Le Vent de la Chine Numéro 38

du 22 au 28 novembre 2010

Editorial : Nouvelle Bible et vieux credo (monétaire)

Le 14/11, se déroula une page d’histoire en la Cathédrale St John de Hong Kong : théologiens catholiques et protestants, dont deux Chinois, « baptisèrent » la nouvelle Bible unitariste de Chine, destinée à relayer sa vieille soeur en place depuis 1919. Dès 1983, les exégètes de Taiwan et du Continent la retraduisaient de l’hébreu et du grec -dès 2000, ceux du Rocher en avaient entamé la révision.

Dans ce grand oeuvre, il fallut beaucoup de tolérance pour dépasser les différences dialectales ; intégrer les acquis des manuscrits de la Mer Morte ; rebâtir un texte en langage moderne, pour permettre aux églises un dialogue plus aisé avec les non-croyants.

Quoique le Parti communiste chinois ait de longue date validé la mise à jour, les églises n’en feront d’abord imprimer que 5000 exemplaires : les traditionalistes ont du mal à accepter ce relookage de « la parole de Dieu ».

Au reste, ces chrétiens chinois sont en pleine renaissance, comptant officiellement 23 millions d’adeptes (voire 2 à 3 fois plus, selon les Eglises). Leur entrée en religion est souvent récente (73% convertis après 1993), et surtout du fait des femmes (70%), plus prêtes à rallier la religion.

Enfin 5,7millions (25%) sont catholiques, les autres protestants-héritage de la puissance coloniale anglo-saxonne.

Dans ses rapports avec le régime athée, le christianisme vit des évolutions contradictoires. Avec le protestantisme, la détente s’esquisse. Pour le 60. anniversaire de son Association patriotique (29/09,) Du Qinglin, Vice-Président de la CCPPC (Conférence Consultative Politique du Peuple chinois) et chef du Front Uni , osa plaider pour son «indépendance», afin de tenir la promesse de son titre, de triple autonomie d’administration, de finance et d’évangélisation. Un tel discours officiel marque un tournant historique d’attitude : la tentation pour le régime de laisser les églises occuper librement leur domaine naturel, pouvoir spirituel et oeuvres sociales.

Mais avec le Pape, Pékin voit toujours rouge – peut-être du fait de l’association catholique patriotique de Liu Bainian qui fait la pluie et le beau temps sur le rapprochement, et n’y a nul intérêt. Le 20/11, pour la 1ère fois en quatre ans, un évêque était ordonné à Chengde (Hebei) sans l’accord de Benoît XVI, il s’agit du Père Joseph Guo Jincai.

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En un tout autre domaine, l’Etat s’inquiète de l’inflation. +4,4% en octobre, et +62% aux légumes : c’est insupportable. A qui mieux-mieux, commerçants et privés stockent huile, coton, maïs.

Face à ce climat nerveux, les mesures de la semaine passée (+25 points de taux d’intérêt, hausse des réserves bancaires) ne marchent pas. Aussi le 17/11, Wen Jiabao restaure le contrôle des prix sur farine, riz, huile, sucre et coton, décrète des ventes publiques de porc (62.400t), sucre (210.000t), offre aux cultivateurs sous serres, le charbon de chauffe, prépare subsides aux pauvres, sanctions aux accapareurs… Wen tente de prévenir l’approfondissement du fossé riches-pauvres, par la valse des étiquettes et la rémunération négative (-4%/an) de l’épargne par les banques, lesquelles font de belles marges : le système est caduc !

Mais l’Etat n’ose agir, paralysé par la peur de faillite de l’immobilier, des provinces et des grandes entreprises d’Etat. La nouvelle la plus perturbante est que dans sa lutte contre l’inflation, et s’attelant enfin sérieusement à l’arrêt de la surchauffe, l’Etat taille dans ses plus audacieuses réformes d’avenir. La libération progressive des prix de l’eau et de l’énergie est remise aux Calendes grecques, et l’effort de lutte anti-pollution freiné. Au XII. Plan, l’objectif de coupes d’émissions de CO2 baisse à -5% (contre —10% au XI. Plan), celle de la dioxine est maintenue à -10%.

Tout ceci, pour se concentrer sur ce qui compte : une inflation réduite à 3%/an, la croissance à 7%, un emprunt réduit de 12% (à 6600MM¥ l’an prochain)… Mais ces marche-arrière, confort momentané, risquent de se payer au prix fort à moyen terme, par la poursuite du gaspillage de l’énergie, faute d’incitatif, et celle de la dangereuse baisse de qualité de l’eau et de l’air chinois.

 

 


A la loupe : La bataille mondiale pour le diabète chinois

Jusqu’à l’été, la cohorte des diabétiques chinois était évaluée à 43M, « moins que l’Inde ». Mais une enquête du Journal Médical de Nouvelle Angleterre vient de faire exploser le chiffre à 92,4 millions (type2), 9,7% de la Chine de plus de 20 ans. Le diabète frappe les nouveaux citadins suite à des décennies d’alimentation trop riche et sans exercice.

En Chine comme en tout pays émergent, le mal va s’aggravant. 10 ans en arrière, il apparaissait à la 40aine, mais s’attaque désormais aux 30naires. Une fois atteints, pour prévenir cécité et infarctus, les victimes doivent tripler leurs frais de santé par rapport aux sujets sains. Ce qui, de 2005 à 2015, coûtera 558MM$, prédisait l’OMS dès 2008, au- tant que le stimulus financier injecté par l’Etat à l’hiver 2008, en défense contre la crise.

Or, dit le professeur Ji Linong, de la société nationale contre le diabète, on n’en est qu’au début d’une épidémie, visant les 200millions en surcharge pondérale, les 60millions d’obèses, et surtout les 60% de diabétiques qui ignorent leur mal et ne se soignent pas. D’ici 2030, la Chine qui « truste » 30% du chiffre mondial, pourrait passer à 40%, sauf réaction immédiate des pouvoirs publics.

Le problème n°1 est celui d’une société aux croyances nutritionnelles fausses, où l’embonpoint a valeur de vertu confucéenne. Problème d’ignorance aussi : parmi les 50% de malades détectés qui se soignent, seuls 1% pensent à prendre, en plus de l’insuline, des anti-cholestérols et 13% de l’aspirine, qui réduisent de moitié les risques d’accidents. Jusqu’au printemps 2010, le charlatan Zhang Wuben prétendait guérir le fléau moyennant 3000¥ et un régime à l’aubergine crue et au haricot mungo…

Le ministère de la Santé vient de lancer deux campagnes anti-diabète.

[1] Le 5/10, 1000 experts ont été lancés dans 20 villes pour former les médecins à la gestion du glucose.

[2] En un plan sur trois ans, 100.000 médecins sont en formation au dépistage, à la prévention et au traitement du diabète, au moyen de conférences, stages, et d’un portail internet destiné à toucher 400.000 soignants et malades.

En cette action à long terme, la réforme de la santé publique joue son rôle, subventionnée de 320M¥ aux hôpitaux de 16 villes, rendant le soin de santé plus abordable.

Sur place depuis 10 à 20 ans, les ténors de la pharmacie mondiale s’apprêtent à se livrer, à coup d’investissements en dizaines de millions de $ la «bataille de Chine» pour ce marché captif quadruplé depuis 2001, ayant atteint cette année 6,9MM$ de ventes.

Le danois Novo Nordisk (n°1 pour l’insuline) tient 67% du marché avec deux usines à Tianjin-3000 emplois et vient de doubler son centre de R&D pékinois à 200 chercheurs. Depuis Suzhou, Eli Lilly occupe 13,9% du marché et ouvre à Shanghai un centre de R&D de 100 chercheurs. Sanofi-Aventis investit 90M$ dans le renforcement de son usine pékinoise d’insuline à une capacité de 50M de doses. Il accélère la formation de médecins : 10.000 en trois ans, deux par hôpital-cible. Par cette méthode, Aventis progresse le plus vite, et vise 2MM² de ventes en 2015 …

Mais attention, dans cette course au gros lot diabétique, ne gagne pas qui veut : Glaxo-Smith-Kline et Eli Lilly le savent, eux qui viennent de perdre la licence en Europe ou aux USA pour leur remède antidiabétique, fruit d’années et de MM$ de R&D. Or, pour ces maisons, ce pari chinois doit permettre de compenser la perte de brevets en cours de passage dans le domaine public—elles jouent gros !

 

 


A la loupe : Salon de Zhuhai—l’aviation chinois toutes voiles dehors

Avec sa patience coutumière, la Chine a attendu le salon bisannuel de l’aéronautique (16-21/11) à Zhuhai, ville soeur de Macao, pour lancer son « scoop » : l’annonce d’une dérégulation de l’espace aérien qui permettrait d’ici 2020 au monde civil de voler sous le plafond de 1000m, voire 4000m, avec pour seule formalité celle du plan de vol. Si l’APL, propriétaire des cieux, le fait vraiment (elle l’a déjà annoncé plusieurs fois sans donner suite), la Chine pourra rattraper un stupéfiant retard : en 2008, ses 22% de l’humanité comptaient 898 avions privés contre 222.000 aux USA. Dès 2011, l’APL ouvrirait jusqu’à 1000m les espaces de Pékin, Nankin, Chengdu et Canton.

Voilà de quoi égayer les tenors mondiaux de l’aviation civile, tels Piper, Beechcraft et Textron (propriétaire de Cessna et Bell Helicopters) dont le Président Martin Lin voit « le début d’une ère nouvelle pour l’aviation chinoise ».

Les futurs clients sont les 300.000 riches rêvant d’un jet ou d’un petit avion.

Certains investissent : Deng Bin, à Chengdu, a dépensé 30M$ dans un club-aéroport privé pour accueillir les avions d’autres fans. Président d’une firme d’hélicoptères, Lü Yong s’est offert à Nankin le premier héliport privé chinois (9M$), le second à Suzhou pour 18M$, et prépare Shanghai, Huangshan et Shaoxing. La limite vient du manque de pilotes : en hélicoptères, ils ne sont que 1000, quand il en faudra 3 à 5000 d’ici 2013. Lü croit, qu’entre construction et maintenance d’avions, investissements et emplois en aéroclubs, aiguilleurs du ciel, certification et aérotourisme, le marché vaudra 150MM$ sous 10 ans. Un « hub » d’avenir est Tianjin, avec son école française d’ingénieurs aéronautique — pépinière du secteur.

Accueillant cette année 600 exposants (dont 18 français) et 70 avions, Zhuhai vit aussi la sortie de l’AC311, 1er hélicoptère local, d’un poids de 2t, et celle de la capsule spatiale Tiangong-1 de 12m de long, avec sas d’amarrage. Airbus annonça la commande de 20 A330 et A350, d’ici 2020, pour Air China, d’une valeur de 4,5MM$.

L’autre «scoop» de Zhuhai fut l’apparition du C919 de la Comac, 150-190 passagers, en service en 2016. Quatre transporteurs nationaux et GECAS (US, n°1 mondial du leasing) en «commandèrent» 100. Le C919 doit encore franchir le cap des certifications occidentales pour s’imposer en réel rival de Boeing et surtout de l’A320, 20% moins cher, motorisé par GE et Safran. De ce type d’appareil, la Comac prévoit sous vingt ans un besoin mondial de 19.921 unités, dont 4.439 en Chine, et 2.000 pour le C919.

Autant dire que cette aéronautique chinoise a décollé, ayant atteint au XI. Plan 7MM$ de chiffre, quadruple du Xème, tandis que l’ARJ-21 drainait 240 commandes.

Mais justement, ce succès fait grincer des dents à Embraer, avioniste brésilien installé à Harbin en JV depuis 2003, où il monte son ERJ-145 de 50 places. Depuis, le modèle a perdu la cote (il n’en a vendu que 38 unités), pénalisé par une taxe sur sa consommation en kérosène, dont l’ARJ-21 lui, se trouve exempt. Or, Embraer attend depuis des ans sa licence pour le E-Jet, son dernier jet régional, concurrent potentiel du ARJ-21. En vain—l’ARJ-21 se construit à bouchées doubles, le dossier du E-Jet «reste à l’étude». Aussi Embraer le dit tout net, si Pékin ne juge pas bon de lever assez vite le drapeau vert, il fermera Harbin : autant pour la « communauté de destin industriel », célébrée en grande pompe par Pékin et Brasilia à chaque rencontre, comme membres des «BRIC» des 4 pays émergents.

 

 


Argent : TGV Pékin-Shanghai – l’aboutissement d’un rêve

Le 15/11 dans la ville de Bengbu (Anhui), Liu Zhijun, ministre des chemins de fer, maniait gauchement une énorme clé anglaise, serrant un boulon gros calibre sur la voie ferrée, sous les applaudissements de la foule : il venait de boucler la jonction entre tronçons nord et sud de la liaison CRH (TGV) Pékin-Shanghai, un de ces projets géants comme seule la Chine peut les faire. 1318km en 30 mois, réalisés par 135.000 cheminots et des rails partiellement fournis par le sidérurgiste indien HBIS.

Coût complet de cette opération : 33,3MM$. Produites à Qingdao, les rames sont d’un type nouveau, dérivé des 9 rames exportées par Kawasaki en 2004 pour 760M$ (aujourd’hui, Qingdao en produit 200/an).

Elles vont dépasser les 416km/h aux essais, et les 350km/h en vitesse commerciale, reliant les deux métropoles en 4h au lieu de 10h – la 1ère classe est équipée de sièges-lits. Elles égaliseront les investissements et la croissance entre les 24 villes reliées.

Un conflit larvé existe entre les groupes auteurs de ces technologies (Kawasaki, Siemens, Bombardier, Alstom) et China Railway, qui prétend avoir innové suffisamment, en 5 ans, pour prendre le relais de ces groupes « pionniers » et posséder légitimement la technologie. Ce qui est sûr, est que la Chine sans TGV en 2005, est en 2010 n°1 mondial par le réseau de 7431km, qu’elle aura doublé en 2012, dépassant alors par son maillage toutes nations cumulées. Ce qui lui donne des droits, sans doute…

 

 


Pol : Cérémonie Nobel : (double) échec et mat

Le régime ne décolère pas suite à l’octroi du Nobel de la Paix à Liu Xiaobo. Sa campagne mondiale se poursuit pour qualifier l’homme de criminel, justifiant son verdict de 11 ans de prison, et pour rendre impossible la cérémonie du 10 décembre : les membres de la famille sont interdits de se rendre à Oslo pour y recevoir le Prix et 1M². Le Comité Nobel s’apprête à tenir la cérémonie, sans remise du Prix.

C’est sans précédent. Depuis 1936, les Nobel emprisonnés avaient pu déléguer femme (Sakharov en 1975, Walesa en 1983) ou enfant (Aung San Suu Kyi en 1981). Pas de cela en Chine.

Mais à l’international, la Chine a plus de difficultés. A 20 jours de la cérémonie, seuls 6 pays dont Russie, Irak, Cuba et Kazakhstan ont accepté de boycotter par solidarité, face aux 36 ayant confirmé leur participation.

En apparence, un vieux complexe revisite la Chine : les idées d’une collusion contre elle, et d’une rupture par l’étranger d’une fidélité due.

Avec en filigrane, le dogme de l’infaillibilité du système. L’incompréhension semble totale : à Oslo, des voix affirment que ce Nobel aurait plus été créé en décembre 2009 par Pékin-même, en ordonnant l’incarcération de l’auteur de la «Charte 2008».

En tout cas, par sa réaction très forte, le régime révèle que son processus de décision n’est pas affranchi de la composante émotionnelle. D. Lampton, professeur à Johns Hopkins University, avance que sa campagne mondiale endommage le patrimoine d’admiration et de respect engrangée depuis 30 ans -retardant ainsi sa reconnaissance comme puissance mondiale.

 

 


Temps fort : La grande bataille : général hiver contre blackout !

Alors que la Chine du Nord renoue avec les froids sibériens, charbon, gaz et diesel viennent à manquer depuis septembre. A Pékin, le gaz en bonbonne est rationné et enchéri de 11%. Partout à travers le pays, se multiplient les queues aux pompes à diesel. Éternelles perdantes face aux chaînes d’Etat, 2000 stations privées ont fermé dans le sud. A Hohhot, les camionneurs n’obtiennent plus leur demi-plein que moyennant bakchich de 50¥. A Chongqing, les crématoriums ferment, faute de fuel…

Tout ce désordre ressemble à une réaction en chaîne. Le diesel manque, racheté par des PME forcées d’assurer seules la part d’électricité que le réseau cesse soudain de leur fournir. Elles produisent même à perte, ou sans profit, juste pour garder leurs clients à l’export, comme cette firme de surgelés de Wenzhou (Zhejiang), qui selon Xinhua achète en catastrophe un groupe électrogène pour produire 60.000Kw/h que le réseau ne lui fournit plus, l’ayant rationné à 60% de ses besoins.

L’été dernier, quand devint clair que l’objectif quinquennal de coupe de 20% d’«intensité énergétique» ne serait pas atteint, Pékin intima aux provinces de tenir leurs quotas coûte que coûte – par le biais des blackout (baisses de tension). Précisons que paradoxalement, l’effet est inverse de celui recherché. A usage égal, cette électricité, produite hors centrale, dégage beaucoup plus de CO², tout en dévorant les profits de l’industriel. Le seul qui s’y retrouve est le cadre, en train de couver sa promotion de 2012.

Cependant l’analyse de la crise va plus loin. En profondeur, un lien subtil associe la pénurie du gaz, à celle du diesel et du charbon, selon l’analyste Han Xiaoping (cité au SCMP). Même les centrales, quoique supposées travailler moins, ont bien du mal à trouver leur houille, qu’elles viennent négocier jusqu’aux portes des fournisseurs du Shanxi ou du Shaanxi. D’aucuns craignent un hiver de «glaciation de 1000 ans» – quel que soit le fondement scientifique du pronostic. Mais avec une production de 3,2milliardsde tonnes (plus de 2t par habitant!), la pénurie est improbable. Elle est pourtant ressentie, explicitée par la hausse du charbon, à Qinhuangdao, de 30 à 50% et 750¥/t, prix sur lequel s’alignent gaz, légumes sous serre…

La vraie difficulté tient au transport ferroviaire, sur une moyenne de 600km entre mine et centrale, qui sature les rails au détriment d’exports à valeur ajoutée (ce qui retarde l’enrichissement de la Chine de l’intérieur), sans même parvenir à couvrir les besoins. A la moindre tension, c’est la pénurie et le stockage de panique. D’autre part ces centrales à charbon, sur qui pèsent 71% de la production d’énergie, ont pour partenaire un acteur unique qui leur dicte les prix : State Grid, de loin le plus riche groupe du pays. Le prix est bloqué, suivant les consignes du Conseil d’Etat qui craint… l’inflation. Mais de la sorte, les groupes électriciens se voient privés de fonds pour se rediversifier vers des énergies renouvelables et de masse.

Au XII. Plan, le Conseil d’Etat veut arracher le pays à la fausse fatalité de la dépendance houillère. D’ici 2015, il veut brider la hausse d’extraction de 5 à 7% (à 3,8 milliards de tonnes). L’intensité énergétique elle, doit baisser de 17,3%. L’expert Han croit l’objectif possible, mais sous une condition : la rupture du monopole de State Grid. Mesure qui, semble-t-il, figure en bonne place sur la liste de celles que gouvernement actuel ne veut prendre en aucune circonstance—sauf celles extrêmes, peut-être, en cas de rupture du système…

 

 


Petit Peuple : Hongxing – la loi des hommes contre celle du coeur

Le 13 mai à Hanjiang (Shaanxi), un juge condamna à trois ans He Longcheng, porte-faix du village de Hongxing. Trois ans en Chine, c’est peu pour un meurtre. Et de fait, dans le petit prétoire comble de journalistes venus des quatre coins du pays, le magistrat avait bien du mal, par un ton impersonnel et sonnant faux, à masquer son désarroi. C’est que le crime pour lequel il punissait ce coolie de 58 ans, était rare : avoir «refroidi» sa femme par amour et sur sa demande – un cas d’euthanasie.

L’accusé n’avait jamais eu la vie facile, ayant perdu sa mère à 7 ans, puis dû quitter l’école, contraint par la misère. Pour vivre, il avait dû porter sur sa palanche les affaires des autres. Bien plus tard, adulte, il avait acheté une haridelle avec laquelle il apportait à l’usine locale de pâte à papier la paille des fermes d’alentour.

Puis en 1978, était tombé sur lui le petit soleil de sa vie : Xu Guiqin, fille d’autres pauvres, de cinq ans sa cadette. Deux déshérités avaient enfin sur qui s’appuyer, pour contrer les duretés de leurs jours. Mariés après un an, ils avaient eu un fils, une fille. La vie s’était poursuivie sans incidents jusqu’en ’95, où le guignon avait refrappé à la porte: une douleur sourde s’était logée dans l’épaule de Xu. A la mode paysanne, elle avait voulu traiter le mal par le mépris, mais il n’avait fait que gagner en intensité, colonisant poignets et genoux. La douleur était si typique que même le toubib du village sut leur dire de quoi il retournait: une polyarthrite rhumatisante, quelque chose d’embêtant.

Ils s’organisèrent. Pour payer l’hôpital à Xi’an, He vendit la télé, le cheval -tous leurs biens monnayables. Il tapa 1000¥ à des proches – trop conscients qu’ils n’en reverraient jamais la couleur. Mais une fois au service d’ostéopathie, ils durent entendre le professeur leur avouer d’une voix étranglée (nonobstant toute son expérience humaine), que cette maladie évolutive était incurable.

Entre le couple et la maladie, une guerre sournoise s’instaura durant 10 ans, guerre de tranchée pour débuter, sans évolution apparente. Puis en 2005, le mal rebondit foudroyant. Xu fut terrassée au lit, bloquée jusqu’au cou.

Après six mois, les antalgiques, trop utilisés, cessèrent d’agir, leur laissant pour unique arme les somnifères – faible répit. Chaque jour, Xu priait He de la délivrer du calvaire, ce dont il ne voulait pas entendre parler-même quand la voisine, sur sa demande à elle, apporta de la mort-aux-rats. Elle le suppliait au nom des enfants, pour qu’il évite de se ruiner et de devoir les retirer de l’école.

Au contraire, dès qu’il entendait la rumeur d’un mage ou rebouteux de passage, He priait le voisin de charger Xu sur son mototracteur pour une ultime visite, un dernier espoir – chaque fois déçu.

C’est après cinq ans qu’il céda, le 1er novembre 2009, suite à des cris de souffrance encore plus déchirants. S’éloignant dans la cuisine, il broya 14 dragées de somnifères, les lui donna, quitta la masure durant une heure. Quand il revint, c’était fini.

Il aurait pu poursuivre son existence et s’occuper des mômes, au vu et su de tous qui savaient et se taisaient. Si le lendemain les gendarmes vinrent le cueillir, c’est suite à la délation de la belle mère. Impossible de passer outre, même s’ils savaient bien eux aussi toute l’histoire, et que chez Xu comme chez He, «le coeur avait voulu résister mais que le corps n’en pouvait plus» (心有余而力不足, xīn yoǔ yú ér lì bù zú). Mais la loi est la loi, même si l’humanité entière, sur ce cas-là, la désapprouve.

En juin 2010, au parloir de la prison, un He impénitent confirma au journaliste venu l’interviewer qu’il «le referait si c’était à refaire». Car tous s’en rendent bien compte : à mesure que se l’humanité chinoise s’arrache aux soucis matériels, elle se met à percevoir ceux d’ordre moraux. Et quoi d’étonnant à ce qu’une partie d’elle, dans la souffrance, revendique le droit à préférer une mort dans la dignité, à un calvaire sans fin pour elle et pour les siens ?

 

 


Rendez-vous : A Shanghai, ls Salons du Pétrole et de la Pétrochimie

23-26 novembre, Shanghai : Bauma China, Salon des machines et matériaux de construction

25-27 novembre, Shanghai : Shanghai Int’l Petroleum & Petrochemical

25-27 novembre, Shanghai : Reifen China, industrie du pneu