Le 21 octobre, la présentation du bilan conjoncturel par l’Office National Statistique provoqua quelques grimaces: Wang Bao’an, le directeur annonçait pour le 3ème trimestre une hausse de PIB de 6,9%, la plus faible depuis 2009. À 5,7%, la croissance industrielle de septembre restait aussi sous les espoirs de 13 économistes internationaux (5,9%).
Comme les investissements fixes, à +10,3% -faible performance ! Pour le 43ème mois consécutif, l’indice PPI des prix à la production poursuivait sa chute, aidée par celle des matières premières et la surproduction : la déflation n’était pas loin.
En fait, peu d’experts croient à ces +6,9% de PIB : bien trop proches de l’objectif annuel du Conseil d’Etat (7%), et trop éloignés de données vérifiables comme la consommation en diverses matières premières. Le cabinet d’études Sanford Bernstein estime le vrai chiffre à 4,5%.
Par chance, quelques signaux viennent égayer le tableau.
A +10,9%, le commerce de septembre maintient le cap : la consommation entre pour 58,4% dans la hausse du PIB, presque 10% de mieux que 12 mois en arrière.
Pour la première fois dans l’histoire, les services assurent en 9 mois, 51% du PIB, 11% de plus que l’industrie. En somme, le rythme est faible, mais en voie de consolidation, nullement catastrophique. Wang Bao’an lance même des fleurs à cette économie: avec ses 13,3% du marché mondial en 2014, l’économie chinoise, a joué un rôle décisif dans sa stabilisation, en contribuant pour 30% dans le produit mondial brut du premier trimestre.
Sur le terrain pour autant, tout n’est pas rose, loin de là.
Sinosteel, second minéralier du pays, renonce (22 octobre) à payer l’intérêt d’une obligation de 315 millions de $. Endetté endémique depuis 2011 (à 98% de sa valeur-papier), il ne peut refinancer sa dette –nul ne veut plus lui prêter : il est techniquement en banqueroute. L’Etat annonce une aide, mais soufflant le froid après le chaud, Li Keqiang prévient qu’il laissera faire les faillites de conglomérats « zombies », habitués à vivre des aides publiques.
Fusions en série
Dans l’internet, entre e-commerce et services, de grandes manœuvres se poursuivent en prévision de l’épuisement du crédit en banque comme en bourse.
Débutées février par la fusion de Didi et Kuaidi (les centrales d’appel de taxis par smartphone), elles se suivent en avril de celle de 58.com et Ganji (annonces classées).
Début octobre, Meituan (site d’achats groupés) et Dianping (plateforme de recherche de restaurants et autres) se fondent en un mammouth à 15 milliards de $.
Puis Alibaba offre 3,6 milliards de $, avec surcote de 30%, pour les parts en bourse de Youku Tudou (le site de vidéos, équivalent de YouTube). Cette action du groupe de Jack Ma confirme sa stratégie de diversification vers l’audiovisuel, dans le même souci que son rival Tencent (créateur de « WeChat »).
De son côté, l’Etat multiplie les initiatives pour maintenir le moral des troupes.
En octobre, période traditionnelle des dépôts de candidatures à la fonction publique pour 2016, le nombre d’offres d’emplois pour « ronds-de-cuir » atteint un niveau record : 27.817 recrutements espérés entre niveau central et régional.
C’est le bureau des taxes qui recrute le plus, avec 27 provinces offrant chacune entre 300 et 800 postes. Mal payée et menacée par la campagne anti-corruption, la carrière publique ne fait plus rêver autant les jeunes.
Autre vieille ficelle de la croissance chinoise, les projets d’infrastructures vont bon train. De janvier à septembre, la NDRC a approuvé 218 projets à plus de 2800 milliards de dollars.
La dernière tranche (15 octobre) porte sur 15 milliards, 8 chantiers : 3 routes (dont l’axe Weiyuan-Wudu, 244 km au Gansu), deux ponts sur le Yantgzé (Huangshi, Yichang), deux lignes ferrées et la réfection d’une section du grand canal dans le Zhejiang. Les fonds viendront des pouvoirs locaux, de compagnies concessionnaires, et des banques.
Les PPP, modèle d’avenir
Mais pour l’avenir, l’Etat ne peut plus agir seul, et arrive à la limite de ses capacités de financement.
Il veut aussi obtenir plus d’efficacité, par une gestion plus réactive de type «privé». C’est le modèle des PPP (partenariat privé-public). Yu Bin, chercheur au Conseil d’Etat, annonce les besoins prévisionnels : 172 barrages à accélérer, 53 millions d’hectares à redévelopper…
Le ministère des Finances publiait en septembre les détails de 206 projets, appelant 104 milliards de dollars de fonds. Il a aussi créé un fonds spécial d’investissements aux PPP, doté de 28 milliards.
Le moins que l’on puisse dire, est que les investisseurs ne se précipitent pas. Xu Hongcai, directeur d’un centre d’études, note que la plupart des PPP ne rémunèrent pas le risque. Ce qu’il faudra, promet la NDRC, sera offrir plus de grâces d’impôts, de primes, et réduire la durée du cycle d’octroi des licences.
Et surtout, les pouvoirs locaux devraient garantir davantage les droits des investisseurs privés : voilà, parmi d’autres, quelques unes des réformes à faire valider par le Comité Central, en Plenum annuel du 26 au 30 octobre.
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