Le Vent de la Chine Numéro 34
Quelques semaines avant le vote du XII. Plan par le Comité Central (18/ 10), la disparition des projets de politiques nouvelles qui foisonnaient depuis juin 2010, était un indice de marche arrière (cf VdlC n°29). Un autre indice était la censure de Wen Jiabao dans la presse locale, sur les extraits les plus audacieux de son interview le 3 octobre à CNN : un comble, pour un 1er ministre!
De fait, au communiqué final, la montagne a accouché d’une souris: le Parti promet des efforts «actifs mais constants» pour promouvoir la «restructuration politique». Ce qui ressort par contre est le désaccord: ni Hu Jintao ni Wen Jiabao ne veulent d’ouverture, même après 2012, après leur mandat.
Commentaire de Liu Kan, observateur à l’université Duke, dans le China Morning Post de Hong Kong : face à la volatilité sociale, (la paupérisation de masses, face à l’émergence de rares, immenses fortunes), «aucun consensus ne peut être trouvé à Zhongnanhai (siège du Parti) sur une réforme politique et idéologique capable de surmonter ces problèmes». C’est donc sur un constat d’impuissance, que se sépare le Parlement interne du Parti.
L’étude des réformes technocratiques proposées pour ce quinquennat apparaît moins ternes: les maîtres du pays poursuivent la révision des services sociaux (sécurité sociale, santé), de la fiscalité et de la taxation (immobilier, énergie, impôts), de l’affectation des crédits, la construction de logis à bas prix.
De 2011 à 2015, la limitation de consommation d’énergie (donc, celle des émissions de CO²) a été raffermie: -17,3%. Le Parti communiste chinois mise sur une croissance plus équitable et surtout plus forte, +50% à 7500MM$ en 2015 comme clé des plus lourds problèmes : c’est la «croissance inclusive», nouveau concept de Hu Jintao, sa dernière tentative pour apparaître un théoricien (souci de tous les leaders du pays depuis Mao). Détail parlant: il n’a pas trouvé sa place au communiqué: modeste victoire des intellectuels de l’appareil, qui semblent avoir trouvé le concept trop flou et simple.
Xi Jinping vient d’obtenir le mandat de n°2 à la CMC, la Commission militaire centrale, le seul qui lui manquait pour reprendre en 2012 les fonctions de Hu Jintao à la tête du Parti, de la République, puis de l’APL. On lira son CV en p.2. Mais pour lever tout doute sur l’hostilité présente du régime à la réforme, dès le 20/10 un éditorial du Quotidien du peuple décrétait la démocratie occidentale, multipartite un mauvais système, « inefficace et diviseur ».
Question que nombreux se posent: quel rôle a joué l’attribution du Nobel à Liu Xiaobo dans ce Plenum tournant le dos aux aspirations de la presse, des sphères pensantes et même d’une partie l’appareil ? En fait, il semble avoir été minime : tout avait déjà été tranché avant, ce que trahissent les sept appels de Wen Jiabao à la démocratie cet été : a posteriori, ils révélaient moins l’impossible tentative de faire changer d’avis une direction arcboutée dans son front du refus au changement, qu’un «chant du cygne» réformiste, démarqué pour préserver sa propre image.
Immédiatement après ce Comité Central, le régime est repassé aux affaires courantes. Pour la première fois en trois ans, il rehausse son taux d’intérêt (20/10) d’un quart de point, à 2,5% sur les dépôts à un an. Cela reste en dessous du taux de l’inflation (3,5%), mais cela la combat, et permet d’assécher les liquidités en suspens. D’autre part, 14 villes (Canton, Dalian…) viennent de renforcer des mesures déjà en vigueur depuis le 1er octobre, limitant les achats de biens fonciers par les résidents et le crédit tant aux acheteurs qu’aux bâtisseurs. C’est en fait la poursuite du refroidissement du volcan financier déclenché depuis 2008, les 593MM$ injectés dans l’économie. Et c’est aussi la recherche d’une défense face à l’offensive des pays du G20 contre son Yuan trop bas, 11-12 novembre à Séoul.
Partie de rien, l’industrie chinoise de l’éolienne a rattrapé en 10 ans un demi-siècle d’expérience en Europe et aux USA. En 2009, elle commence à exporter en Asie, et double son parc à 25,1Gw/an.
D’ici 2020, le Conseil mondial de l’énergie éolienne (GWEC) la voit décupler ce parc, puis doubler en 2030 à 509Gw, assurant ainsi 17% de l’offre nationale.
En terme de qualité, cette expansion convainc moins, ce réseau souffrant de maux de jeunesse. D’ici 2030, dit GWEC, l’éolienne chinoise ne produira que 50% de sa capacité. Mal localisée, elle ne tourne que 75 jours/an (110j à la britannique). Après quatre ans, elle voit casser turbine, boite, pales. En 2009, ses parcs ne sont encore raccordés qu’à 38%: trop excentrés, et parfois l’opérateur hésite à les brancher, de peur de voir son réseau griller sous sa tension instable.
Ces petits travers ne sont que passagers. En 2009 Sinovel, n°3 mondial a installé 3,5Gw, dont des éoliennes de 113M de diamètre (3Mw), maîtrisant des technologies récentes. Créé en 2008, un «bébé» comme Envision montera en 2011 l’équivalent de 250 turbines d’1,5Mw, dessinées à son centre de R&D au Danemark, temple de l’éolienne. La Chine accélère l’investissement en réseaux intelligents capables de gérer les sautes de tension, (638MM$ d’invests prévus d’ici 2020) et en 15 lignes à super-haute tension pour acheminer le courant de l’Ouest vers la côte. Sous l’action de la Commission de l’Energie, les 70 producteurs chinois de 2009 se restructurent sans état d’â-me. Jusqu’en 2020, les crédits se poursuivront pour financer un réseau national surpuissant : projet politique, que l’objectif de rentabilité n’intègre que progressivement et en douceur.
Il faut tout de même le dire, pour obtenir cet éclatant succès, les dés ont été pipés. La Chine a forcé le transfert des technologies étrangères, combiné à la protection de son marché. Cela s’est fait en 4 temps – comme dans le moteur à explosion: [1] Admission : NDRC et Conseil d’Etat ont invité les ténors mondiaux à équiper la Chine— d’une production made in China à 70% : tous ont répondu présent. [2] Compression : le savoir faire pompé, les licences (allemandes) acquises, on limite le marché pour étrangers aux petits projets, 50Mw max: les étrangers ne vendent plus guère. [3] Explosion : avec des crédits en milliards$ (parfois ONUsiens, issus du protocole de Kyoto), Pékin octroie à ses producteurs des contrats géants, tels ces quatre parcs off-shore d’1Gw annoncés en septembre au large du Jiangsu. [4] Echappement : les étrangers doivent alors réfléchir fort aux options qui leur restent.
L’avant-dernière option était une défense par leurs propres nations ou blocs, au nom des règles de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce).
En 2009, la Chambre de commerce européenne dénonça ces pratiques : en vain, quoique soutenue par Bruxelles et par les Etats membres. Le 17/10, Washington lance une procédure (art.301) dénonçant restrictions à l’export, subsides interdits par l’OMC, discrimination et imposition de transferts technologiques (Pékin dément tout). La démarche peut-elle aboutir? Aucune, selon notre source qui cite les derniers pas de groupes étrangers, tel GE qui ouvre une JV avec une maison de Chongqing. Siemens, Alstom « réfléchissent » à ce type de mariage pourtant passé de mode depuis 10 ans. C’est l’indice ultime, du peu de confiance qu’ont ces industriels dans la capacité de Washington, Bruxelles ou New Delhi de les protéger. Ils optent pour sauver les meubles, et paient le prix lourd pour conserver une entrée sur le marché chinois : le partage de leur technologie et de la moitié des profits !
Au Soudan, depuis début 2010, la Chine révise son soutien au Nord musulman, mettant fin à 20 ans d’alliance exclusive avec le régime d’Omar al Bashir.
Dès 2008, elle ouvrait un consulat à Juba, capitale du Sud chrétien. Vers le 15/10, une délégation chinoise visitait le Sud, son Salva Kiir, dont une mission secrète s’était rendue à Pékin auparavant. La semaine passée, le Sud bouclait l’appel d’offres pour un oléoduc de 1600km vers un port Kenyan, dont le seul intérêt sera d’éviter la route du nord. Or, un groupe chinois fait partie des soumissionnaires.
C’est que le Sud détient 80% du pétrole soudanais.
L’alliance chinoise (veto longtemps tenu à l’ONU contre toute sanction au Soudan, ventes d’armes) a offert à la CNPC (la compagnie nationale pétrolière) quatre gisements, 40% du pétrole extrait, 60% de la production, exportée vers la Chine. Mais le Sud gagne en autonomie, et CNPC (et Pékin) doivent penser à protéger leur capital…
Au plan diplomatique, Pékin maintient encore son hostilité au partage du pays, au nom du dogme du refus de tout régionalisme. Mais la séparation est inéluctable au terme de l’accord négocié en 2005 par les USA, pour en finir avec 23 ans de guerre civile et massacres aux 2millions de victimes. Les experts s’attendent à voir la Chine s’aligner sur le vent nouveau, au nom du pragmatisme de Deng Xiaoping : « Peu importe qu’un chat soit blanc ou noir, pourvu qu’il prenne la souris » – l’or noir soudanais en l’occurrence…
Entre Chine et Japon, les rapports ont rechuté au niveau le plus bas depuis 2005, du temps où J. Koizumi, le 1er ministre de l’époque, insistait pour effectuer ses visites nationalistes au sanctuaire négationniste de Yasukuni.
Des 14 au 16/10, étudiants et citadins de cinq villes du centre (Xi’an, Chengdu, Mianyang…) ont multiplié les manifs anti-nippones, ayant rassemblé jusqu’à 30.000 personnes, émaillées d’incidents (vitrines de grands magasins lapidées) et de slogans xénophobes («éradiquer le Japon»).
A Pékin, un porte-parole déclara «pouvoir comprendre» ces débordements d’une minorité cocardière, vu «les erreurs récentes» de Tokyo. Fait étrange, ces débordements interviennent, après que les contacts aient repris au niveau ministériel (4/10, 11/10) pour tenter de résorber la tension.
Tout cela fait suite à la crise lancée le 4/09, quand le Japon arraisonna un chalutier chinois près des îles Senkaku/Diaoyu dont Pékin conteste la propriété.
Le magazine japonais Area finit par révéler (18/10) l’existence d’un pacte secret de 2005 (démenti entretemps par la Chine) ou Tokyo s’engage à ne pas arraisonner, et Pékin à retenir les va-t-en-Senkaku chinois. En ce climat tendu, peu de choses suffisent pour réveiller les animosités: telle la petite phrase du 1er Min. Naoto Kan (14/10), pour qui la libération de Liu Xiaobo serait «souhaitable», quoique la Chine insiste pour qualifier de «malfaiteur» le Nobel incarcéré.
L’escalade se poursuit : devant la Diète japonaise, S. Maehara, le bouillant ministre des affaires étrangères, qualifie le comportement général de la Chine d’«extrêmement hystérique» (sic), provoquant la colère prévisible de Pékin le lendemain. Sh. Abe, ancien 1er ministre assimile la montée des appétits territoriaux chi-nois au principe nazi du «Lebensraum» (espace vital), sans penser au concept équivalent de doctrine Monroe, en vigueur depuis près de deux siècles aux USA et fort moins blessant. Comme par rétorsion, dès le 21/10, la Chine dépêche une vedette garde-côte dans la région…
Cela dit, les deux pays donnent également des signes de contrôler soigneusement les provocations et la «diplomatie du porte-voix». Tout en déplorant les incidents et demandant à la Chine d’assurer la sécurité de ses concitoyens sur le sol continental, Kan fait appel à la « raison » des partenaires. Surtout, le ministre des affaires étrangères Yang Jiechi reçoit (19/10) son « vieil ami » Satsuki Eda, ancien président du Conseil, et proche de Naoto Kan pour préparer deux nouvelles rencontres entre les premiers ministres, lors du 13ème sommet de l’ASEAN à Hanoi, du 28 au 30/10.
Il est temps, des suites désagréables commençant à apparaître. Tokyo commande huit nouveaux sous-marins et réfléchit à une base navale dans l’archipel. Au 18/10, les compagnies aériennes nippones déclarent 11.000 annulations de billets entre les pays, dont les deux tiers vers la Chine. Un recul identique est probable chez les transporteurs chinois après l’avertissement de l’administration du tourisme, suite à la molestation d’un bus de Chinois à Fukuoka (29/09).
Une explication de cette exacerbation de la tension est proposé par Zhang Yunling, Professeur à la CASS (Académie chinoise des Sciences Sociales) : « les relations bilatérales s’étaient fort embellies ces dernières années, surtout sous le gouvernement de Y. Fukuda. Mais cette année, la Chine s’emballe économiquement et vient de dépasser le Japon, qui a bien du mal à l’admettre : d’où son repositionnement présent »…
LA rumeur fleurissait sur internet en juillet, de bébés prématurément sexués après avoir pris du lait Syrutra (Pékin) voire Yili (n°2 laitier, Hohot).
Deux mois après, la police arrête les corbeaux derrière l’affaire : An Yong, chef-produit chez Mengniu le n°1 national (et ancien de Yili), et trois cadres de BossePR, agence pékinoise de communications en ligne. Pour 280.000¥, BossePR avait fabriqué les faux parents victimes, la fausse femme enceinte, pour faire perdre à ces firmes leur clientèle.
Mengniu s’excuse pour les dommages subis, dément toute « paternité » à cette campagne de diffamation… et prétend que Yili lui aurait fait la même chose en 2003 et 2004…
[1] Après Sanlu-mélamine et Syrutra-”hormones”, cette infame affaire “Bosse PR” est le 3ème scandale en Chine en deux ans, sur ce marché du lait maternisé: elle ne fera rien pour restaurer la confiance des clients, déjà mise à rude épreuve.
[2] Vite alerté, Yili a mis en branle la police dès le 30/07 : ses ventes ont peu souffert, au contraire de Syrutra plus lent à réagir. En ce genre d’affaire, la vitesse est essentielle.
[3] Plus que d’un produit, c’est un problème de société. Un industriel n’a pas hésité à calomnier un rival (chinois, pas étranger!) pour son profit. Une agence de Public relation a été délinquante, et 100 sites, forums et blogs ont manqué de vigilance: trop alignés sur les directives de la censure, pour pouvoir détecter d’autres menaces bien plus réelles à la santé des clients, donc à l’image de la firme…
A 57 ans, Xi Jinping vient de franchir la dernière haie le séparant du pouvoir suprême en 2012 : la plus difficile sans doute. Cela fait deux ans qu’il attendait cette promotion comme n°2 de l’armée, (CMC) un pouvoir occulte mais décisif en Chine populaire. Il l’attendait dans l’ombre de Hu Jintao, l’actuel président, séparé de lui par leurs chapelles politiques, voire par leurs idées – Hu est conservateur, et Xi passe pour plus ouvert !
Né en 1953, Xi Jinping est l’archétype du «petit prince», fils de l’aristocratie du régime. Ancien héros de la révolution, son père Xi Zhongxun a été gouverneur, Vice-1er et surtout un des architectes de la réforme économique, très écouté de Deng Xiaoping, patron de la zone économique de Shenzhen à ses débuts: détesté par les Rouges, adulé par les libéraux. En général, ces enfants du sérail sont jalousés par l’appareil, qui ne leur pardonne pas leurs faux pas. Xi débuta donc sa carrière à 16 ans au Shaanxi, en pleine Révo’Cul’ qui força son père en rééducation à la campagne voire en prison. Lui-même évita tel sort, mais dut apprendre pour sa survie, à éviter de se faire des ennemis.
Membre du Parti communiste chinois dès 1974, il poursuit sa carrière, grâce à son père réhabilité, dans les régions riches de Shanghai et du delta du Yangtze. Il s’y fait un réseau de futurs milliardaires et de cadres en disgrâce qui vont progressivement refaire surface, futurs alliés.
Sa chance vient de sa proximité à Jiang Zemin, replié en 2002 sur Shanghai après 10 ans à la tête de l’Etat. Depuis 1990, Jiang et son successeur Hu étaient en conflit. En 2007, Hu avait fait tomber Chen Liangyu, chef du Parti pour Shanghai et vassal de Jiang : toujours influent, ce dernier parvint à le faire remplacer par Xi Jinping, avant de l’imposer en 2008 comme successeur de Hu Jintao. C’était sa revanche, brisant ainsi son rêve de se voir succéder par son dauphin Li Keqiang.
Quoique 15 ans plus jeune, Xi est ancien garde rouge comme Hu. Il est docteur de Tsinghua, la meilleure université. Mais le diplôme lui aurait été octroyé pour le « chauffer » aux plus hautes destinées, plus que pour ses brèves études effectuées à mi-carrière.
Xi est aussi patron d’une tendance minoritaire au sein du parti : celle de ses frères en destinée, du « gang des petits princes » (太子帮). Il a aussi d’étroits contacts dans l’armée, du fait de son mariage avec Peng Liyuan, célèbre chanteuse dans la troupe de l’APL, au rang de générale, et après avoir servi dans sa jeunesse sous divers officiers appelés à des avenirs au niveau suprême.
Il est bien vu de l’étranger – il comprend l’anglais, et a cette image d’un homme à l’aise dans les milieux d’affaires. C’est aussi un homme au franc-parler, ayant su s’exprimer crûment contre les USA au Mexique l’an dernier : « j’en ai m[…], de ces étrangers critiquant la Chine même quand elle ne fait rien »…
Politiquement, c’est un homme extrêmement protégé et à ce titre, mystérieux comme tous ses prédécesseurs. Des voix affirment qu’entre Fujian et au Sichuan, à la fin du siècle passé, il aurait roussi ses ailes au contact de cadres corrompus, ce qui lui aurait valu deux années de pause dans sa carrière, ne redémarrant que grâce aux appuis de son père…
Un autre mystère, est celui de sa menace supposée de démission, et d’exigence d’être le rédacteur du XII. Plan. Aujourd’hui, on voit pourtant qu’il n’a pas renoncé à la charge, mais que le Plan est vide de mandat d’ouverture… l’avenir permettra sans doute de voir plus clair sur ses projets réels pour ce pays.
Pourquoi un jeune cer-veau brillant, apparemment voué aux plus grands succès se retire-t-il du monde ? C’est ce que se demandent toujours des milliers de Chinois, suite au choix de Liu Zhiyu, cet été.
Dès 2006, à 17 ans, il s’adjugeait une médaille d’or aux Olympiades internationales de mathématiques. Ce qui ne surprenait personne à son lycée, filiale d’une université de Wuhan (Hubei) où tout le monde l’appelait le «petit génie» de cette matière. Beida, l’université de Pékin s’était empressée de lui offrir une place, sans attendre le bac, histoire de souffler à d’autres écoles un élève si brillant.
En 2009, en 2de année, il postulait pour des 3èmes cycles à l’étranger. Sans surprise, avec fierté, ses parents le voyaient décrocher six mois plus tard, le pinacle, le MIT de Boston, avec bourse complète -70.000$/an, rien que cela. Or voilà qu’en juin, bluffant son entourage, Liu se réfugiait au pied des monts de l’Ouest, au Temple Longquan, près de Pékin. Rien n’y fit, ni la prière du père (prof en fac de physique), ni celle du recteur de Beida… Sous la protection des moines, il vit désormais retiré du monde et le frère Xiandong, oppose porte de bois à la presse en mal de le rencontrer : « avant d’entrer dans les ordres, il doit faire ses 2 ans de «Jǘ Shì» (ermite), mais rien sauf sa volonté, ne peut l’en arracher !
Longquan (« source du dragon ») n’est pas le pire endroit pour un adieu au monde, monastère d’un millénaire, construit dès l’an 951, et depuis mille fois rebâti, comme en 1995 après la destruction par la « Révo’ Cul ‘». L’Etat l’a fait minutieusement refaire à l’identi- que, avec pavillons aux toits convexes noirs vernissés, lourdes cloches de bronze, cours aux ginkgos, acacias et autres arbres séculaires. Sur les sentiers de galets noirs, le passant franchit les portiques gravés de calligraphies poussant à la contemplation, où il s’abandonne.
Mais ce n’est pas pour l’architecture que Liu a pris la fuite. Débarquant à Beida en 2007, il s’inscrivait au club de méditation et y dévorait les ouvrages du bouddhisme, classique ou contemporain. Il allait au club de lecture, dont il devint l’animateur. Or son fondateur, lui aussi dévot, l’étudiant en philosophie Deng Wenqing, allait le prendre sous son aile, l’introduire à Longquan, avant de l’y précéder comme pensionnaire.
Les mois avant sa retraite, Liu est dit végétarien, puits de science, peu bavard mais serviable, ravi d’aider à résoudre une équation ou relire un cours. Pour ses stages, il choisit les temples et sanctuaires, l’enseignement des maîtres, prieurs et abbés. En son blog, il ne parle presque que de religion, et l’appel du sexe est absent : «au cloître, écrit-il, réciter les soutras, le travail sur soi nous fait oublier les différences entre les sexes: la communication se fait alors plus pure et simple».
La presse et l’opinion n’ont pas compris sa démarche. Pour elle, c’est un péché, du gaspillage d’abandonner la vie facile, le cadre matériel si agréable qu’il a mérité.
Certains cherchent un chagrin d’amour. D’autres croient qu’ayant déjà connu toutes les phases de la vie, il n’aurait plus qu’à chercher le sens de l’univers.
Nous croyons pour notre part que Liu n’a rien trouvé qui l’attire, dans ce modèle social où l’argent est tout et la vertu peu de chose. Participer à ce jeu sans liberté ni altruisme ne l’a simplement pas intéressé.
Fait remarquable, après une phase de déception, son père « respecte » le choix du fils prodige : au nom de Huizi, le philosophe paradoxal de l’école des Noms –époque des Royaumes Combattants «sans être poisson vous-même, comment voulez-vous connaître la joie du poisson?» (子非鱼,焉知鱼 之乐 zǐ feī yú, yān zhī yú zhī lè).
25-28 octobre Shanghai : CEMAT Asia, matériel de logistique
25-28 oct. Shanghai : PTC Asia, transmission hydraulique et pneumatique
19-21 oct. Pékin : China-Pharm, Salon de l’industrie pharmaceutique
21-24 oct. Pékin: ILOPE, Salon optoélectronique
21-24 oct. Shanghai : Salon du Gaz naturel et équipements
22-24oct. Shanghai : Int’l Sweets & Snacks China
28-30 Octobre Hanoi, 13.eme Sommet de l’ASEAN