La session 2016 de l’ANP s’acheva le 16 mars par le rapport d’activité du Premier ministre Li Keqiang qui venait d’être voté à la quasi-unanimité (avec 27 voix contre, sur 2857 élus présents). Par la suite, Li, souriant et décontracté passa deux heures face aux journalistes, à esquiver les questions. Il broda sur ses promesses pour 2016, la croissance de 6,5% « qui serait tenue », les retraites « qui seraient versées à 100% et à temps ». À l’évidence, l’objectif de cet exercice était le même que celui du G20 trois semaines plus tôt : rassurer.
Ce Plenum fut riche de contenu et parfois de surprises, à travers les groupes de travail permettant des débats croisés entre gouvernement central et élus locaux.
Ainsi Liu Yuanlong, vice-président de l’Association catholique patriotique, alerta les élus sur le déficit croissant en séminaristes pour assurer la relève d’un clergé vieillissant. Le catholicisme compte en Chine 3316 prêtres, pour « 6 millions » d’ouailles, mais n’en forme que quelques centaines par an. Même constat chez les protestants : Gao Feng, président du Conseil Chrétien de Chine, fait état de 5000 pasteurs et 190.000 chefs de groupes pour au moins 50 millions de croyants, soit un pasteur pour 10.000 fidèles !
Les élus se virent présenter trois vice-ministres issus d’un des huit mini-partis non communistes – ces promotions entrant dans le cadre de la tentative, largement symbolique, d’élargir la représentativité du régime.
Cao Weixing, de la Ligue démocratique, passe n°2 au ministère du Sol et des Ressources, Huang Runqiu de la « société San Jiu » va cogérer celui de l’Environnement, et Qin Boyong, de l’Association pour la construction de la nation, codirigera le Bureau national d’audit—un des outils majeurs de lutte contre la corruption.
On a pu assister à une (mini-)grogne des élus contre le ministre des Finances Lou Jiwei, qui souhaitait affaiblir la garantie d’emploi inscrite dans la loi du travail – après 10 ans, un salarié ne peut plus être licencié. Pour Lou, la rigidité du texte décourage le patron à recruter et fait perdre de la croissance « au détriment de la classe ouvrière que la loi est supposée protéger »… Ce débat prenait des accents curieusement similaires à ceux échangés en France à la même période, sur le même sujet.
Un débat réunit à la CCPPC les adeptes de la cuisine Halal, plaidant pour en renforcer les normes. Mu Kefa, vice-président de l’Association Musulmane Nationale, souhaitait une application plus stricte des principes Halal dans les restaurants « dans le respect des minorités ethniques ». Surtout, les industriels de l’agroalimentaire appelaient l’Etat à la création d’un label Halal chinois, pour mieux prendre leur part d’un marché mondial prévoyant d’atteindre 2600 milliards de $ en 2020, selon Thomson Reuters.
Une part importante des débats alla à la sécurité nationale, la lutte antiterroriste, et la censure. Les actes de paroles libres furent rares, mais d’autant plus remarqués, comme celui du professeur shanghaien Jiang Hong, édile à la CCPPC, qui parvint à défendre dans la presse nationale et étrangère le principe de pluralisme d’opinions, tout en précisant : « si une société n’écoute qu’une voix, des erreurs peuvent se produire ».
Tel est finalement l’esprit de ce cru parlementaire 2016 : le vote d’un 13ème Plan qui sera douloureux pour l’emploi dans les conglomérats, assorti d’un resserrement de vis notable des libertés, et parmi la base, des voix de résistance qui s’élèvent…
Sommaire N° 11 (2016)