Editorial : Plenum, et combat des chefs

Le 7 octobre à Zhongnanhai (siège du gouvernement), le Bureau Politique fixa les dates du Plenum du Comité Central au 26-29 octobre, et son agenda : le vote du 13ème Plan quinquennal 2016-2020 (un héritage de l’URSS). Quoiqu’encore non-publié, le Plan commence à transparaître dans ses grandes lignes. 

Suite au dévissage boursier de l’été, la priorité change : la refonte des institutions passe au second plan derrière la défense de la croissance et l’objectif d’économie à hauts salaires. Il faut éviter le « piège des classes moyennes » condamnées à l’effritement de leurs revenus par l’incapacité à monter sur la chaîne de valeur. D’ici 2020, la croissance devrait rester à 6,8% à 7% par an. Les réformes financières viendraient plus tard, telle la levée des contrôles des capitaux, la réforme de la taxation ou l’internationalisation du yuan… 

Une priorité ira à l’éradication de la pauvreté : d’ici 2020, les derniers 70 millions de pauvres devraient passer la barre des 2300¥ de revenu par an. Les chantiers d’Etat vont se poursuivre : 73 milliards de $ pour 27 lignes de métro, 1000km de rails entre Pékin, Tianjin et le Hebei, 1,9 milliards de $ dans l’internet, un plan pour attirer l’investissement étranger au Dongbei... Au-delà d’un certain plafond, ce modèle de croissance par la dette publique ne fonctionne plus – il coûte, sans rapporter. Mais Pékin espère renouer avec la profitabilité en prolongeant l’ investissement hors-frontières, dans le cadre des «  Routes de la soie ». Le CECP (Corridor Economique Chine-Pakistan) sur 2800km de routes, zones industrielles et voies ferrées, coûtera 46 milliards de $, dont 34 milliards en énergie. Ainsi, la Chine se prépare une rente à long terme (celle du remboursement, et celle du rendement), et renforce en attendant sa zone d’influence. 

À la veille du Plenum, le Président Xi Jinping semble l’homme fort. Deux ans de campagne anti-corruption ont écarté ses rivaux. Ayant placé aux postes-clés des centaines d’alliés, Xi a les coudées franches pour renforcer le Parti, le contrôle social, l’ordre moral socialiste. Il révise le « Code d’Ethique et l’Ordonnance disciplinaire » pour punir les fonctionnaires fautifs. Il place des cadres du Parti dans les ONG et le syndicat unique. Il veut interdire aux internautes de surfer sous un pseudo. Pour Xi, un seul avenir : le Rêve de Chine (中国梦 ; zhōngguó mèng), par le lien raffermi entre Parti et Peuple. 

Et c’est alors que vient la surprise : Li Keqiang, le 1er Ministre, remonte la pente, suit sa propre voie et donne de la voix, soutenu par la presse qui loue son courage et ses compétences. Or, le programme de Li est bien différent de celui de Xi : le Président veut réintroduire la morale (socialiste) dans le mode de vie des cadres, tandis que Li souhaite oublier l’idéologie, insuffler une dynamique dans l’économie, transférer les ressources des conglomérats vers le secteur privé, les migrants et le monde rural. 

Résultat : les deux hommes ne parlent pas le même langage . Le meilleur exemple en a été le plan de réforme des entreprises d’Etat, en plein grand écart entre l’influence de Li (les mesures de dérégulation) et celle de Xi (le maintien du Parti dans la direction de la firme publique). De même, Xi critiquait en juillet la Ligue de la jeunesse, base de pouvoir de Li, et l’exhortait à se montrer moins « aristocratique » et plus « proche du peuple ». Ainsi, entre Xi et Li, une fissure discrète apparaît. Les deux hommes mènent chacun leur programme, et ne se citent jamais. Mais combien de temps ce tandem pourra-t-il maintenir cette entente tacite ?

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