Dès 2012, Xi Jinping avouait son rêve de voir un jour la Chine accueillir la Coupe du Monde, le « 11 » national se qualifier, et enfin, la gagner. Mais son chemin reste long pour y parvenir, alors que la Chine stagne autour du 80ième rang mondial.
Depuis, toute la Chine s’ingénie à faire décoller le « ballon rond ». Le dernier mercato d’hiver fut celui de tous les records : les clubs de la Ligue chinoise (CSL) déboursèrent 334 millions d’€ pour des joueurs étrangers tels A. Teixeira, Ramires (ex-Chelsea) ou E. Lavezzi, l’Argentin (ex-PSG).
Li Ruigang, PDG du groupe China Media Capital, allongeait en octobre 2015 plus d’un milliard d’€ pour 5 ans de droits TV sur les matchs de CSL, dont 270 millions d’€ pour 2016 et 2017. Mais en cédant en mars 2016 ces saisons pour 360 millions, avec 25% de profit, il prouva qu’il avait vu juste.
Annoncé depuis 2015, l’Etat vient de publier son grand plan : en 34 ans, d’ici 2050, il ne vise rien de moins qu’un onze national parmi « les meilleurs au monde ». Et d’ici 2020, « deux à trois clubs professionnels » devraient dominer le niveau asiatique.
Dès 2020, Xi veut compter sur 50 millions de licenciés dont 30 millions de juniors – un tiers de tous les adolescents du pays ! Les deux tiers des jeunes devraient recevoir leur formation dans 20.000 académies, quoique le pays n’en ait encore que 10.000 à ce jour—elles devraient être 50.000 d’ici 2025. 50.000 entraîneurs seront formés d’ici là, et 70.000 terrains créés d’ici 2050.
Le plan veut aussi changer la pratique, multiplier les matchs. Dès 2015, 100.000 rencontres étaient disputées par 2,7 millions de jeunes.
Tout cela représente un lourd effort financier : l’Etat contribuera par voie de subventions et d’allocations de terrains aux écoles et aux clubs. Il veut encourager les grands clubs à entrer en bourse. Il s’agit de faire du ballon rond un secteur productif, chargé de divertir les masses, comme dans la devise latine « du pain et des jeux ».
Suite à l’appel du Président, les initiatives scolaires se multiplient. À Canton, une école de foot de l’université des Sports accueillera en septembre 100-150 élèves en un cursus de 4 ans de formation d’entraîneur.
Dans cette ville, Chen Guangjun, vice-président de la zone de libre-échange, appelle les clubs étrangers à installer en sa zone, leurs centres de formation – nets d’impôt.
En décembre 2015, le centre sportif de Zhongke (Pékin, cf photo) recevait en stage 100 espoirs garçons et filles, avec 9 entraîneurs étrangers dirigés par l’espagnol Rafael Gil Sanchez (ex-entraîneur du club de Malaga), et Ma Yuan’an, l’ex-entraineuse du 11 national féminin. Au programme : techniques de foot, sciences, art et anglais.
Sur le fond, comment évaluer ce très ambitieux plan national ?
Selon Rowan Simons, expert du foot chinois et président du 1er club de football sino-étranger à Pékin (le China Club Football, fondé en 2001) le problème fondamental est que le plan élude une fois encore le besoin essentiel d’autonomie, d’une séparation du football et de l’Etat.
Certes, l’Association Nationale du Foot a été épurée de ses caciques de l’Administration des Sports (CFA), mais ce fut pour mieux recevoir ceux du ministère de l’Education ! A leurs côtés, se sont ajoutés des professionnels issus des clubs, mais ils s’avèrent âpres au gain.
Ce plan rate ainsi l’autre objectif principal : nettoyer le football de sa corruption. Trop de primes et subventions s’y déversent, sans contrôle. R. Simons déclare que ces fonds ne sont souvent pas nécessaires : certains clubs amateurs parviennent à fonctionner sans aide, mais avec le simple combustible de la passion et du dévouement collectif.
L’expert compare le modèle footballistique occidental à une pyramide : avec une large base de soutien provenant d’un engouement populaire pour ce sport, ses championnats et ses clubs étant encadrés par des fédérations aux cadres élus. En Chine par contre, la pyramide s’inverse : un aréopage d’experts nommés par le Parti rédige le scénario sur l’avenir du sport, orientant le ballon rond vers une pratique d’élite, en évitant autant que possible l’autonomie des clubs et des structures.
Le meilleur exemple est l’académie d’Evergrande à Canton, qui forme 2.500 jeunes par an. Mais avec le même budget, on pourrait en initier 100.000 dans les écoles publiques. De plus, quel intérêt peut-on attendre des 50.000 entraîneurs formés d’ici 2025, si ceux-ci ne reçoivent pas d’incitation matérielle à valoriser le football dans leurs classes d’éducation physique ?
Car une autre racine du problème vient de l’éducation. Les parents ont tendance à décourager toute pratique sportive. Ils la considèrent comme une distraction inutile à l’avenir professionnel de leur enfant, et en négligent les bienfaits, comme le dépassement de soi ou le jeu en équipe. Ils veulent d’autant moins y inscrire leur fils que le football n’a pas bonne réputation. Bai Qiang, CEO de Sport 8, recommande donc d’introduire un système de bourse sportive, similaire à celui pratiqué avec succès aux Etats-Unis.
Enfin avec ce plan, l’Etat fait un pari risqué : en mettant sa priorité sur le football, il risque de défavoriser d’autres sports. De plus, qu’adviendra-t-il du football en 2022 à l’issue du mandat de son supporter n°1, Xi Jinping ? Parmi les professionnels, on commence à y songer…
1 Commentaire
severy
21 juin 2016 à 11:53A défaut d’ouvrir des clubs de ballon rond, la Chine pourrait, à la rigueur, inaugurer des clubs de pétanque. C’est moins cher à organiser, c’est tout aussi populaire et, tenant compte du net avantage du nombre potentiel des joueurs dans le Pays de l’Est (l’Empire du Milieu a disparu il y a plus d’un siècle), ça assurerait au pays un nombre appréciable de récompenses. Sans insister sur les vertus de bonne santé que ce sport affiche chez les joueurs et les joueuses de tous les âges.