Au Xinjiang, les incidents se multiplient. Ainsi le 7 septembre à Zhengzhou (Henan), un échange de coups de feux coûtait la vie à un policier et un Ouighour – un autre s’enfuit en voiture.
Surtout, l’on constate la montée d’un problème insurmontable, l’exfiltration de centaines de jeunes Ouighours par des filières vers l’Irak ou la Syrie, pour le compte de l’ « Etat Islamique ».
En juillet et août, en plusieurs procès, 45 personnes recevaient de lourdes peines de prison (dont plusieurs à perpétuité) pour avoir monté ces filières au moyen de financements clandestins. Certains ont été appréhendés et extradés à bord d’embarcations en mer, apparemment au départ du Vietnam. D’autres sont arrêtés, cachés dans un camion, passant du Tadjikistan en Afghanistan. D’autres l’ont été à l’aéroport d’Urumqi, en transit d’un vol Pékin-Ankara. De source turque, les recrues en Syrie, venues d’Asie Centrale (y compris du Xinjiang) seraient « au moins 1500 ».
Le 16 septembre, un mois après l’attentat à la bombe dans Bangkok, la police thaïe finit par admettre que le coup sanglant (20 morts, dont 6 Chinois, plus de 122 blessés) était bien d’origine ouïghoure, suite à l’extradition le 9 juillet, de 109 réfugiés du Xinjiang vers leur pays d’origine.
Les autorités thaïes avouent non sans quelque ingénuité une « forte pression » de Pékin exigeant leur retour : Bangkok n’avait pas pu dire « non », mais avait tenté de sauver la face par ce désagréable compromis consistant à laisser repartir vers la Turquie les compagnes et enfants de ces réfugiés. Le crime aurait été planifié pour venger cette extradition massive.
Ainsi, le conflit du Xinjiang s’internationalise, et des extrémistes ouighours sont prêts à rejoindre le groupe Daesh dans le rêve d’un « Califat » panislamique entre Asie, Afrique et Moyen-Orient. En échange, ces extrémistes reçoivent un soutien logistique – sur sol thaï, désormais.
Pour Peter Knoope, chercheur dans un centre d’études anti-terroristes à La Haye, « la question n’est pas ‘ si ’, mais ‘ quand ’ la violence terroriste ensanglantera l’Asie Centrale » – le Xinjiang étant déjà un épicentre.
Pour la Chine, ce problème ouighour devient donc aigu, et fait pour durer. C’est une des raisons qui pousse les autorités à intensifier discrètement le dialogue antiterroriste avec les pays du monde, à se distancer d’Etats voyous, foyers de ce genre d’action violente – comme pour résister, mais un peu tard, à une bombe à retardement déjà enclenchée.
Sommaire N° 32 (XX)