Le Vent de la Chine Numéro de fin d’année
Après 18 mois d’efforts, Xi Jinping, le Président chinois, a pu faire inculper Zhou Yongkang, ancien membre du Comité Permanent – l’organe suprême. C’est sans précédent : depuis la mort de Mao (1976), aucun homme de ce rang n’avait été arrêté, et depuis la révolution de 1949, aucun n’avait été placé sous enquête. En 2011 encore, Zhou était considéré par la revue Forbes, comme le 29ème homme le plus puissant de la Terre.
<p>C’est que ce cadre stalinien, au départ, avait choisi la compagnie pétrolière d’Etat CNPC, dont il prenait la tête, en 20 ans, en tant que lieutenant du Président Jiang Zemin. De là, Zhou se faisait nommer le tzar occulte de toutes les polices de l’empire, lui permettant de collecter des petits secrets sur tous les hommes du gouvernement. Pas par hasard, d’ailleurs, un des chefs d’inculpation contre lui est la « divulgation de secrets d’Etat ». D’autres sont la corruption et la débauche. Mais le principal grief est celui d’avoir soutenu Bo Xilai en 2012, contre l’avènement de Xi Jinping et son programme de réformes.En septembre 2013, Zhou Yongkang était relevé de ses fonctions et assigné à résidence : une enquête débutait. Zhou était alors défendu par une coalition hétéroclite des fils du régime –pour protéger leur lobby et leurs privilèges ou bien en raison des fiches que Zhou détenait sur chacun d’eux. Toutefois en un an, la campagne anticorruption étranglait lentement le mouvement, épinglant un à un ses 300 lieutenants et proches. Courant 2014, Xi Jinping se rendait à Shanghai pour négocier discrètement avec son prédécesseur Jiang Zemin, la chute de Zhou. L’affaire hantait encore le Plenum du Comité Central en octobre. Et finalement, la décision tombait, à une date et une heure (vendredi 5 décembre à minuit) choisies pour minimiser les vagues de cet énorme bouleversement.
Ici, un tabou du Parti tombe : d’après la règle tacite respectée jusqu’alors, une fois atteint le rang de vice-ministre (rang bien plus bas que celui de Zhou), tout cadre du Parti devient intouchable. Or à présent, Zhou risque la peine de mort – avec ou sans sursis.
Surtout, sa chute brise le « carré d’acier » des conservateurs, qui surgelait toute réforme politique en Chine depuis 20 ans. D’ailleurs, depuis l’annonce de l’inculpation et de la radiation de Zhou du Parti, d’anciens de ses alliés s’empressent de se rallier à Xi Jinping et de faire acte de soumission au nom de l’ « unité du Parti ».
Zhou a fait par le passé la preuve d’insondables ressources et d’une longévité stupéfiante : en 2000, il était limogé pour corruption par les députés, de son poste de ministre des Ressources du sol, mais il ressurgissait en 2003, ministre de la Sécurité Publique. Mais cette fois, alors que la presse commence à le taxer de « traitre à la patrie », on peut au moins prédire qu’il ne renaîtra pas : sa carrière politique, au moins, est terminée.