Le Vent de la Chine Numéro 32 (XX)
Xi Jinping, l’homme fort de la Chine, occupe plus que jamais le devant de la scène. Le n°1 chinois s’envole (22-28 septembre) pour sa 1ère visite d’Etat aux Etats-Unis, multiplie les nominations à des postes-clés, et lance des projets de réformes . C’est pour rallier le plus large soutien possible avant le Plenum du Comité Central d’octobre, et faire passer en force ces réformes en panne depuis son arrivée aux affaires.
À la tête des organes de l’Etat, il remplace les hommes de Hu Jintao, son prédécesseur. Meng Xiangfeng devient n°2 au Bureau Général du Comité Central, après l’éviction de Ling Jihua et Huo Ke, pour corruption. Su Deliang passe vice-ministre de la Sécurité d’Etat, à la place de Ma Jian écarté en janvier. À l’APL, Xi installe les généraux Zhao Keshi et Cai Yingting – des amis des années ‘90, alors en poste entre Fujian et Zhejiang. Ex-chef des finances de Xiamen, He Lifeng, devient vice-président de la NDRC. Chen Min’er, gouverneur du Guizhou, est promu en juillet Secrétaire du Parti : rare cumul des mandats, qui révèle la confiance de Pékin. Encore jeune (55 ans), Chen serait un candidat plausible pour succéder à Xi en 2022.
Et puis, il y a la visite à B. Obama. Elle a été très préparée, par une visite à Washington de Meng Jianzhu du Bureau Politique (9-12 septembre), puis du conseiller d’Etat Yang Jiechi. Meng a obtenu ce qu’il réclamait de longue date : malgré l’absence d’accord d’extradition, la livraison de Ling Wancheng, le transfuge frère de Ling Jihua. Ling Wancheng aurait emporté de Chine des documents compromettants, espérant en faire un « levier » contre un procès à Ling Jihua. Mais ce retour de Wancheng a été négocié au prix fort : la saisie du magot du clan Ling (600 millions de $) par le Trésor public américain, et le retour en Chine de 25.000 Chinois illégaux.
Sur cette visite d’Etat, la presse anglo-saxonne est pessimiste, eu égard aux nombreux litiges : sur l’accès trop limité au marché chinois, le piratage informatique, le grignotage naval en mer de Chine du Sud. L’opinion américaine voudrait qu’Obama « inspire » un rétablissement des liens Chine-Vatican, et un dialogue avec le Dalai Lama. Mais ce type de pression ne peut être qu’inacceptable pour Xi Jinping… Néanmoins, on voit aussi souffler bien des vents plus favorables : ¤ Xi a besoin de lauriers en Amérique, avant « son » imminent Plenum. Or Obama, n’ayant plus d’élections à affronter, est libre de l’aider, sous réserve de concessions solides de la Chine. ¤ Une première aide tangible est le maintien inchangé (17 septembre) du bas taux d’intérêt de la
Banque Fédérale américaine, motivé par la fragilité de la bourse chinoise. La FED est souveraine dans ses décisions, mais Obama a pu « recommander » de retarder la remontée du taux, pourtant prévue de longue date. ¤ En
environnement, Xi et Obama veulent engager leurs pays à des coupes accélérées des émissions de CO2 – accord qui améliore les chances des palabres climatiques de la COP21 de Paris en novembre. ¤ Les deux pays préparent un ambitieux
traité bilatéral d’investissements.
En somme : Etats-Unis et Chine s’apprêtent à cueillir les fruits d’années de négociations, à haut niveau, sur tous dossiers. Sous cet angle, la visite a le potentiel d’entrer dans l’histoire comme la date d’un fort rapprochement entre Est et Ouest, nécessaire pour la stabilité et la relance de la planète.
Tibet et Xinjiang, régions extrêmes du Far West chinois, ne font pas les grands titres locaux – la censure y veille. Et pourtant dans l’ombre, il s’y passe bien des choses, et ces turbulents « territoires autonomes » sont un sujet évident de souci du pouvoir.
Sur le « Toit du monde », un bon indice de la tension latente, tient à la succession cet été d’au moins trois meetings au sommet, tout ou partie à son sujet :
les 20 et 30 juillet (le Bureau Politique), et les 24-25 août, le 6 ème Forum de travail-Tibet (Bureau Politique et quelques centaines de cadres territoriaux, ministériels et militaires).
Pour « manager » le Tibet, deux écoles s’affrontent—apparemment depuis toujours. Xi Jinping qui présidait le Forum, s’efforça d’arbitrer entre elles.
L’une, dure, représente l’armée, avec 300.000 hommes sur place, garante essentiel de la stabilité. Pour elle le contrôle du « Pays des neiges » doit imposer un « meilleur contrôle des frontières » (avec l’Inde) et un « travail idéologique pour le moral des troupes ».
L’autre, plus accommodante, émane du pouvoir civil. Elle reconnaît l’existence d’un « héritage culturel et naturel précieux du Tibet, qu’il faut protéger ». Les négociations intermittentes avec le Dalai Lama, toujours interrompues et jamais abouties, émanent de ce bord.
Le 30 juillet, le Bureau Politique avait envoyé en mission au Tibet deux de ses membres, un de chaque tendance –probablement en vue de réviser sa position : Xu Qiliang, n°2 à la Commission Militaire Centrale, et Wang Yang, vice-Premier.
À leur retour, le Forum eut lieu, thème d’un vaste débat, suite à quoi Xi Jinping trancha : « stabiliser le Tibet est une priorité pour le contrôle des régions frontalières », et « le pouvoir central n’a jamais accepté, n’accepte pas et n’acceptera jamais la ’voie médiane’ (du Dalai Lama) comme solution du problème tibétain »… Clairement sur ce dossier, la tendance dure a prévalu : ni dialogue, ni concession en vue.
Au demeurant, l’objectif officiel d’ « améliorer les conditions matérielles » et de « renforcer la cohésion sociale » sur le plateau, est poursuivi par le pouvoir, qui y investit lourdement.
Les festivités du cinquantenaire du « gouvernement autonome » (8 septembre, cf photo) furent pour le régime l’occasion de présenter plusieurs réalisations majeures :
– l’aéroport de Golog au Qinghai (Tibet historique), à 3500 mètres d’altitude, désenclavera dès octobre cette ville touristique, la reliant à Xining, Lhassa, Chengdu ;
– depuis 2011, quelques 1400 temples lamaïstes ont été raccordés à l’eau potable, au bénéfice de 900.000 résidents et pèlerins.
Au Xinjiang, les incidents se multiplient. Ainsi le 7 septembre à Zhengzhou (Henan), un échange de coups de feux coûtait la vie à un policier et un Ouighour – un autre s’enfuit en voiture.
Surtout, l’on constate la montée d’un problème insurmontable, l’exfiltration de centaines de jeunes Ouighours par des filières vers l’Irak ou la Syrie, pour le compte de l’ « Etat Islamique ».
En juillet et août, en plusieurs procès, 45 personnes recevaient de lourdes peines de prison (dont plusieurs à perpétuité) pour avoir monté ces filières au moyen de financements clandestins. Certains ont été appréhendés et extradés à bord d’embarcations en mer, apparemment au départ du Vietnam. D’autres sont arrêtés, cachés dans un camion, passant du Tadjikistan en Afghanistan. D’autres l’ont été à l’aéroport d’Urumqi, en transit d’un vol Pékin-Ankara. De source turque, les recrues en Syrie, venues d’Asie Centrale (y compris du Xinjiang) seraient « au moins 1500 ».
Le 16 septembre, un mois après l’attentat à la bombe dans Bangkok, la police thaïe finit par admettre que le coup sanglant (20 morts, dont 6 Chinois, plus de 122 blessés) était bien d’origine ouïghoure, suite à l’extradition le 9 juillet, de 109 réfugiés du Xinjiang vers leur pays d’origine.
Les autorités thaïes avouent non sans quelque ingénuité une « forte pression » de Pékin exigeant leur retour : Bangkok n’avait pas pu dire « non », mais avait tenté de sauver la face par ce désagréable compromis consistant à laisser repartir vers la Turquie les compagnes et enfants de ces réfugiés. Le crime aurait été planifié pour venger cette extradition massive.
Ainsi, le conflit du Xinjiang s’internationalise, et des extrémistes ouighours sont prêts à rejoindre le groupe Daesh dans le rêve d’un « Califat » panislamique entre Asie, Afrique et Moyen-Orient. En échange, ces extrémistes reçoivent un soutien logistique – sur sol thaï, désormais.
Pour Peter Knoope, chercheur dans un centre d’études anti-terroristes à La Haye, « la question n’est pas ‘ si ’, mais ‘ quand ’ la violence terroriste ensanglantera l’Asie Centrale » – le Xinjiang étant déjà un épicentre.
Pour la Chine, ce problème ouighour devient donc aigu, et fait pour durer. C’est une des raisons qui pousse les autorités à intensifier discrètement le dialogue antiterroriste avec les pays du monde, à se distancer d’Etats voyous, foyers de ce genre d’action violente – comme pour résister, mais un peu tard, à une bombe à retardement déjà enclenchée.
Nul gouverneur provincial ou président de conglomérat n’admet de gaieté de cœur une chute de la production ou une hausse de la pollution durant son mandat. Et pour cause : de tels chiffres, indices majeurs de la santé du pays, conditionnent directement leur avancement. Aussi, les statistiques chinoises sont fatalement opaques et manipulées.
Comme l’admet (anonymement) un employé d’un conglomérat au journal Caixin : « dans une centrale thermique, les chiffres d’émissions de CO2 sont relevés, puis ‘négociés’ entre la compagnie et le ministère, avant publication au rapport d’exercice ».
Tout cela pour dire qu’après l’effondrement de la bourse (qui se poursuivait le 14 septembre, avec une rechute en bourse de 6%), et la dévaluation du ¥, la publication par l’Office Statistique d’une croissance du PIB de « 7% » au second trimestre 2015, a fait froncer bien des sourcils parmi les experts, chinois comme étrangers.
Se distanciant des chiffres officiels, analystes financiers et patrons d’affaires préfèrent « faire comme Li Keqiang » : tenter d’estimer la croissance sur base de données pertinentes, telles la consommation d’électricité ou l’activité de transports de marchandises. Or, fin 2014, ces indices fort en dessous d’un niveau de « 7% », ne pouvaient en aucun cas soutenir une croissance de PIB aussi élevée.
De même, au 1er semestre 2015, les matières premières (pétrole, cuivre, minerai de fer) voyaient leur usage chuter à un niveau démentant le chiffre de croissance de l’Office Statistique.
Pour la plupart des investisseurs mondiaux, tels WL Ross & Co., la croissance chinoise réelle se situerait autour de 5%. Chez J.P. Morgan, l’analyste Joyce Chang pense pouvoir le prouver, en lisant l’impact du ralentissement de l’économie chinoise sur l’étranger.
Le Japon par exemple, très dépendant de la Chine du fait de ses délocalisations massives, a vu son PIB baisser à –1,4% fin 2014, avant de se ressaisir en 2015.
La Russie, fournisseur de ressources minérales à la Chine, est tombée à -4,6% au second trimestre, perdant 5 points.
Si l’on prend en compte la baisse du PIB (2 à 3 points en moyenne) des pays à forts échanges avec la Chine et pays émergents, on arrive à la baisse estimée du PIB chinois, soit 2% par rapport aux 7% officiels.
La tension en mer de Chine du Sud a pris un tour imprévu le 16 septembre, quand S. Pudjiastuti, ministre indonésienne des Affaires maritimes, a réclamé devant la presse que Pékin renonce à sa revendication sur presque toute cette mer.
Pékin devrait renoncer à sa carte officielle « des neuf pointillés » (cf illustration), déposée en 2009 auprès des Nations Unies. Apparu d’abord en 1947, ce document est la base juridique de Pékin pour revendiquer cette mer à 2000 km de son rivage, au détriment de cinq pays riverains directs.
Dès juillet, J. Widodo, le Président indonésien au verbe parfois haut en couleur, déplorait que cette revendication empiète sur un espace autour des îles Natuna, considéré par son pays comme sien. Il y annonçait la création prochaine d’une base, pour défendre ses ressources naturelles.
Mme Pudjiastuti apporte un détail inédit sur le débat en coulisse avec la Chine : ses diplomates « n’insistent pas pour matérialiser la souveraineté » de leur pays sur ces eaux. « Pour l’instant peut-être, mais quid de demain ? », demande la ministre, et c’est pourquoi son gouvernement prend l’initiative de dénoncer le principe-même de la revendication chinoise, ce qu’aucun autre pays en ce litige n’avait osé faire jusqu’alors.
L’entrée en lice de l’Indonésie est importante sous une autre perspective : jusqu’à 2014, l’affrontement avec la marine chinoise s’est limité aux deux riverains immédiats, Hanoi et Manille. Mais aujourd’hui, l’Indonésie entre dans le débat, s’opposant à son tour à la Chine. C’est pour Pékin et pour les autres pays en litige, une donnée nouvelle : jusqu’alors Pékin pouvait compter sur le silence de ces pays de l’ASEAN, tous en dépendance économique forte et grandissante envers elle.
La « fronde » de Jakarta est à rapprocher de la décision récente de l’Inde de poursuivre un programme d’exploration pétrolière dans les eaux limitrophes du Vietnam, au défi de plusieurs avertissements chinois.
La Chine, jusqu’alors, espérait pouvoir régler le différend à son avantage, en bilatéral avec chacun des plaignants, se limitant aux riverains immédiats.
Mais l’entrée en lice de pays tels l’Indonésie ou l’Inde, semble compromettre irrémédiablement le scénario.
En cette rentrée, peu de jours se passent sans que n’apparaisse dans la presse une annonce de réforme, potentiellement décisive pour le pays. Tous ces projets reflètent un compromis, entre la vision des concepteurs réformistes et la guerre de tranchée des bastions du conservatisme. Transparaît aussi, le coup de pouce apporté par les accidents de l’été (dévissage de la bourse, explosion chimique de Tianjin). Ces catastrophes ont dévoilé le prix que la nation commençait à payer pour les 20 dernières années de surplace en terme de réforme, au nom de la soi-disant « stabilité », et en réalité, de la défense des privilèges de groupes nantis. La plupart de ces réformes devraient être avalisées lors du Plenum d’octobre, session annuelle du « Parlement » du Parti :
<p>(1) Les entreprises d’Etat : D’ici 2020, les 155.000 firmes publiques sont supposées recevoir du capital privé, être restructurées… Mais les 75.000 groupes « stratégiques » (énergie, télécoms, transports…) resteront sous l’ombrelle publique. Le principe de la faillite, pourtant essentiel, reste absent, et chez les méga-groupes, le Parti veut garder son influence par un système de « doubles commandes », avec patrons « rouges » et ceux recrutés sur le marché. Au risque que le capital privé refuse de venir investir sans disposer des leviers de commande…Pour autant, la réforme va faire bouger les choses dans les conglomérats, qui devront céder leurs actifs marginaux (comme pour Sinopec, une chaine d’hôtels et 4000 voitures de fonction), et cesseront de prendre leurs ordres de la tutelle SASAC, remplacée par des holdings financières genre Temasek (Singapour). Pour leur part, les 80.000 PME publiques, y compris 30 à 50 firmes automobiles, pourraient être rachetées ou fermées, faisant place nette sur des marchés en surcapacité.
(2) Environnement : encore confidentiel, un plan directeur a été adopté pour soumettre toute l’économie à des normes écologiques. Tout y est réglé (primes et amendes, propriété des ressources, application des lois), ne laissant ainsi plus de place au hasard ou à l’arbitraire. Tout aussi essentiel, Xi Jinping et Barak Obama conviennent d’accélérer parallèlement dans leurs pays le rythme du franchissement du pic d’émission de CO2. Selon Jacques Audibert, le conseiller spécial de François Hollande, ce geste a « une valeur symbolique de portée mondiale », s’agissant des deux nations les plus pollueuses. Côté Chine, l’accord se traduirait (sous réserve d’inventaire) par un franchissement du pic d’émission dès 2025, avec 5 ans d’avance sur l’engagement précédent, de juin dernier.
(3) Anticorruption : Xi veut étendre l’action à l’étranger, traquant les corrompus réfugiés. C’est la reconnaissance d’un fait que les leaders ne soupçonnaient pas deux ans en arrière lors du lancement de la campagne : l’argent public volé peut aller alimenter le crédit gris, mais aussi les triades et le terrorisme.
Des innovations apparaissent, tel ce code de conduite pour les édiles, Bureau Politique inclus. Transfuges et « cadres nus » (ceux dont les familles sont déjà à l’étranger avec leurs biens) doivent être traqués. Des accords bilatéraux se négocient, d’extradition et répressions diverses. Zhao Hongzhu, n°2 à la CCID visitait Interpol à Lyon (8 septembre). Liu Jianchao, diplomate de carrière, rejoint ce corps de police interne du Parti et dirigera les actions « chasse au renard » et « filet au ciel », qui visent un rapatriement massif (pour l’instant encore limité) des transfuges.
(4) Armée : lors de la grande parade du 3 septembre, Xi Jinping annonçait la démobilisation de 300.000 soldats, dont 170.000 officiers d’infanterie (de lieutenant à lieutenant colonel). Ce dégraissage d’effectifs pléthoriques rendra l’armée de terre plus mobile et réactive. Un plan de refonte complète est par ailleurs annoncé.
(5) Finance : pour imposer le yuan comme devise à part entière, la Chine va créer en 2015 son code de domiciliation bancaire , rival du Swift (USA) et de l’IBAN (Europe). Elle lance aussi son fonds d’Etat pour PME doté de 9,4 milliards de $. Surtout, ses palabres avec les USA pour un code de protection des investissements sont bien avancées. Les auteurs sino-américains veulent élaguer la longue liste des marchés chinois interdits aux étrangers. Pékin n’y est plus hostile, car elle aussi a besoin de relance ! « A ce jour, déclare J. Wuetke, Président de la Chambre de Commerce Europe-Chine, seuls 3% des IDE européens atteignent la Chine », qui pourrait en ambitionner 15% (suivant sa part du produit mondial brut), voire 23% (selon sa population).
(6) Santé : suite à des années d’efforts de construction d’hôpitaux et de formation du personnel, le ministère de la Santé vise d’ici 2017 de traiter tout malade « grave » dans son district, sans devoir voyager des centaines de km. Et pour empêcher les hôpitaux de surtaxer de 15% à 30% les remèdes prescrits, l’Etat permet depuis septembre, en projet-pilote, leur vente par internet. De 3 milliards de $ en 2014 (2,4% du marché), selon Boston Consulting Group, la « e-pharmacie » passerait à 110 milliards en 2020. Sur le même principe, les hôpitaux se mettent aussi aux diagnostics en ligne, avançant ainsi vers un système de santé de masse, moderne et à bas prix.
C’était pour Xu Mouzhong et ses amis un point d’honneur : pas question d’arrêter de jouer. Dans le jeu comme en affaires, il fallait savoir prendre ses risques. Sans courage viril, on coule. Aussi à présent, il fallait s’accrocher – la victoire finirait bien par revenir.
Avec cette mentalité, ils poursuivirent les parties, si bien qu’au moment du Nouvel An chinois, leurs pertes avaient fait boule de neige, atteignant 47 millions de yuans. C’était à ne rien y comprendre : ils essayaient tout, potassaient les manuels, changeaient de tactique et de place à la table, mais rien n’y faisait. Zhang et Zhou, leurs adversaires professionnels, finissaient toujours par leurs rafler leurs bonnes pièces, puis déposer avant eux, pour rafler la mise. Début mai, ils se retrouvaient allégés de 125 millions de yuans, dont un tiers pour Xu seulement : les richards, le visage long comme un jour de pluie, l’avaient mauvaise.
Disons le ainsi, la perte en soi, ne leur faisait pas plus d’effet qu’une piqûre de moustique. Par contre, leurs chargés d’affaires commençaient à les avertir : le récit de leur débandade faisait florès en ville, et cela était dommageable pour leur bon renom. Mais de là à imaginer qu’ils aient été victimes d’une arnaque, tels de vulgaires pigeons, c’était indigne de ces hommes au pinacle de l’économie nationale, qui faisaient la pluie et le beau temps en bourse.
Le 14 mai, prenant le taureau par les cornes, Xu Mouzhong, taraudé par le doute, fit visiter à un détective privé leur garçonnière – ce fut le jour de la grande révélation.
Il ne fallut que cinq minutes au limier pour détecter dans le camaïeu rococo du plafond, invisibles à l’œil nu, deux cameras digitales à haute définition. Les champs de vision permettaient d’embrasser les jeux des 4 joueurs. Alimentées par mini-batteries, elles émettaient en continu par un long fil servant d’antenne, planqué dans les moulures. Derrière la baie vitrée, à l’extérieur, l’homme de l’art trouva ce qu’il cherchait : un petit réémetteur wifi.
Dès lors, le sort des escrocs était scellé – mais sur le conseil du policier privé, Xu et ses compagnons décidèrent de temporiser. Le détective se contenta de tourner les objectifs, et dérègler la profondeur focale des appareils, pour décentrer l’image et la rendre floue. Puis ils attendirent…
Le prochain rendez-vous était prévu pour le 18 au soir.
Ce matin-là, accompagnés de deux complices, après avoir constaté la défaillance de leur système, Zhou et Zhang s’introduisaient dans la villa déserte, pour remettre le circuit en état. Et bien sûr, à peine l’un d’eux juché sur une échelle pour rétablir la caméra, qu’une demi-douzaine de policiers faisaient irruption pour procéder au flagrant délit.
Se mettant à table dans l’espoir de l’indulgence des juges, un des techniciens avoua sur le champ, permettant aux inspecteurs, 5 minutes plus tard, de cogner à la porte d’un appartement à 200 mètres de là, sur le site d’un practice de golf, et d’y cueillir Lin, le cerveau mathématique, dictant aux bandits tous leurs coups gagnants.
Comme il transparaît du rapport d’instruction, les bandits avaient converti le petit local loué en une formidable caverne d’Alibaba informatique. Le flux des caméras apparaissait sur un moniteur géant. À longueur de partie, Lin introduisait les jeux de chaque joueur dans son puissant ordinateur. Un logiciel expert identifiait les meilleures combinaisons, et les tuiles à jouer pour gagner. Ces instructions étaient retransmises vocalement aux fraudeurs, au moyen d’oreillettes invisibles, insérées dans leurs oreilles internes.
Les données visuelles étaient complétées par quatre capteurs sous le tapis de jeu qui reconnaissaient chaque tuile au poids (très légèrement différent, du fait des dessins chacun unique, et du matériau évidé par la gravure).
Le procès a débuté après quelques mois, le 29 juillet – le verdict n’est pas encore connu.
Il permit d’établir que Zhou, le second joueur, était le chauffeur de Zhang, lequel loin d’être un champion, était un repris de justice, ayant déjà fait 11 ans de taule pour trafic d’armes. Les comparses, menu fretin recruté en chemin, ont rendu leur cachet – 90.000 yuans, une misère, vu l’argent engrangé et le risque encouru.
Crânement, les deux leaders – Zhang et Lin nient tout ce qu’ils peuvent et surtout, refusent obstinément d’avouer où ils ont planqué le magot, perçu au fil des nuits. A ce que l’on croit, ce serait à Hong Kong, la ville voisine.
Ils ont la certitude d’en prendre pour le maximum, 20 ans. Mais quand on vient d’empocher à deux, 20 millions de dollars, la vie prend un tout autre sens : quand on sortira, on aura pour de vrai, de quoi « réaliser le rêve de Nanke » (Nánkē yīmèng , 南柯一梦) c’est-à-dire en français, bâtir des châteaux en Espagne !
21-23 septembre, Shanghai : Salon chinois des parcs d’attraction
22-24 septembre, Shanghai : MEDTEC, Salon et Conférence des constructeurs de matériel médical
22-25 septembre, Pékin : BICES, Salon et Séminaire sur les machines de construction
22-25 septembre, Pékin : PT/Expo COMM China, Salon et Conférence pour la Chine du Sud sur les télécommunications, Internet et les technologies à large bande
23-24 septembre, Suzhou : Valve World Expo & Conference Asia, Salon des tuyaux et valves
23-25 septembre, Canton : China Glasstec Expo – CGE, Salon de l’industrie du verre
23-25 septembre, Shanghai : Building Solar China – BSC, Salon et Conférence sur l’intégration des technologies solaires dans le bâtiment
23-25 septembre, Shanghai : BWT Expo, Salon de la gestion et du traitement de l’eau à Shanghai
24-27 septembre, Shanghai : China Dental Show – CDS, Salon et Conférence pour l’industrie dentaire
22-28 septembre : Première Visite d’Etat du Président Xi Jinping aux Etats-Unis (Seattle, Washington) et participation aux célébrations des 70 ans des Nations Unies (New York)