Le Vent de la Chine Numéro 38 (XX)
Du 17 au 19 novembre à Manille, le sommet de l’ APEC s’ouvrira avec deux enjeux, tous deux susceptibles de changer les destinées de l’Asie et des 21 pays de la zone Pacifique.
Pékin revendique presque entièrement la
mer de Chine du Sud, sans reconnaître de droits aux autres pays riverains. Hôte de ce sommet de l’APEC, Manille a dû rayer le sujet de l’agenda, afin de s’assurer de la participation du Président chinois
Xi Jinping.
Ce qui ne veut pas dire que les Philippines ne veuillent pas en parler, tout comme l’Indonésie qui semble tentée de les suivre dans leur manœuvre osée, et porter plainte auprès de la Cour d’arbitrage de La Haye. La
Malaisie de même, se montre aujourd’hui plus vocale qu’hier dans la défense de ses propres revendications.
Aussi, ce sommet part sur un « dialogue de sourds » : Pékin prétend « n’avoir pas connaissance » de pays souhaitant aborder à l’APEC ce sujet pourtant très chaud, depuis la construction d’îlots artificiels chinois dans la zone. Par contre, les USA qui protègent les revendications des pays riverains, prétendent que le thème figurera bien aux travaux, « en coulisse, sinon à l’agenda ».
L’autre thématique, plus officielle, est
quel accord de libre-échange pour la zone Pacifique ?
Avec 11 pays —les plus avancés— les Etats-Unis ont préparé leur
Partenariat Transpacifique (TPP), désormais prêt pour la ratification, et dont la Chine est pour l’instant exclue. L’arrière-pensée initiale semble bien être de la « contenir » à l’écart.
La Chine pourtant, ne s’en soucie pas trop.
D’abord parce qu’en 2014, ses
échanges commerciaux avec les Etats-Unis pesaient plus lourds (600 milliards de $), que ceux des USA avec les pays du TPP (400 milliards de $).
Ensuite, car ses propres
objectifs de réforme économique, sont conformes aux normes du TPP, tels qu’en protection des investissements, droits du travailleur ou environnement. Ainsi, la Chine pourra faire sa demande d’adhésion au TPP, lorsqu’elle le souhaitera—à la première occasion favorable.
Enfin, la Chine a sa propre idée de zone pacifique de libre-échange, le «
RCEP », à 16 pays. Elle veut lancer les négociations en 2016. Nul doute qu’elle compte faire un maximum de concessions, pour présenter «
une offre qui ne se refuse pas ».
Autre sujet : il se trouve que début novembre, la Chine demandait à entrer à la
BERD (Banque Européenne de Reconstruction et Développement).
Les pays de l’Union Européenne, en décembre, diront sans doute « oui ». En même temps, Pékin s’apprête à recevoir le feu vert (peut-être fin novembre) pour l’entrée du yuan aux
DTS (Droits de Tirage Spéciaux), la quasi-monnaie du
FMI (l’agence monétaire planétaire d’obédience européenne).
Une chose est claire : la Chine veut travailler plus avec l’Europe à la remise à jour des circuits financiers du globe.
Et la demande est réciproque : avec des outils de croissance tel « Une route, une ceinture », Europe et Chine peuvent espérer pacifier le « voisin incandescent du Moyen-Orient » (selon le mot de la Chef de la diplomatie européenne F. Mogherini), et enrayer terrorisme et émigration massive.
Mais pour y parvenir, il faut d’abord régler les soucis sécuritaires de l’Asie du Sud-Est et enterrer le conflit sur la mer de Chine du Sud. On en est loin sans doute.
A moins de rêver, avec Lee Li-heng, metteur en scène sino-taiwanais, commentant l’historique poignée de mains du 7 novembre entre Xi Jinping et Ma Ying-jeou, les Présidents des deux territoires « frères ennemis » : «
s’ils arrivent à faire ça, quels problèmes autour du détroit, ne peuvent être réglés par le dialogue à l’avenir » ?
La légende prête l’invention de la fête des branches sèches (光棍, guang-gun, ou garçons seuls) à des étudiants de Nankin en 1993, qui désiraient célébrer leur célibat—histoire de dédiaboliser cet état vécu comme un stigmate— et si la chance se présentait, d’en profiter pour enterrer leur vie de garçon.
Le 11 novembre était choisi pour sa numération au symbolisme transparent, deux séries de « 1 », fonctionnant comme un appel à la fusion en couple. C’était le jour propice à la tournée des bars, aux chants sous les dortoirs des filles, à la remise du cadeau à l’élue de son cœur pour dévoiler sa flamme, ou faire sa demande…
En 2009, la célébration était récupérée par le géant de l’e-commerce Alibaba, au médiatique fondateur Jack Ma, père de Taobao (90% du marché online C2C) et Tmall (50% de celui du B2C). Sous prétexte d’assister les cœurs esseulés, 27 marques offrirent à la jeunesse –et à toute la Chine– des centaines de réductions via la plateforme d’Alibaba.
Le succès dépassa toutes les espérances. Depuis, le rendez-vous surfe de record en record : en 2015 sur Alibaba participèrent 30.000 marques dont 5000 étrangères. Tous les autres acteurs du e-commerce chinois sont d’ailleurs venus s’ajouter au tableau. De ce fait, déclare cet expert, « le ‘11.11’ dilue l’impact d’autres fêtes consuméristes traditionnelles tel le Nouvel An chinois ou la fête de Mi-Automne ».
Le 11.11 est ainsi devenu l’événement capital : certaines marques y font en 24h l’essentiel de leur saison. C’est le moment privilégié pour gagner de nouveaux clients et consolider son image de marque, à coups de remises et coupons de réduction. Tout se vend : smartphones, réfrigérateurs, rouges à lèvres ou nuits d’hôtels…
Pour les marques, reste à choisir sur quelle plateforme vendre ses produits ? Entre Alibaba, qui breveta en 2012 le concept du « Double 11 » (双十一), et un de ses challengers JD.com (B2C), tous les coups sont permis ! 15 jours plus tôt, JD.com déposait plainte auprès de la SAIC, autorité de tutelle, contre Alibaba, l’accusant de faire pression sur ses marques pour briser leurs accords d’exclusivité. Interdite par la nouvelle loi « e-commerce » du 1er septembre, cette pratique semble donc bel et bien perdurer.
Pour le cru 2015, Alibaba conclut des alliances logistiques avec le détaillant électronique Suning et les messageries EMS, ZTO et YTO Express, cumulant 1,7 million de coursiers, 400.000 fourgonnettes, triporteurs ou vélos électriques, 5000 entrepôts et 200 avions de fret. Pour la première fois, Alibaba anticipait la demande par analyse des données de masse (les « Big Data »). Ceci lui permettait d’optimiser ses livraisons au fin fond des campagnes par les agences locales délivrant « au dernier kilomètre », mais aussi hors-frontières, grâce aux services de 49 postes et messageries à l’international. La Russie est le 1er marché hors frontières d’AliExpress.
Pour faire monter l’excitation, la veille, Alibaba avait organisé un gala diffusé sur Hunan TV et sur internet, au « Cube d’Eau » à Pékin, avec le concours de stars tels le britannique Daniel Craig (cf photo), le dernier James Bond, et l’acteur Kevin Spacey, héros de la série « House of Cards », en duplex des Etats-Unis.
Tant de strass et de paillettes permirent de faire mentir la conjoncture : malgré le ralentissement du commerce, il ne fallut à Alibaba que 11 heures et 50 minutes pour battre son record de 2014. A l’issue des 24h de la promotion, le groupe affichait un exercice de 54% supérieur au 11/11/2014, soit 14,3 milliards de $. Autre donnée frappante, 70% des achats provenaient d’appareils mobiles. Le chiffre d’affaires fut dopé par une nouvelle fonctionnalité : les réductions ayant été dévoilées plusieurs jours à l’avance, les clients ont pu échelonner les paiements, même sur des petits montants, pour régler le solde le jour-J.
Pour ne pas être de reste, JD.com y avait aussi été de son gala TV, en équipe avec la populaire émission de téléréalité « The Voice of China » – totalement éclipsé par celui de son concurrent, mais qui lui permit quand même de dépasser lui aussi son chiffre de l’an passé.
Les produits phares des ventes en ligne de ce 11.11 ont été les smartphones (Xiaomi, Huawei), l’électroménager (Haier), et les vêtements – des ventes potentiellement perdues pour le commerce traditionnel. Ce qui explique le ralliement sur internet de 1000 chaînes et marques, et de leurs 180.000 magasins physiques – une tendance qui ne fait que s’accentuer depuis 2013.
Inévitablement, cet exercice géant du 11.11 s’accompagne de dérapages en terme de transparence : des commerçants filous dansent la valse des étiquettes, faisant gonfler les prix quelques semaines avant, pour mieux les « baisser » le jour venu. D’autres ressentent une véritable pression psychologique à acheter, certains changent leur code secret bancaire pour calmer la folie dépensière de leur conjoint, enfin quelques uns décrient le manque de contact humain dans cette orgie consumériste online.
Dès le 28 octobre, un site web, le bien-nommé « Guanggun Net » établissait le palmarès des métiers les plus susceptibles de favoriser le célibat : il citait en premier le fonctionnaire (à cause des bas salaires), et en second, le coursier, trop occupé à livrer ses colis commandés sur internet, pour pouvoir penser à se marier !
On en tirera la morale que l’on voudra, mais une chose est sûre : ce 11.11 est unique au monde et l’avenir dira s’il durera et si d’autres pays s’y convertiront…
C’est une première dans l’histoire du crime cybernétique à travers l’Asie : un gang multinational chinois, démantelé par une police multinationale chinoise.
Organisé depuis Taiwan, un trafic courait depuis fin 2014. Attirés par une promesse d’emplois bien payés, des jeunes Chinois et Taiwanais étaient envoyés au Cambodge, en Indonésie et aux Philippines—via Hong Kong, pour brouiller les pistes. Là, ces jeunes rejoignaient des « call centers » pirates, pour leurs activités délictueuses.
Équipés de d’ordinateurs, smartphones, logiciels furtifs, ils appelaient des particuliers, à Hong Kong ou en Chine et tentaient de les convaincre sous divers prétextes ou menaces (comme d’avoir « contrevenu aux lois chinoises ») de virer de l’argent ou de dévoiler les coordonnées de leurs cartes bancaires. Ils travaillaient sous la contrainte (passeports confisqués) et devaient réunir 150 dossiers par mois de victimes potentielles. Moyennant quoi, ils gagnaient 10.000 yuans par mois, « hors commissions ».
Sans contrôle de la police locale et ne nuisant que hors frontières, ces arnaques rapportaient gros : sur Hong Kong, 4000 « coups » furent dénombrés en 10 mois, dont 431 permirent d’extorquer 15 millions de $.
Ce réseau multinational devait on impunité à son montage « jamais vu ». Mais en un délai plutôt court, la riposte arriva, tout aussi innovante : confirmant la valeur du proverbe « à bon rat, bon chat ».
À Pékin en juin, en lien avec les gouvernements de Taipei, Jakarta, Hong Kong et Phnom Penh, le Conseil d’Etat forma une task force interministérielle.
Le 19 octobre à Surabaya (Indonésie), 224 comparses furent appréhendés. Le 31 octobre, 168 acolytes furent coffrés, cette fois au Cambodge. Onze jours plus tard, 254 malfaiteurs chinois, surveillés par 282 policiers, étaient rapatriés, menottes aux poignets.
Seul le call-center philippin reste encore ouvert—signe des mauvais rapports entre Manille et Pékin (attention au n° d’appel « 29616333 »). Mais on peut supposer que désormais, ses jours sont comptés!
Au 1er novembre, pour deux mois, les limiers de l’anticorruption s’attaquent au seul secteur encore presque indemne jusque-là : la finance - Banques, assurances, bourse, agences de tutelle…et banques clandestines, et leurs exports de fonds au noir.
<p>Le dernier en date, vendredi 13 novembre, est le plus spectaculaire : Yao Gang, brillant vice-Président de la Commission de régulation boursière (CSRC) cf photo. À 53 ans, il était le plus jeune haut cadre financier – six jours plus tôt à Fuzhou, il dirigeait encore un colloque sur le risque d’investissement. Docteur en économie de l’université de Tokyo, ayant débuté sa carrière comme président d’un groupe national de courtage, il tombe puni pour la gabegie galopante dans ses services, ceux des nouvelles entrées en bourse.En juin, suite à ce laxisme, la place de Shanghai avait « dévissé » de près de 40%, en dépit d’interventions coûteuses (100 milliards de $) et maladroites de l’Etat pour enrayer la chute. Il faut toutefois aussi noter cette autre cause possible à la disgrâce de Yao Gang, nommé en 2004 sous Hu Jintao, alors que Xi Jinping s’applique à éclaircir les rangs des cadres nommés par ses prédécesseurs…
À chaque arrestation, le motif se répète, sans peur du monocorde : « faute disciplinaire grave ». Mais le terme recouvre au cas par cas des reproches parfois fort différents.
Trois jours avant Yao Gang, Zhang Yun, Président de l’ABC (la Banque Nationale de l’Agriculture) est arrêté : depuis janvier l’ABC voyait ses prêts faillis augmenter de 43%, à 179 milliards de ¥. Quoique ces pertes ne représentent que 2% des actifs, l’Etat s’inquiétait, car la tendance était générale : pour les 16 banques inscrites en bourse (Shanghai et Shenzhen) les mauvaises dettes ont gonflé en neuf mois de 20%, à 908 milliards de ¥.
À Shanghai est arrêté Xu Xiang, patron de Zexi Investment, figure de proue de la finance privée, puis d’autres managers chez Yishidun, Huaxin Futures et China Fortune Futures : toujours au titre du nettoyage des écuries d’Augias de la bourse.
Surnommé « le kamikaze » pour son goût des placements quasi-illégaux, Xu Xiang avait un jour acquis « d’une touche de clavier » 31 contrats en une seconde, et fait en un mois 500 millions de ¥ de profits. Il était le genre de joueur que l’Etat souhaitait écarter, pour pouvoir relancer la bourse sur les bases soutenables du « nouveau normal ».
Quelques mois plus tôt, tombaient Zhang Yujun, assitant Président de la CSRC (autre responsable du dévissage boursier), et de Cheng Boming, Président de Citic Securities.
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Entretemps, les coupes sombres se poursuivre dans les autres sphères du Parti, et régions de Chine.
Le 10 novembre tombe Ai Baojun, vice-maire de Shanghai—le plus haut « tigre » en ville depuis Chen Liangyu en 2006. Là-encore, le limogeage peut être imputé aux doubles causes de corruption (ex-patron des aciéries Baosteel, de la zone franche de Shanghai – FTZ) et d’allégeance (il était proche de l’ancien Président Jiang Zemin).
Le 11/11 à Pékin, trébuche Mme Lu Xiwen, la vice-Secrétaire du Parti, et cheffe de l’école du Parti : donc de la Ligue de la jeunesse, fief de Li Keqiang et derrière lui, de Hu Jintao.
Au Hebei chute Zhou Benshun, l’ex-Secrétaire du Parti, et à Nanning (Guangxi), Yu Yuanhui le Secrétaire : est-ce la gouaille populaire, ou une consigne inofficielle qui voue à la chute « un tigre par province »?
Les régions à minorités ethniques n’échappent pas à la nervosité :
En Mongolie intérieure, Pan Yiyang vice-Président du territoire est arrêté depuis octobre, suivi du Président de la banque territoriale Yao Yongping. Song Wendai, l’ex-manager de la fonderie d’or locale Qiankun, a plus de chance : condamné à mort en 2012 pour vol de 134 kg du métal précieux, il a droit à un second procès.
Au Xinjiang, tombent Zhang Genheng, chef de la police aux frontières et Zhao Xinwei, rédacteur en chef du journal local, ce dernier pour « corruption ET critique de la ligne du Parti » – mystère.
Au Tibet, Chen Quanguo, le nouveau Secrétaire juste nommé, lance une campagne assez rare : il veut débusquer les cadres (tibétains) ayant envoyé aux études leurs enfants en Inde à Dharamsala, la capitale du Dalai Lama.
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Au niveau central aussi, la campagne fait des ravages :
Tombent Xiao Tan, ex-n°2 national des Sports, et Xi Xiaoming vice-Président de la Cour suprême chez qui furent déterrés 21 tonnes de billets roses.
À Tianjin, le 14 octobre, se tenait le procès de Li Dongsheng, ex-vice-ministre de la Sécurité Publique et intime de Zhou Yongkang – verdict en attente.
Outre sur le crash boursier, l’Etat sévit aussi sur l’autre scandale de l’été, le titanesque accident chimique de Tianjin qui détruisit pour plus d’un milliard de $ d’infrastructures et causa 173 morts, ruinant pour longtemps la réputation de ce grand port aux hautes ambitions : chutent Yang Dongliang, chef de l’Agence Nationale de Sécurité au travail, et Zheng Qingyue, Président du port.
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Dans le monde industriel, sont inquiétés le commodore de China Southern, le n°2 de Dongfeng (groupe automobile de Wuhan), le n°1 de FAW (celui de Changchun), l’ex-CEO des laiteries Bright. La liste des victimes de cette plus rude campagne depuis la Révolution culturelle, pourrait s’allonger à l’infini : en 24 mois, elle dépasse les 100.000 noms !
A retenir : à ce jour, la liste ne compte pas de « hongerdai » (红二代), fils de la « seconde génération rouge ». Très soudés, ces 1000 à 2000 sexagénaires au faîte de leur puissance parviennent toujours à échapper à toute accusation. La CCID, et même Xi Jinping, ne peuvent les attaquer de front, au risque de causer l’éclatement du Parti.
Il vient de sortir, le 12 novembre, le dernier billet de 100 yuans, œuvre de la China Banknote Printing & Minting Corporation (CBPM), filiale de la Banque Populaire de Chine – depuis 1984 la première émettrice mondiale de billets de banque.
Face au billet rose que nous connaissons, en cours depuis 2005, rien de changé – en apparence : Mao est toujours là, signe de volonté de respect à l’héritage idéologique. Mais au plan technique, le billet a été perfectionné par plusieurs progrès discrets voire invisibles, qui changent la donne.
Suivant l’angle de vision, le motif central passe du doré au vert. Sur le bandeau de droite, une bande pointillée passe du rose au vert. Sur ce même bandeau, le numéro de série est dupliqué en verticale. Au verso, l’impression en taille douce (déjà présente sur la version précédente, 5ème série, 2nde édition) du Grand Palais du peuple se trouve en relief. Le résultat de tout cela causera au faussaire des difficultés supplémentaires, pour créer une copie convaincante.
Il était temps : ces dernières années, la contrefaçon du billet rose inquiétait toujours plus l’autorité monétaire, infestant les ATM (avec bien sûr des complicités internes).
En valeur, les faux billets saisis en 2012 atteignaient 329 millions de ¥, mais leur chiffre était passé à 532 millions en 2014, progression intolérable.
Fait notable : seul le billet de 100¥ change (même si son prédécesseur lui coexistera quelques temps), mais non les autres coupures.
Les faux monnayeurs ne s’y sont pas trompés : la dernière mode est d’imprimer des faux billets intermédiaires, 10, 20 ou 50¥.
Le profit sera réduit, mais la méfiance moindre, et donc plus faciles à écouler.
Neuf fois sur dix, le billet en bois provient d’une seule région, l’ Est du Guangdong, où près de trois officines clandestines sont craquées chaque jour par la police.
Une simple machine offset peut parvenir à un résultat parfois assez bon pour faire hésiter l’utilisateur – mais non le détecteur.
Fait remarquable, 96% des faux billets proviennent d’une seule planche originelle, celle de Peng Daxiang, peintre de talent, condamné en 2013 à la perpétuité à Canton.
Les contrefaçons, disent les enquêteurs, sont cédées aux recéleurs au prix de départ de 6¥ l’unité. Vus les profits énormes, et en dépit des lourdes peines qu’ils encourent, les apprentis-contrefacteurs affluent : en 2014, un atelier pris d’assaut permit la saisie d’une tonne de billets roses fraîchement sortis des rotatives en moins d’une semaine. Les ouvriers « au noir » étaient payés 10.000¥ par jour—le salaire de la peur.
Mais la parade de l’Etat s’organise.
Depuis peu, machines de guichet et ATM savent lire le numéro de série du billet, permettant d’en retracer le parcours. Ainsi, les policiers peuvent espérer remonter au payeur et au receveur, dans une transaction frauduleuse.
Ceci renforce la guerre anti-corruption menée par Wang Qishan, patron de la Commission Nationale de Discipline. Wang a annoncé son but, très ambitieux mais pas inaccessible : déployer un réseau sécuritaire si étroit qu’il forcera le fonctionnaire à l’honnêteté étant donné la quasi-certitude d’être découvert en cas de tentative de malversation.
Ce nouveau billet présente surtout l’avantage de compliquer l’écoulement de l’argent détourné (des milliards de yuans) par les apparatchiks, caché dans leurs petits palais. En effet, ils ne pourront les présenter en banque pour remplacement par de nouveaux billets. Et comme les autres formes de placement sont à présent obligatoirement nominatives, il reste alors les bijoux et les œuvres d’art par exemple, pour protéger cet argent mal acquis.
Néanmoins, pour les libertés individuelles, la perspective est inquiétante, mais il faut remarquer que ce système autoritaire de contrôle monétaire sécurise la société entière, et pénalise tout monde du crime de l’ombre –celui des mafia et celui du terrorisme.
Les anciens billets pourraient être retirés de circulation sous quelques mois : déchiquetés, réduits en briques, ils peuvent aussi être brûlés. Un camion de 30 tonnes de vieux billets fournit 30 MWh d’électricité, le double du même poids en paille de riz.
Mais à quand la sortie d’une nouvelle série complète ? Pas avant trois à quatre ans, pensent les spécialistes.
Il serait déjà question d’éliminer le billet de 1 yuan (trop vite sale et vecteur de bactéries, forçant son remplacement fréquent).
La plus petite coupure deviendrait donc le 5 yuans. La relève du « 1 yuan » est déjà là, pièce de ferronickel, très utilisée à Shanghai.
Tout est une question de goût et de poids dans la poche!
Cette histoire chinoise reproduit l’arnaque immortalisée par F. Fellini dans l’iconique film « Il bidone » de 1955. La fraude qui vient de faire l’objet d’un procès à Lianhu (Shaanxi) reprend les mêmes ingrédients : une promesse d’enrichissement facile qui, quoique fallacieuse, est gobée par une multitude de gogos.
De février 2013 à juillet 2014, une certaine Changping, soi-disante princesse Aisin Gioro, offrit à travers la Chine la chance de « fortune immédiate ». « Descendante de 4ème génération de l’empereur Daoguang » (nièce lointaine du dernier empereur Pu Yi), elle était l’héritière unique des 25 milliards de $ amassés par les empereurs Qing, saisis mais non confisqués par l’Etat. Il suffisait de les récupérer, simple comme bonjour !
Cette petite femme d’aspect faussement inoffensif n’était—les pigeons l’apprirent, mais un peu tard— ni princesse ni Changping, mais Wang Fengying, native de Lushi (Henan), fermière sans emploi ni autres qualités qu’une formidable capacité à embobiner et tenir en haleine son auditoire.
Avec Yang Jiangling, 47 ans, son acolyte et probable amant – au chômage aussi – elle avait lancé son trafic pseudo-princier à Xi’an, ville natale de Yang.
À des groupes d’épargnants soigneusement identifiés, elle faisait miroiter l’existence du magot que le régime était désormais prêt à rendre aux héritiers—à elle, donc. Mais avant de le « dégeler », il fallait ouvrir des portes, arrondir des angles, graisser des pattes de cadres corrompus. Les investisseurs étaient invités à financer le rapatriement du pactole : en 12 mois, promis, ils recevraient le triple en intérêts, sans compter leur mise de départ, bien sûr !
Au fil des mois, le scénario s’affina et le décor s’étoffa – essentiel à la crédibilité de l’embrouille. A son apogée, telle une star, Wang Fengying apparaissait devant un parterre de notables en des salles de bal d’hôtels 4 étoiles, nippée à la mode des dames du temps jadis : en robe longue de brocard chamarrée de breloques, en sandales hautes rehaussées d’or, portant un fier chignon fiché de verroterie.
Comme preuve de l’existence de l’héritage Qing, elle exhibait des pyramides de lingots d’or aux formes les plus imaginatives, très antique, directement achetées via Alibaba sur internet ; des piles de liasses de billets verts de même incertaine origine. Cela ne ratait jamais : à mesure qu’elle parlait, s’allumaient les yeux des provinciaux. D’abord sceptiques ou goguenards, leurs regards chaviraient, se chargeaient d’envie, de rage de ne pouvoir déposer plus vite leurs sous aux pieds de la princesse. Yang, le factotum, réceptionnait les fonds avec un sérieux de croque mort, établissait les reçus, les visait d’un tampon écarlate de raison sociale exotique.
De la sorte en 18 mois, les associés ratissèrent 5,7 millions de yuans. Leur train de vie s’embellit : ils louèrent un bel appartement, déposèrent les arrhes pour l’achat d’un autre, s’offrirent une belle voiture… Mais « 月满则亏 » (yùe mǎn zé kūi), dit le proverbe, « après la pleine lune, le déclin ».
Pour maintenir le flux d’argent qui commençait à se tarir, la fausse princesse avait dû en juin 2014 confier un lingot en collatéral d’un prêt. Or le quidam méfiant – n’en dormant plus la nuit depuis qu’il avait lâché ses 100.000¥ – avait été montrer l’or au mont de piété.
Là, s’esclaffant, l’usurier, d’un coup de lime, lui avait montré que ce n’était que vulgaire plomb peint, et même pas à l’or fin. L’homme avait été rameuter d’autres pigeons pour une chasse à l’homme : en juillet 2015, la police de Xi’an sauva Wang et Yang des griffes de six grugés qui voulait les lyncher, puis les mit en cabane !
Le 7 septembre au tribunal de base de Lianhu (Shaanxi), le faux couple, faux nobles et faux mandchous, écopa de 13 et 12 ans et demi. Ils doivent aussi – vœu pieux du juge, vu qu’ils sont insolvables – rembourser les victimes et verser chacun à l’Etat un demi-million de yuans d’amende.
Après son verdict, le juge émit cet avis intéressant : « ceux qui sont assez bêtes pour se laisser prendre au miroir aux alouettes, n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes » ! Tout ce qui brille n’est pas or, et nulle fortune n’a jamais été trouvée sous le pas d’un cheval.
L’avis est raisonnable, mais peut-être un peu bref. Il permet en effet au magistrat d’escamoter la question centrale en cette affaire : la raison de l’évidente sympathie du public pour l’époque de référence de tout ce scénario, à savoir l’ancien régime.
À ce qu’il semble, cette sympathie pourrait renvoyer à la nostalgie (qui fleurit aussi en Occident) d’un monde révolu, peuplé de princes et têtes couronnées.
Mais elle pourrait aussi dire la désillusion de la rue chinoise envers son époque, le matérialisme forgé par le régime, son absence de valeurs. Face à cette critique risquant d’émerger, on comprend la hâte du juge pour botter en touche, en accusant le Chinois moyen de naïveté, pour mieux absoudre l’Etat moderne de tout péché.
Visite du Président Xi Jinping les 14-16 novembre, en Turquie, pour le G20, suivie du 17-19 novembre, à Manille (Philippines) au Sommet de l’ APEC
26 novembre, 19h30, à Shanghai : Conférence d’Eric MEYER, le rédacteur en Chef du Vent de la Chine au Cercle francophone de Shanghai, autour du thème : « Le Pouls de la Chine depuis l’été », à la Galerie Art Cn, 423 Guangfu lu (near Suzhou Creek). Réservations : conferences@cfshanghai.com
18- 20 novembre, Pékin : World of Food Beijing
17-20 novembre, Pékin: China-Pharm, Salon de l’industrie pharmaceutique
17-20 novembre, Shanghai : FOODPEX, BULKPEX, SWOP, Salons de l’agro-alimentaire et de l’emballage
20-22 novembre, Canton : Auto Guangzhou
25-27 novembre, Shanghai : TEX Care International Asia, Salon mondial du traitement des textiles modernes
26-28 novembre, Canton TEX, Salon du textile et de l’habillement
26-28 novembre, Canton : Fashion Guangzhou Fair, Shoes Fair, Bags Fair
1-4 décembre, Shanghai : Marinec China, Salon et conférence de l’industrie maritime
2-4 décembre, Shanghai : The Holography Conference
2-4 décembre, Shanghai : Automechanika Shanghai, Salon de la voiture, équipements pour garages, pièces détachées et accessoires
3-5 décembre, Chengdu : CITE, Salon international du Tourisme
4-6 décembre, Shenzhen : Asia Golf Show, Salon international de l’industrie du Golf
4-6 décembre, Shanghai : TOP Marques, Salon des produits et des marques de luxe
4-6 décembre, Shanghai : Food & Beverage, Wine Expo, Salons de l’import/export de l’alimentation et de boissons, vins et spiritueux