Le Vent de la Chine Numéro 31
En terme de contrats, la visite de Lionel Jospin en Chine a été «sauvée» par l’étape shanghaïenne, avec 1,2 MMFF de commandes pour la ligne 3 de métro (26 rames de 6 wagons). Autres affaires signées : une Joint-venture ciments Lafarge au Sichuan (150MUSD, à 75% Lafarge), et une station d’épuration des eaux en « Build,Operate,Ttransfer »: construction aux frais de l’investisseur, également opérateur sur 20 à 30 ans (BOT) à Chengdu (Sichuan), pour Vivendi (100MUSD), des terminaux de paiement bancaires (Ingenico), des usines de cartes à puces/micromodules (Cybernetix), une usine de retraitement d’ordures à Pudong (Lyonnaise/Alstom, 30MUSD), un contrat de coopé technique innovantes pour EDF…
Au volet « politique », les textes signés par Pékin et Paris traduisent une volonté de rapprochement, (un peu comme les Etats européens dans les années ’50).Tels cette Déclaration de coopération financière, prélude à une association future entre la Banque Populaire de Chine (BPdC) et les autorités de la zone Euro; la création d’un comité de coopé agricole et agro-alimentaire (pour accroître les échanges, normaliser, protéger les Appellation d’ Origine Contrôlée AOC), ou les accords « LIAMA/Internet » (voir ci-dessous).
On a aussi relevé l’effort imposé à L. Jospin, de se rendre à Hefei (Anhui) pour rencontrer le Président Jiang, le don français de 4MUSD pour la création d’un «centre de secours aux catastrophes naturelles» à Wuhan. Tandis que Jiang annonçait ses conditions pour rencontrer le Dalai Lama (reconnaître la mère patrie, ET ne plus aller à Taiwan) : c’est peut être le début d’un déblocage, et en tout cas, la poursuite d’un dialogue avec le Dalai Lama, par visiteurs étrangers interposés (la réponse à une question qui avait été posée, pour le compte du chef spirituel du Toit du Monde, par Bill Clinton en juin.
Jusqu’à l’été, un bâtiment de la Marine nationale, selon un témoin, faisait une navette éternelle sur le Yangtzé, faisant escale chaque soir dans des ports militaires, pour décharger sa production de CD pirates, destinée aux marchés chinois et asiatiques: une usine garantie protégée contre les descentes des brigades anti-piratage!
Cette carambouille d’une ingéniosité digne du Topaze de M. Pagnol, s’est -peut-être!- éteinte en juillet, sous l’impulsion de Jiang Zemin qui a ordonné à l’ Armée Populaire de Libération (APL) l’abandon immédiat de ses usines civiles, foyer de contrefaçon, Etat dans l’Etat industriel. Jiang aurait pour l’occasion, lâché son protégé Zhang Wannian, patron de l’ Armée Populaire de Libération (APL), que l’on dit sur le départ, laissant les commandes au seul Chi Haotian.
Au même moment, la guerre contre le piratage s’intensifiait sur le front de la contrebande, avec un été d’actions « coup de poing » sur le Guangdong, le Guangxi et le Fujian, provinces maritimes du sud. Total des saisies, sur 8 mois: pour 253MUSD, dont 3400 voitures neuves, 9000t d’acier, quelques milliers de caisses de cigarettes, et pour 285000 t de produits pétroliers… ce qui a permis aux prix pétroliers (et des cigarettes, et des pellicules photo etc.) de remonter – exemple: essence (prix usine) = 248USD/t contre 221 en mai. Victoire d’un jour, donc – non démantelés, contrebandiers et pirates font les morts, attendant des jours meilleurs.
Les brasseries en Chine, étaient 800 en 1995: elles sont à présent 500, dont 300 vont mourir dans la guerre des prix. L’Asimco, compte être des survivants, et exporter dès cette année vers les USA14M de bouteilles, 15% de sa production. Asimco détient 62% de la brasserie "Five Star", l’autre actionnaire étant la mairie de Pékin. Pendant ce temps, Foster’s, le géant australien, a déjà dû lâcher 2 de ses 3 JV chinoises, Yanjing, n°1 national (également sous contrôle mairie de Pékin) veut passer des733000t de production actuelle, à 1Mt en ‘2000, grâce aux fonds engrangés en bourse (HongKong – Shenzhen). Enfin, Anheuser-Bush veut doubler la capacité de sa Joint-venture Budweiser/Wuhan (2,5Mhl, 150MUSD).
Dès mi-2001, le gisement pétrole off shore de Qinhuangdao 32-6, à 250km à l’Est de Pékin, sera productif (à terme, 60000barils/j.). CNOOC, propriétaire,en gardera 51%, Texaco et Arco, exploitants, recevront chacun 24,5%. C’est le second plus grand gisement chinois en mer (réserve estimée : 1M baril/j). La China National Off-shore Oil Corporation (CNOOC) vient de découvrir un autre champ à 160 km au Sud Est de HongKong, réserves estimées=150M barils.
Unicom, concurrence de China Telecom (bras industriel du MII), avait su contourner l’interdit aux étrangers d’investir dans le secteur: 40 firmes de 11 pays avaient placé 1,4MMUSD chez Unicom (qui gère un réseau fixe à Tianjin, un réseau "bipeur" et un de téléphone portable). La technique d’investissement, dite "CCF" (China-China-Foreign) consiste à faire financer des JV par l’étranger, qui se rembourse sur les rentrées. A présent, Zhu Rongji vient d’interdire le CCF, sous la pression du MII (qui, jusqu’à juin, avait déjà réussi à retarder l’entrée en fonction du réseau Unicom-Tianjin). Les étrangers, dont France Télécoms, Deutsche Telekom et Sprint, s’interrogent sur les conséquences.
Ouverture d’une école bilingue, de maternelle à terminale, à Xi’an : dédiée à Helen Snow, journaliste sinophile, elle a coûté 4,2MUSD, payés par la ville, deux firmes privées, et deux fondations américaines – qui financeront l’expatriation de 4 enseignants américains.
Bilan dévastateur du Centre d’observation des Performances économiques (résultat d’une enquête sur 58000 firmes publiques) : en juillet 1998, sur 12 mois, les pertes avaient crû de 37,5%, dont 47,2% pour les Grandes Entreprises d’Etat (GEE). Dès 1997, le montant de ces pertes (83MMY) égalait la masse des bons du trésor (100MMY) qu’on vient d’émettre pour le programme spécial d’infrastructures (déduction faite de la part réservée aux arriérés de salaires des Entreprises d’Etat).
Pronostic de cet Institut pour 1998 : les pertes industrielles publiques augmenteront de 50%, atteignant 120 MMY, soit 20% de l’assiette du revenu de l’État. Secteurs les plus atteints: ceux où existe le plus de compétition (textile, alimentaire); secteurs les plus indemnes : ceux où l’État a gardé 60% au moins du marché (tabac, pétrole gaz, charbon à coke, eau urbaine). Les raisons principales de cette érosion de la rentabilité, étant la chute des exports (-2,9% en août), et celle des prix intérieurs (-3,3%).
Conclusion de l’étude: l’Etat, comme partenaire industriel, pour stopper l’hémorragie, devra opérer un repli vers les secteurs "génie civil", "ingénierie", et "piliers stratégiques". Et pour l’étranger à moyen terme, un des meilleurs but d’investissement, sera dans ces domaines – surtout ceux de l’énergie (propre) et de la protection de l’environnement!
A Xuzhou (Jiangsu), 340 Petites et Moyennes Entreprises d’Etat (PMEE) viennent de franchir le Rubicon, acceptant (moyennant impôts allégés et meilleur accès au crédit) de se déclarer pour ce qu’elles sont : des firmes privées! Dans la province, déjà 30000 PMEE ont ôté leur hongmao’r, chapeau rouge. Mais hors du Jiangsu, région moderne (aux mentalités plus libérées), l’ombrelle publique pour les firmes existera longtemps encore: comme "vaccin" contre les tracasseries administratives.
Futur second barrage du pays, Ertan (Sichuan), vient de subir un changement historique de design: quoique déjà achevé, le sas de passage des grumes, prévu pour 1,1Mm3 de bois/an, est condamné, l’écluse à 100MUSD ne sera pas montée: suite aux inondations, Pékin a conclu que l’abattage des forêts en amont, n’est pas souhaitable.
Autre suite aux crues, le prix des céréales a monté de 0,8Y/kg, et l’on s’inquiète, ici et là (Zhejiang notamment) de l’état des stocks. La faculté de l’Etat de déstocker pour contrer l’enchérissement, est limitée par le risque de ruiner le paysan, déjà affecté par les intempéries. Au même moment, Pékin-(ville) supprime une prime alimentaire de 7,5Y/résident: celle-ci ne compte plus que pour 1% du revenu moyen, et ne serait "plus nécessaire", avec l’introduction du salaire minimum de 290Y, et de l’allocation chômage de 200Y.
La réforme des chemins de fer et le limogeage de la moitié du personnel commencent à porter ses fruits: suite à un investissement de 722MUSD, au 1er octobre, la vitesse sur les 3 grandes radiales (Pékin -Canton, -Shanghai et -Harbin) atteindra des pointes de 140/160 km/h. Ainsi, Pékin -Canton se fera en 24h (5 h d’économie). Afin de réduire les accidents, 1453km de ligne ont été grillagés. Le prix des billets ne changera pas. Depuis ’96, les recettes ont déjà augmenté de 421M USD soit 12,7%.
Macao vient de recevoir des retouches à la "Loi Fondamentale", qui réglera sa vie dès le 21 décembre 1999. La création d’une "Comm. indépendante anti-corruption", d’une Cour des comptes et d’un Office des douanes, a rapport avec le contrôle des immenses sources de profits que constitue le Casino de l’hôtel Lisboa (9/10ème du budget de Macao).
Pour le paiement des retraites des fonctionnaires (surtout portugais), Pékin espère que Lisbonne assume ses responsabilités. Certaines fêtes "nationales" lusitaniennes, religieuses ou coloniales doivent être remplacées. Mais surtout, en fin de compte, après mure considération, l’Armée Populaire de Libération (APL) sera stationnée à Macao : trop de mafia! Bon prince, Pékin prend les frais des troupes à sa charge.
Avec le retour de l’automne, rafraîchissement perceptible sur différents fronts:
[1] Après un moment de surprise et de tolérance gouvernementale, face à la tentative d’enregistrement d’un parti indépendant à travers 7 provinces, on voit le filet partout se refermer -prisons, résidences surveillées. Non intimidés, 179 dissidents protestent, par lettre ouverte au Président.
[2] Le Président de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP) rappelle les limites de la libéralisation possible, à ce jour, du système législatif : le Parlement, pour M. Li Peng, est "un outil par lequel le PCC dirige mieux le pays", et "la Chine ne copiera pas les modèles politiques capitalistes occidentaux".
[3] Tandis qu’à Shaoguan (Canton), 20000 ex-ouvriers d’Entreprises d’Etat congédiés et reconvertis en conducteurs de sanlunche (tricycles), protestaient violemment contre la tentative d’interdiction de leur nouveau gagne-pain (l’arrêté municipal a été aboli en quelques heures!), Shenzhen, accablée de manifs, interdit de facto tout rassemblement de plus de 5 personnes.
Le déficit commercial USA/Chine s’alourdit d’1MMUSD/semaine. C’est David Aaron, Sous Secrétaire d’Etat US, qui le dit. Le chiffre attendu pour 1998, est de 60MMUSD.
Replié dans un hutong de Haidian, l’Institut ne paie pas de mine, et pourtant le Laboratoire Franco-chinois d’Informatique, d’Automatisme et de Mathématiques Appliquées (LIAMA), avec sa quinzaine de chercheurs des deux pays, semble promis au plus bel avenir. Sa force est triple:
[1] Pouvoir recycler pour le marché chinois des logiciels d’images virtuelles, produits des 20 ans d’expérience de l’INRIA, la maison mère française. Ainsi, viennent d’être présentées des applications permettant de « voir » la croissance de plantes encore en graines, (pour vérifier, sur écran et sans coût, l’interaction de deux plantes que l’on veut cultiver sur un même terrain). D’autres programmes montrent les crues des lacs Dongting et Poyang en août 1998, quelques heures à l’avance (résultat combiné d’images radar et d’images satellites « Spot« ).
[2] Aux firmes françaises (aujourd’hui, EDF, Matra systèmes, Dassault), cofinançant un des 10 thèmes de recherche annuels, le LIAMA garantit un accès rapide au marché industriel chinois, vu le réseau de diffusion en aval, via l’Académie des Sciences.
[3] La Chine attend du LIAMA, qu’il soit le creuset de sa propre industrie du logiciel.
Lors de la visite de L. Jospin, deux accords ont été conclus pour accélérer la montée en puissance du Laboratoire Franco-chinois d’Informatique, d’Automatisme et de Mathématiques Appliquées (LIAMA) : l’un, pour élargir en 1999 ses activités aux technologies multimédia et à un site Internet bilingue, l’autre, pour protéger la propriété intellectuelle de ses logiciels. Tout cela traduisant la gestation d’un programme franco-chinois de technologie de l’information, qu’Olivier Monga, le directeur français, décrit comme « de 5 ans en avance sur le marché ».
Héritage de l’histoire récente, la Chine (surtout provinciale) vibre encore de l’émulation des "travailleurs", "villes" ou "projets modèles". Parmi ces derniers, avait été lancé en septembre 1995 à Yuncheng (Shanxi) un programme d’irrigation d’1M de (mu, 1 mu = 6,6 ares). C’est après le départ du gouverneur (promu suite à ce succès) que les langues commencèrent à se délier: le projet n’était pas disponible pour le commun des laboureurs. "Les tours çà et là, baptisées ‘châteaux d’eau’, étaient (sic) bidon", se plaint m. Wang, paysan, "je voulais parler, mais craignais la prison". Le problème (des fonds investis, 285000Y évaporés dans la nature) reste, comme on dit "non résolu".
Remake triste du roman Paul et Virginie de Bernardin de Saint Pierre. Shasha vivait seule avec sa mère, trop prise par son emploi pour la surveiller. Elle sortait le soir. A 17 ans (en mars 1998), c’est l’amour, avec un vaurien de discothèque, et chacun vole chez ses parents, pour trouver de quoi s’amuser (ni l’un ni l’autre ne travaille): la mère de Shasha, on peut la comprendre, exige la rupture. C’est alors qu’avec deux autres (xiao huangdi, "petits empereurs", enfants gâtés, et uniques, de la nouvelle génération), elle décide de tuer la mère pour prendre l’argent et fuir, Shasha assiste depuis le sofa à l’agonie de sa mère, avant de se faire, bien sûr, prendre avec les autres – le métier d’assassin ne s’improvise pas.
06-10 octobre 1998: Tony Blair, 1er ministre britannique à Pékin, Shanghai, HongKong
08-14 octobre 1998: Yantai (Shandong): Salon des technologies des Petites et Moyennes Entreprises (PME) de l’ Coopération Economique de la zone Pacifique (APEC)
06-09 octobre 1998: Shanghai: Salon de l’équipement médical et pharmaceutique
05-11 octobre 1998: Pékin : (probable) 3ème Plenum du Comité Central du PC Chinois (CCPCC)