Xinjiang : Ramdam dans le grand-Ouest

Au Xinjiang, terre natale des Ouighours, le Ramadan 2015 commence mal. Pour cause : les autorités interdisent la célébration musulmane qui impose aux fidèles le jeûne diurne durant 30 jours. Membres du Parti, cadres, étudiants et professeurs sont directement assujettis au ban. Au canton de Jinghe (frontière kazakhe), les services d’hygiène alimentaire ont « conseillé » aux restaurants de rester ouverts, pour être moins inspectés le reste de l’année—ceux qui fermeraient, le seraient plus. 

En d’autres villes, les enseignants à la retraite sont aux portes des mosquées pour filtrer les enfants, pour motif de santé : ce jeûne rituel serait mauvais pour leur croissance. En pratique, les maîtres d’école, même musulmans, peuvent avoir bien du mal à ignorer les ordres, au risque de voir le paiement de leur pension suspendu.
Cette intolérance larvée peut prendre des formes inattendues : dans le canton de Nya, trois jours avant le début du Ramadan, se tenait un concours de bière, avec des prix jusqu’à 1000 yuans. Trois jours après, une fête publique était organisée, où des paysans roulaient, farcissaient et mangeaient leurs raviolis. Dans la presse, un Ouighour est cité, approuvant la campagne anti-jeûne : « cette fête nous permet de nous délasser en période des moissons et prendre un peu de bon temps ». Mais la plupart des Ouighours, à la piété ombrageuse, ne partagent pas cette vision des choses, qualifiant ces festivités d’impies et de provocatrices.

Les autorités chinoises subissent un problème très réel de progression de l’intégrisme, y compris sous des formes sanglantes. Elles mènent un combat pied à pied contre ce qu’elles estiment être du fanatisme : en plusieurs districts, le port du voile pour les femmes, de longue barbe pour les hommes a été banni, et en mars, un homme de 38 ans a été condamné –après des années d’avertissements– à 6 ans de prison pour refus de se raser.
Sans vouloir établir de lien de cause à effet, on apprend cette semaine qu’une bande de Ouighours de Kashgar s’est attaquée le 22 juin –en plein ramadan– à un poste de contrôle routier près d’un commissariat, à l’aide de bombes et de couteaux – un mode opératoire fréquent au Xinjiang où le commerce des armes est très surveillé. Trois policiers ont été tués. Rapidement rejoints par la police armée, 15 assaillants ont été tués par balles.
Ce conflit ne date pas d’hier. Il n’est pas sans ressembler à celui décrit par Albert Camus dans son roman « L’étranger ». Au Xinjiang, le ressort semble le même : l’incompréhension entre gens même de bonne volonté, mais de cultures différentes, et l’absence de dialogue.

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