Le Vent de la Chine Numéro 6
Au Sommet de Davos (Forum Economique Mondial), La Chine a une fois de plus attiré les feux de la rampe, par sa bonne santé et les projets volontaristes du Vice 1er Li Lanqing: loin de penser suivre ses voisins dans la dévaluation, Pékin évoque un gigantesque plan d’investissement en infrastructures, de 750 MM USD (1/4 de son PNB): irrigation, canaux, autoroutes, énergie, métros/ chemins de fer, industries high tech, logements sociaux, protection de l’environnement, tout cela sur trame de développement du Centre et de l’Ouest. Et pourtant, c’est sûr, la Chine vivra en 1998, un recul de sa croissance (8% au mieux) et de ses exports (au plus 35 MM USD, soit 5 de moins). D’où Pékin tirerait-elle ces fonds énormes?
Selon la Banque Mondiale, ils proviendraient avant tout de l’épargne intérieure: une vigoureuse réforme du système bancaire, déjà lancée (cf ci-dessous), donnerait un coup de fouet aux économies sur comptes dépôt. Parallèlement, la reprise en main des outils boursier et obligataire réorienterait l’épargne dormante vers les projets d’investissements -comme ce fut le cas dans les pays de l’Ouest dans les années 1960. L’État pendant ce temps mobiliserait ses ressources propres pour lancer à étapes forcées ses différents fonds sociaux, en accompagnement de la réforme des Entreprises d’Etat et des dizaines de M de jobs à supprimer. Si cela se faisait, la Chine s’avérerait, au grand soulagement de l’Occident, un des « volants thermiques » de l’Asie, base pour enrayer la crise et l’aider à remonter la pente.
Un obstacle toutefois à ce beau projet: les huaqiao (Chinois d’outremer, de Hong Hong, Taiwan etc.), ainsi que du Japon et de Corée, qui ensemble assurent les 3/4 des investissement étrangers en Chine, n’auront plus les moyens, ni le pouvoir d’emprunt, pour poursuivre cette politique. D’où la découverte récente et pas peu paradoxale, par la Chine, de la nécessité de ménager ses voisins!
Comme repreneur de Pérégrine, c’est la BNP qui gagne, emportant son fleuron, la branche contrôlant le placement d’une majorité des titres chinois (H-shares et red chips) sur la Bourse du « rocher ».
L’espagnol Banco Santander offrait 100 MUSD pour le groupe entier. BNP ne reprend « que » la branche locale. C’est à dire malgré tout, 290 MUSD d’actifs.
La décision s’est faite à l’intérieur de Pérégrine, dans la discorde: menée par le vice Président Fr. Leung, la division « Bourse » a imposé son propre rachat (à 90%) par BNP, laissant au milieu du gué la banque d’investissement. Les 150 Hkgais-Boursiers reprochant aux 600 Occidentaux-banquiers (essaimés entre Londres et les capitales d’Asie) d’avoir pompé « leurs » finances dans des opérations ruineuses d’expansion à travers l’Asie.
Pour BNP, c’est un tournant: le groupe émerge comme partenaire incontournable de l’industrie chinoise, à un moment crucial de sa restructuration.
Feu d’artifice de lignes aériennes coréennes vers la Chine : KAL et Asiana ouvrent chacune 7 liaisons, se partageant la majorité des grandes villes provinciales, plus un vol supplémentaire sur la ligne Seoul-Pékin, et KAL lance 2 lignes cargo vers Shanghai et Tianjin. Tout en taillant dans leurs vols vers l’Europe et les Usa, les transporteurs coréens font le pari de se renflouer « sur la Chine », marché neuf, en exploitant plus tôt que prévu les licences accordées. La Chine qui s’enrichit, pouvant être attirée par la Corée qui s’appauvrit.
Avec l’aéroport Huangtian de Shenzhen (quatrième national), Federal Express veut monter un service cargo mondial d’ici la fin de l’année, avec pour marché le Sud de la Chine voire Pékin et Shanghai (en délestage): Shenzhen veut ainsi résister à HK sur ce terrain, face à l’ouverture en juillet du nouvel outil formidable, l’aéroport de Shek Lap Kok.
Le Conseil d’Etat vient d’autoriser le Min. des P&T à exploiter Iridium en Chine, réseau de téléphone directement relayé à travers la planète par 66 satellites, dont 22 en cours de lancement par la compagnie aérospatiale Great Wall. Le centre logistique chinois sera une Joint-venture entre China Aerospace et le MP&T. Iridium, projet Motorola, utilise les satellites de Lookhed Martin.
China Telecom/HK, contrôlée à 75% par le MPT, négocie le rachat du réseau téléphone. GSM du Jiangsu (850000 abonnés). Le montant de la transaction tournerait autour de 500M USD, qui ne pourra pas être trouvés sur les marchés boursiers -plus probablement par emprunt. Déjà propriétaire des réseaux du Guangdong et du Zhejiang (2,8M d’abonnés) CTHK vise le rachat de tous les réseaux cellulaires de Chine, jusqu’à présent aux mains d’intérêts locaux. Prochains sur la liste: Pékin, le Fujian et le Heilongjiang
La réforme bancaire se concrétise. A Pudong, après Shenzhen, les banques se préparent à offrir des services offshores à leurs clients, qui pourront investir sous des régimes de taxes/lois plus libéraux. Pékin annonce pour 1998 plus de licences à des banques étrangères (14 aujourd’hui, dont 5 en 1997): leurs fonds viendront à point pour ses ambitieux projets d’infrastructures (15 MM USD sur 2 ans). La Banque de Chine (BdC) élargit au niveau national, son plan de prêts en devises (7 jours/4 mois) aux firmes, pour une protection contre les risques de change.
Enfin après avoir aboli les quotas sur les prêts commerciaux, la Chine veut libéraliser les taux d’intérêts, pour décourager la spéculation sur les écarts de taux chinois/étrangers, réduire les risques liés au crédit, tout en augmentant les marges de profit.
Toutes mesures allant dans le bon sens, mais ce n’est qu’un début -on est encore loin des libertés (et responsabilités) bancaires, de type occidental !
Un bon vent souffle dans les bambouseraies du Yunnan. Cette plante humble et fidèle sert à tout, en Chine, en ersatz du bois presque inexistant: de l’échafaudage à la pâte à papier, 3000 produits répertoriés, et jusqu’à hier, la production (localisée dans le Sud et l’Ouest) ne suivait pas la demande. L’Institut de Recherche de la province annonce la mise au point d’un procédé de reproduction, permettant de décupler les rendements: doublement des chances de survie des jeunes pousses, et réduction par trois de la période de croissance. 16000 fermiers locaux ont déjà été formés à la technique nouvelle.
Disputes mise à part, les affaires entre Chine et Taiwan progressent bien: +10,7% en 1997. Taiwan a exporté pour 18,5MMUSD vers la Chine, soit 8% de hausse, tandis que les exportations chinoises décollaient : + 26,5%, avec 3,5MMUSD. Le continent a surtout vendu ses produits agricoles et matières 1ères (¾ du total), et Taiwan, des produits à forte valeur ajoutée: électrique, électronique, ou semi-finis, fibres chimiques et plastiques.
La Chine célèbre à sa manière 1998, année mondiale des océans, en présentant ses chiffres: en 2010, à l’en croire, 10% de son PNB (contre 4% en 1996, avec 33,7MMUSD) proviendrait de la mer: transport, construction /réparation navale, chimie à partir du sel marin (1er rang mondial), ressources halieutiques (pêche et aquaculture) et leur transformation (1er rang mondial), du gaz et du pétrole offshore (25,5 MMt de réserves estimées), du tourisme (1500 stations balnéaires de qualité variable) et des ports, d’une capacité phénoménale (800MMt/an), mais atomisée entre une myriade d’unités concurrentes.
A HongKong, le groupe immobilier Sun Hung Kai, vient d’annoncer une baisse de 40% du prix de ses appartements de luxe Symphony Bay, par rapport aux 7400HKD /pied², de l’offre initiale en déc. Une spirale vers le bas s’engage: la demande chute en même temps que les prix. Les ventes à Hong Kong ont chuté de 62% sur 12 mois.
80% des familles chinoises (au terme d’un sondage sur 2430 foyers, approchés dans 53 villes) pensent que l’Etat peut garantir la stabilité, mais seulement 51% croient au succès de la campagne anti-corruption. Ce que cela signifie (selon « Horizon », un institut semi-officiel) : une légère érosion, par rapport au sondage précédent, de la confiance et de l’acceptation de la politique de réforme. Traduction dans l’opinion, de l’essoufflement de la croissance. Mais de tels sondages et leur publication, expriment aussi un progrès non négligeable, du point de vue de la transparence et de la démocratie.
A défaut d’Etat de droit, le corps des avocats augmente très vite en Chine: 100 000 membres du Barreau en 1997, soit 2 fois ½ de plus que 4 ans avant, qui ont traité 2M d’affaires hors prétoire, 1,1M d’affaires criminelles, 1,5M d’affaires civiles et 1,2M d’affaires économiques. Cela dit, pour qui nécessite un avocat en Chine, mieux vaut le choisir, parmi l’infime minorité formée à l’étranger!
Après le rétablissement des liens entre l’Afr. /Sud et la Chine au 1er janvier, la Rép. Centre Africaine vient de renouer jeudi 29 avec Pékin, après 9 ans d’idylle taiwanaise.
Suite au scandale des nageuses chinoises convaincues de dopage aux Championnats du Monde d’Australie, le Comité Olympique a tranché: pas de commission d’enquête en Chine, dont les 5 cas de Perth étaient autant d’« incidents isolés ».
Royal Dutch Shell aura dû attendre 8 ans pour atteindre son but en Chine: la signature de la raffinerie de Nanhai (Canton) serait imminente, par le 1er Min. Li Peng (son 1er supporter historique), lors de sa visite le 12 en Hollande. Un contrat qui bat 2 records: avec 2 tranches de 6 à 8 MMUSD, il sera le plus grand jamais signé en ce pays; et Shell contrôlera 50% du capital, face à un consortium (China Merchants=20% , CNOOC=25%, plus une Entreprise d’Etat. cantonaise): il sera majoritaire, du jamais vu, dans ce secteur stratégique! Nanhai raffinera 8 à 10Mt de brut, et au moins 450 000t d’éthylène, destinés aux provinces du Sud-ouest (Yunnan, Sichuan).
La capacité nationale de raffinage, 200Mt, est excédentaire (utilisation moyenne= 70%): Shell forcera à la fermeture de nombreuses unités provinciales petites, vieilles et polluantes.
Parmi les avatars de ces négociations: la prison pendant un an, en 1996, de la représentante chinoise de Shell et d’un homme de la CNOOC, accusés d’avoir trahi des «secrets d’Etat»; les abandons en 1996 par Amoco et Elf, de projets similaires, ainsi que par le taiwanais Chi Mei, qui comptait transformer, dans une usine voisine, l’éthylène de Shell. Enfin, un détail a tout fait basculer: le retour de HK à la Chine, et la normalisation sino- britannique!
Chienne de vie pour les taxis de Pékin. Harcelés, surtout en fin de mois par les agents de police, en mal de remplir leurs quotas de contraventions, ils doivent faire face à un problème autrement plus grave: le futuodui, « gang de la hache », qui écume le nord-est de la capitale, assassinant les taximen au volant de voitures neuves, qu’ils revendent ½ prix en province : au moins 7 d’entre eux ont été tués dans les rues de la capitale (malgré la cage de plastic qui les entourent) depuis novembre.
Les éléphants du Xishuangbanna (Yunnan) se portent comme un charme, depuis l’ouverture d’une réserve sur ¼ du M de km² de forêt tropicale provinciale. La tribu des pachydermes sauvages est passée en 14 ans de 197 à 250, au grand dam des 114 villages riverains, qui les retrouvent régulièrement dans leurs champs, et dont les coups de gong ne parviennent pas à les déloger. Un fonds spécial, précise Xinhua, serait en place pour payer les dégâts.
Entièrement éradiquée pendant l’ère maoïste, la traite des enfants a repris sous l’ère de Deng Xiaoping. Début jan. à Lianjiang (Fujian), 3 réseaux ont été démantelés, et 7 enfants à vendre, libérés (de 8 ans à 2 mois). Les trafiquants ont confessé que l’activité "rapportait plus que l’élevage du cochon" (sic). A l’origine du sauvetage,un père de 2 enfants disparus: aidé par d’autres pères dans le même cas et des journalistes locaux, il a « acheté » un marmot, contraignant ainsi la police (qui savait tout) à agir.
Jusqu’au dernier moment les 3 aérostiers suisse, belge et britannique de l’expédition « Breitling Orbiter 2 », tentant le 1er tour du monde non-stop en ballon (25000km), ont espéré l’autorisation de survol du territoire chinois. Elle est tombée, mais trop tard -tout comme la Montgolfière (entre Pakistan et Birmanie) -non sans avoir battu, au passage, le record du monde, vieux de 11 ans, de durée d’un vol du plus léger que l’air ! La décision exprime 1 compromis bâtard entre Waijiaobu, qui voulait donner ce feu vert, et APL qui n’en voulait pas. L’Armée Populaire de Libération (APL) est propriétaire de presque tout l’espace aérien chinois.
22 février-1er Mars, Pékin-Shanghai-Canton-HK: m.Wijers, ministre néerlandais de l’Economie, avec 70 patrons, plus grande délégation d’affaires des Pays Bas, jamais vue en Chine!
13-16 février, Shanghai: foire INTEX (textile).