 pointillés », le verdict de la Cour d’arbitrage est imminent, pour mai ou juin.

L’enjeu, pour la Chine, est la possession des 9/10èmes de cette mer éponyme, laissant aux voisins une bande côtière de 20 milles marins. La plupart des experts s’inquiètent, craignant l’éclatement d’une crise internationale.

Jusqu’à présent, à étapes forcées, la Chine équipait (en outils civils ET militaires) 5 îlots de l’archipel des Spratleys, renfloués l’an dernier. En face, les riverains renforcent leurs défenses, avec l’aide de pays tels USA, Japon ou Inde, tout en s’efforçant d’éviter d’irriter le géant voisin. Mais à mesure que se rapproche le verdict de La Haye, on sent l’escalade et la surenchère.

Côté Chine, on rassemble ses alliés « maritimes », 7 pays, au soutien à vrai dire « tiède » : ces Etats n’ont rien à gagner en l’affaire, mais doivent l’aider en raison d’une alliance plus large (Russie) ou d’une dépendance économique (Cambodge, Laos, Biélorussie et Gambie). La motivation du Brunei, très riche et qui la soutient aussi, est inconnue. Dernière ralliée à sa cause : la Malaisie, moins en conflit avec la Chine, se désolidarise de ses partenaires asiatiques, en acceptant de négocier en unilatérale selon le projet chinois de « déclaration commune » (DOC), qui a été soumis aux 10 pays de l’ASEAN. Son contenu stipule que les pays riverains devraient se présenter séparément devant elle pour négocier. La Cour de La Haye n’a pas de juridiction dans ces eaux « nationales » : son futur verdict n’a nulle raison d’être et Pékin ne l’acceptera « jamais », « quel qu’il soit ». Non sans un solide sens du paradoxe, Pékin affirme aussi, le 5 mai, « chérir » l’UNCLOS (Convention de l’ONU du droit de la mer) – sans doute sur toutes les mers sauf la sienne.

Elle rabroue Philippines, Royaume-Uni, Europe et Etats-Unis pour leurs positions « erronées », prive d’escale à Hong Kong le porte-avions USS John C. Stennis (28 avril), suite aux exercices qu’il a tenu dans la zone. Depuis, une autre unité de la US Navy a traversé les eaux d’un des atolls, causant une salve de protestations…

Elle lance une « milice de pêche » depuis Hainan, sur les Spratleys. De mai à août, elle finance une formation militaire de base aux pêcheurs, et offre des GPS à 50.000 chalutiers, pour leur permettre de repérer les bateaux étrangers. Elle subventionne la glace, l’eau douce, le carburant, qu’elle tient disponible à mi-parcours aux îles Paracels. Elle garantit l’achat de la pêche au retour. Toutes ces mesures ont pour but de renforcer la présence chinoise en mer de Chine du Sud.

Début mai, la Chine lance en exercices ses destroyers derniers-nés. Les 15 avril et 6 mai aux Spratleys, Fiery Cross  (Yongshu, en chinois) est visitée par Fan Changlong, n°2 de l’APL, puis Song Zuying, chanteuse au grade de contre-amiral. Face à la garnison, en tenue blanche de la marine, elle interprète durant 2h30 des titres tels « l’ode aux défenseurs de la mer du Sud ».

Côté « asia-occidental », les actions sont plus discrètes mais non moins efficaces. Etats-Unis et Union Européenne avertissent Pékin de respecter le verdict du tribunal. Patrouilles et exercices se multiplient, des flottes australienne, indienne, nippone, indonésienne, voire française : la frégate Vendémiaire fait sa jonction en mer de Chine (cf photo, 30 avril) avec le John C. Stennis et sa flotte de soutien… Le Vendémiaire fait aussi des exercices avec des navires chinois, et fait escale à Qingdao (7-8 mai). Tout cela, dans un exercice grand-écart combinant défense de l’amitié franco-chinoise et celle de la liberté de navigation.

Parmi ces pays, l’Indonésie mérite une attention particulière. Jusqu’en avril, elle s’efforçait de rester neutre. Mais les incursions toujours plus intense de chalutiers dans ses eaux des Natuna, et de garde-côtes chinois à leur rescousse quand elle tente de les arraisonner, l’ont faite basculer. Le 6 mai, elle concluait avec Philippines et Malaisie un accord de patrouilles maritimes conjointes, sous prétexte de lutte contre les pirates. Mais les procédures convenues pour accélérer leur intervention, dépassent la simple répression de pirates en pirogues.

Dernier point : les juristes navals commencent à publier leurs analyses sur le verdict possible de La Haye. A en croire J. Ford, à Singapour, sur la question du droit « historique » invoqué par Pékin et sa compatibilité avec la Convention de l’UNCLOS,  la Cour a des chances de conclure par la négative. Mais sur la question du statut de l’île de Itu Aba (Taiping en chinois), la terre émergée occupée par Taiwan, la Cour pourrait reconnaître un statut d’île. Alors, la Chine, dont Taiwan fait partie de jure, pourrait revendiquer une zone économique exclusive de 200 milles marins (360 km) autour d’Itu Aba. 

Quelle réaction le verdict de La Haye provoquera chez les parties en litige ? Il est impossible de l’évaluer à ce jour, mais selon J. Ford, il a autant le potentiel de jouer un rôle de catalyseur que de déclencher un conflit, dont les conséquences négatives en cas d’hostilités seraient incalculables : sanctions et blocages de nombreuses coopérations (sur la Corée du Nord, ou la normalisation avec le Japon…). De plus, l’acceptation de la spoliation par les pays concernés semble impensable. Ce  conflit pourrait ainsi durer pour des décennies, isolant la Chine et lui coûtant cher en terme d’image.

L’acceptation de la Malaisie de négocier selon le DOC, change la donne : sera-t-elle la seule à le faire ou va-t-elle entrainer d’autres pays dans son sillage ? Le fantasque nouveau Président des Philippines (cf édito) sera-t-il le prochain ? C’est en tout cas un signe fort que rien n’est joué, et que la Chine n’a pas dit son dernier mot !


Economie : La fin du plus vieux monopole : le sel

Dans les années ‘40 au Nord de la Chine, les troupes de Mao, entrant dans les villes et villages, étaient accueillies avec joie : elles les affranchissaient de la gabelle, taxe exorbitante sur le sel, au profit de l’Etat KMT de Chiang Kai-chek.

Or, voilà que la NDRC, le « chef d’orchestre » de l’économie chinoise annonce la fin de cet impôt possiblement le plus vieux du monde, prélevé par toutes les dynasties depuis 2600 ans. C’est au nom de cette taxe que Li Bing, gouverneur du Sichuan au I. siècle avant JC, avait imaginé de forer le sous-sol pour accéder aux nappes de la précieuse saumure, jetant sans le savoir les bases des technologies modernes d’extraction pétrolière.

En 1950, la jeune révolution socialiste n’avait guère perdu de temps pour rétablir la gabelle, qui entrait cette année-là pour 5,5% dans sa recette fiscale. La China National Salt Industry Corp (CNSIC) voyait le jour, monopole du marché, avec double fonction de régulateur et de commerçant en gros. En 1987, elle produisait 18 millions de tonnes de sel. En 2011, elle en faisait 90 millions (premier producteur mondial), et avec 48.500 employés, contrôlait un parc saunier (mines, salines, usines) d’une valeur de 7 milliards de $. Neuf dixièmes de sa production va à l’industrie – faute d’être consommable. Seuls 20% viennent des marais salants de l’océan.

Il ya une dizaine d’années déjà, la loi du sel avait été remaniée pour renforcer les privilèges de la CNSIC –sous prétexte d’imposer au sel de table un taux en iode, dont la carence peut causer goitres et déficit intellectuel. Depuis lors, la CNSIC était seule habilitée à faire franchir au sel les frontières des provinces, et à vendre, en gros ou en détail. En février 2013, même Taobao, Dangdang et JD.com avaient été obligés de retirer le sel de leurs rayons virtuels. La CNSIC défendait ainsi ses privilèges bec et ongles, par l’entremise de ses Bureaux du sel, présents dans chaque canton.

Pour combattre ce monopole, depuis 2004, une mobilisation toujours plus forte s’était constituée à la base, avec des milliers de PME et centaines de milliers de petites gens, étouffées par ce carcan discriminatoire. Situées en amont du circuit de production, ces firmes et villages séchaient, concassaient, raffinaient le sel, l’emballaient et le chargeaient en iode. Elles faisaient l’essentiel de l’ouvrage, mais la CNSIC empochait  le profit en imposant un prix de vente, proportionnellement trois fois plus cher qu’à l’étranger !

Elle s’enrichissait aussi par des pratiques inavouables. Elle attribuait ses quotas de production contre des bakchichs, souvent additionnés d’une obligation de reverser une partie de la recette. Tout contrevenant était déclaré illégal, et dissous. Elle forçait aussi les firmes de sel de table, à additionner jusqu’au triple de la dose normale en iode, qu’elle fournissait.  En 2013 à travers le pays, plusieurs cas de cancers de la thyroïde furent signalés de ce fait. Enfin, elle imposait fréquemment le changement des emballages, toujours plus chers…

Toutes ces spoliations nuisaient au développement du secteur, qui restait technologiquement arriéré : en 2009 selon une étude, le rendement en sel gemme était 4 à 8 fois inférieur à celui des nations européennes. Pour le sel marin, l’écart était du décuple. Un autre indice d’une dysfonction du marché, était la prévalence des fraudes : du sel industriel qui se voyait plus souvent qu’à son tour substitué à du sel de table, en des contrefaçons plombées en nitrites, arsenic et métaux lourds, avec de lourds risques de santé.

En octobre 2014, un certain Huang, tenancier d’une gargote à nouilles dans le Henan, s’était fait contrôler transportant une demi-caisse de sel destinée à son restaurant de Zhengzhou, chef-lieu provincial. Le produit avait été confisqué et il avait été verbalisé de 200 yuans. Mais le scandale qui s’en était suivi avait été tel que les ronds-de-cuir durent faire ce geste rare : s’excuser devant les caméras de télévision, et de rendre au restaurateur son argent et son sel !

Dernière conséquence : la très faible diversité des produits salins de Chine – puisque la CNSIC ne faisait pratiquement pas de recherche et développement de nouveaux produits.

La corruption exceptionnelle de ce monopole a enfin convaincu l’Etat, en 2014, de programmer la fin du système. Enfin, la CNSIC perdra au 1er janvier 2017 son monopole de distribution et de fixation du prix, suite à une annonce le 5 mai. Dès l’année prochaine, les salines privées prendront donc de la valeur, avec la perspective de pouvoir se concurrencer, fixer leur prix et vendre hors de la province.

Cette dérégulation, enfin, n’est pas qu’à usage interne –et la CNSIC sera loin de tout perdre sous le nouveau cadre. Dès 2014, Morton, le groupe salin multinational de Chicago avec la branche shanghaienne de CNSIC, a créé une JV comprenant une usine d’emballage. Morton va renforcer ses exportations vers la Chine de produits salins raffinés dont elle manque : adoucisseurs d’eau, sels de bains, sels parfumés de cuisine notamment. C’est donc aussi, pour la Chine, la redécouverte de ce plus vieux produit du monde, et pour les entreprises étrangères, la chance de placer ses produits traditionnels, du sel à la truffe, à la fleur de sel !


Technologies & Internet : Baidu – Le grand coup de torchon

Suite au scandale du décès de l’étudiant Wei Zexi  (12 avril), la réaction du gouvernement ne se fit pas attendre.
Atteint d’un cancer rare en phase terminale, Wei fit une recherche sur Baidu et tomba sur un traitement anti-cancer, presté par l’hôpital n°2 de la police armée à Pékin. Finalement, Wei s’aperçut que la méthode n’avait jamais fait ses preuves et était mensongère. Pour se défendre, Baidu argumentait que Wei avait « fait son libre choix » entre les offres sur son site.

Très vite, l’Administration de l’internet, de la Commission du Planning et de la Santé et du Bureau de l’Industrie et Commerce concluaient : par son « cocktail de publicités non déclarées et un formatage flou », Baidu a manqué d’impartialité et objectivité, et « influencé » Wei. C’était inadmissible de la part de Baidu, qui détient 80% du marché de la recherche en ligne. Baidu devait compenser la famille et abandonner ses publicités payantes dans le secteur médical.

L’hôpital aussi, avait fauté en sous-traitant ses locaux à des charlatans : 10 cadres ou sous-traitants sont sous le coup d’une procédure disciplinaire et/ou judiciaire. C’était pour l’autorité sanitaire civile l’occasion rêvée de « moucher » un réseau hospitalier militaire qui chassait sur ses platebandes, soignant les civils, sans se soumettre aux contrôles et normes nationales.

Chez Baidu, on sent aussi le vent du boulet. Baissant pavillon, Robin Li, le PDG a obtempéré à toutes les exigences de l’Etat : sa contrition  est si forte qu’elle fait penser à une refondation de son empire. Li annonce la création d’un « département de discipline interne », doté d’un droit de véto final sur toute opération. Il ouvre un « fonds de compensation » d’un milliard de yuans aux victimes de publicités mensongères publiées par Baidu (les candidats se pressent déjà sur liste d’attente). Baidu va abandonner, dit-il, la priorité à l’affichage payant (dont 30% allait dans le médical, et qui aurait dû rapporter 20 milliards de yuans au 2d trimestre) pour se tourner vers l’intelligence artificielle, la reconnaissance vocale, la voiture sans chauffeur. Et Li d’ajouter : « nous n’avons d’autre choix que de changer de modèle commercial, sous peine de perdre la confiance des gens et de faire faillite sous un mois ».

De tout cela, que conclure ? Une fois de plus, après le scandale du lait à la mélamine, l’Etat se montre prêt à chambouler son système protectionniste au profit « du droit du consommateur et de l’Etat de droit ». Mais ne va pas tout de même pas jusqu’à l’ouverture du marché aux acteurs étrangers, et à une concurrence réelle !


Aviation : Y a-t-il un pilote dans l’avion ?

Les cinq années à venir seront ascensionnelles pour l’aviation chinoise, qui recevra 12 milliards de $ en crédit d’infrastructure, sans compter les achats d’avions. D’ici là, 52 aéroports seront construits, ou agrandis, avec priorité aux zones rurales, zones à risque (séisme, crues, incendies de forêt…), de zones aux forts potentiels agricoles ou forestiers, et près de grandes villes non pourvues d’aéroports.

Plus que jamais désormais, ces projets vont créer de l’emploi, valoriser les ressources, et développer le transport intermodal – dans un souci d’efficacité et de protection environnementale, que l’on n’avait pas hier. Et si la tutelle CAAC tient parole, ces fonctions hier assurées par l’armée, seront progressivement transférées au secteur privé. Manque encore au tableau, il est vrai, le retour au civil de l’espace aérien, à 80% sous contrôle de l’armée. En dépend la naissance d’une véritable aviation privée, un marché de 52 milliards de $, selon  la revue « China Business Aviation ».

Soit dit en passant, ces dépenses sont un grain de sable dans le budget prévisionnel de l’Etat dans les transports de tous types, annoncé à 4,7 trillion de yuans (722,5 milliards de $) sur 3 ans, soit 6,9% du PIB de l’an 2015. C’est l’un des efforts destinés à maintenir l’économie occupée. Il sera payé par la planche à billets—en dépit de toutes les promesses, y compris très récentes, d’y renoncer en tant qu’outil principal de développement…

En aviation civile, un obstacle réside dans la formation des pilotes. Selon Boeing, d’ici 2035 le pays aura importé ou produit 7200 appareils, nécessitant 100.000 pilotes professionnels : 50% du personnel volant de toute l’Asie, 25% du mondial !Aujourd’hui, la Chine n’en a que 30.000, et ses écoles de pilotage ne peuvent former qu’une partie de la demande. Comment faire, pour les 38 transporteurs aériens (privés, publics, charters et de ligne) du pays, pour trouver les « pilotes dans l’avion »?

Une première solution, en 2014, a consisté en un accord des 38 compagnies aériennes, sans consulter les pilotes, pour limiter à 1% le nombre autorisé de pilotes à s’en aller : seuls 50 par an peuvent changer de compagnie. Les autres doivent attendre, sous peine d’une amende de 5 millions de yuans.

L’autre solution consiste à débaucher des pilotes de tout pays, payés des fortunes (pour un A320, jusqu’à 20.000 $ par mois). La principale source est la Corée du Sud, Korean Air et surtout Asiana, qui paie en dessous de la moyenne internationale. Sur les 524 commandants de bord étrangers en Chine en 2015, 106 provenaient de Corée !


Petit Peuple : Xueshan (Gansu) – Liu Shengjia, dernier des villageois (1ère partie)

Quel âge peut avoir Liu Shengjia ? En fin de cinquantaine, hâlé par les travaux des champs, il serait plutôt bel homme, au goût de plus d’une femme. De son âge exact, il n’a aucune idée : à sa naissance dans les années ‘50, dans son village de Xueshan, au nord du Gansu, un maire-secrétaire du Parti, avait été incapable de tenir à jour l’état civil, et à l’époque, on faisait mine de mépriser comme « bourgeoises » ce genre de préoccupations « matérielles ».

En 2016, il n’y a toujours pas de livre des naissances, et pour cause : Liu est l’ultime habitant à Xueshan ! Voilà 10 ans qu’il s’accroche désespérément à cette terre stérile…

Vers 1960, entre fermiers, maître d’école, le tenancier du magasin et le rebouteux (qui aidait aussi les femmes et les brebis à mettre bas), on pouvait compter 100 habitants à Xueshan.

Fraîche et joyeuse, la Révolution multipliait les meetings nocturnes (après les travaux des champs), sous les calicots rouges et les lampions. Le hameau vivait modestement de ses récoltes  de sorgho et de maïs, et de ses moutons. Dans un tel cadre, Liu avait eu une enfance heureuse, sans même se rendre compte de la dureté naturelle de la vie, des corvées d’eau très loin à la source, des récoltes perdues pour cause d’invasion de sauterelles.

L’école avait fermé à la Révolution culturelle – officiellement, pour obéir aux ordres de Mao de mobilisation des jeunes. Mais c’était un secret de polichinelle, le vieil instituteur avait été remercié, faute de pouvoir le payer, fût-ce en nature – un poulet de temps en temps, une brouettée de bois de chauffe, un sac de maïs : Xueshan n’avait plus que 60 habitants dont une quinzaine de gamins ! Trop de jeunes étaient partis, soi-disant soutenir les campagnes contre Lin Biao et Confucius, les quatre nuisances, le révisionnisme

Chaque année, un contingent partait : Xueshan perdait sa chair vive, et femmes, vieillards et enfants dans la culture désespérée des terres collectivisées, lopins de loess accrochés aux flancs abrupts des collines. À chaque départ d’un copain, d’une famille, Liu Shengjia  soupirait de désespoir…

Puis les années 80 passèrent, l’exode continua…Cette fois, pour fuir la misère et connaître les lumières de la ville…

L’hallali s’était produit en 2006, après trois ans de récoltes calamiteuses. Avec les dix familles restantes, Xueshan n’avait plus un motoculteur en état de marche, et ses puits ne donnaient plus que l’eau pour la soif des humains et du bétail. La terre était toujours plus aride, sauf les mois d’été où des trombes d’eau érodaient le terroir en glaise impraticable.

liushengjia1En août, trois cadres étaient apparus en jeep poussiéreuse, venus de Lanzhou, la capitale provinciale. Ayant d’abord brièvement conféré avec le Secrétaire, ils avaient ensuite convoqué à coups de klaxon un meeting comme au bon vieux temps : ils venaient « proposer » la solution finale, le repli du village.

Avec générosité, au prix d’un lourd effort au service du peuple, le Parti offrait de reloger les quelques familles dans un quartier satellite de Lanzhou. Il n’y aurait pas d’emploi garanti, mais chaque foyer aurait un deux-pièces flambant neuf gratuit pour 5 ans. Lanzhou, avec ses 3,3 millions d’habitants, ses cinémas, l’eau chaude courante et les toilettes chez soi, c’était le paradis. Et du travail, il y en aurait  pour tous ceux qui, ardents à la tâche, n’étaient pas exigeants sur la paie… Aussi les habitants, ne se le faisant pas dire deux fois, votèrent à une quasi-unanimité en faveur de la proposition.

Quasi-unanimité ? Sauf Liu Shengjia, qui stupéfia toute l’assemblée, voisins comme ronds-de-cuir, en objectant : « c’est compliqué… », commença le paysan, d’ordinaire taciturne, mais qui abandonnait soudain son silence pour s’opposer à l’avis général.

« …il y a les moutons à nourrir ! »
« On va vous les vendre, lui avait-on rétorqué, on en tirera bon prix, ça vous fera un pécule pour refaire votre vie en ville ».
« Non, je récupérerai la part qui me revient, pas en argent, mais en bêtes. Et puis, il y a nos terres, qu’est-ce qu’elles deviendront ? »
« Tu en en resteras propriétaire, camarade, et tu reviendras quand tu voudras, au Nouvel an ! » 

Le fonctionnaire n’avait pas osé dire : « à la retraite », sachant très bien que pour ce paysan d’un certain âge n’ayant jamais cotisé, aucune couverture sociale ne serait envisageable. Même ces propos prudents n’empêchèrent Liu de secouer la tête d’un geste têtu, quasi-animal. Il savait qu’on lui mentait : quand on partait, c’était pour toujours.

« Et puis, s’écria-t-il, y-a mon petit frère qu’est infirme ! Comment j’men occuperai en ville, en travaillant toute la journée ? »
« On a de de bons hôpitaux à Lanzhou, et des aides sociales… »

Mais Liu ne voulant rien savoir, décocha sa dernière flèche, celle qui coupait court à toutes les palabres :

«  Et ma pauvre mère, qu’est-ce que vous en faites ? Vieille, malade, elle veut mourir ici et elle a droit. Mon frère et moi, on reste, pour s’occuper d’elle ! »

La messe était dite : à trois, ils resteraient, les seuls survivants en haut de leur montagne aride, « jusqu’à la mort » (死而后已, sǐ’érhòuyǐ) !

 Comment Liu, son frère et sa vieille mère, vont-ils survivre seuls dans ce village désert ? Vous le saurez la semaine prochaine !


Rendez-vous : Semaine du 16 au 22 mai 2016
Semaine du 16 au 22 mai 2016

16 mai, Pékin : Visite de J-Marc Ayrault, Ministre des Affaires étrangères, et Inauguration du nouveau Lycée Français International Charles de Gaulle de Pékin

chinapolice17-20 mai, Pékin : CIEPE – Asia Pacific Asia Police, Salon international pour les technologies et équipements de la police

17-20 mai, Pékin : Metal +Metallurgy China, Salon international de la métallurgie

18-19 mai, Pékin / 20-21 mai, Shanghai : OIL China, Salon international de l’huile d’olive et des huiles végétales

18-19 mai, Suzhou : CHINABIO Partnering Forum, Forum sur l’industrie des sciences de la vie et des biotechnologies

18-20 mai, Shanghai : China BEAUTY Expo, Salon international de la beauté

18-20 mai, Suzhou : EMEX China, Salon des fabricants d’électronique

19-21 mai, Chengdu : CAPAS, Salon des pièces automobiles et du service après-vente

19-21 mai, Canton : PAPER Expo China, Salon professionnel de l’industrie du papier

interwinechina20-22 mai, Canton : INTERWINE China, Salon international du vin – Pavillon France

22-24 mai, Pékin : CISILE, Salon international des instruments scientifiques et des équipements de laboratoire

 

busworld23-25 mai, Pékin : BUSWORLD China, Salon international de l’industrie du bus

23-25 mai, Pékin : INTERTRAFFIC, Salon international des routes et des transports

23-25 mai, Shanghai : SNEC- PV Power Expo, Salon et Conférence sur l’industrie photovoltaïque