Editorial : La chute de la maison Zhou

Le 22 mai à Tianjin débutait dans le plus grand secret, le procès à huis-clos de Zhou Yongkang. Le verdict a été rendu public le 11 juin : Zhou écope de la perpétuité. Ce procès conclut deux années de préparatifs minutieux, après sa mise en détention à domicile. C’est que Zhou, personnage occulte, ex-superviseur de toutes les polices, siégeait encore en 2012 aux côtés de Xi Jinping au sein du Comité Permanent, l’instance suprême. Or lors de son propre procès en 2013, Bo Xilai, l’autre apparatchik condamné sous Xi Jinping, avait protesté, fait appel. Pour le procès de Zhou, le Parti voulait éviter ce genre de dérapage.Aussi le 11 juin à la CCTV, le public put voir un Zhou brisé, aux cheveux hier noirs, à présent blancs comme neige, avouer ses « fautes », et déclarer qu’il renoncerait à faire appel. 

Judiciairement, Zhou doit sa perpétuité à une quarantaine de millions de $ de bakchichs empochés par lui et sa famille. Il prend 7 ans pour « abus de pouvoir », et 4 pour révélation de « secrets d’Etat » à son mage Cao Yongzheng, surnommé « le sage du Xinjiang » qui jusqu’à 2009, disait l’avenir aux grands serviteurs de l’Etat, leur servant aussi de conseiller et directeur de conscience. Depuis, Cao s’est prudemment replié sur Hong Kong. 

Notoirement, la fortune de Zhou (entièrement confisquée) dépassait largement le niveau retenu par les juges : le « gommage » de ce patrimoine trahit le besoin de cacher au peuple l’étendue des privilèges des familles « régnantes ».
Que Xi Jinping soit déterminé à briser la corruption, ne fait nul doute, convaincu que la survie du régime passe par l’éradication du fléau. Mais dans le cas de Zhou, un autre motif apparait en filigrane du procès. La Cour Suprême reprochait récemment à Zhou et à Bo d’avoir « piétiné l’Etat de droit, saboté l’unité du Parti et participé à des activités politiques hors Parti» : d’avoir voulu empêcher Xi Jinping de prendre la succession de Hu Jintao en 2012. C’était pour le compte d’une fraction de la classe dirigeante, qui craignait les réformes méditées par Xi. Le coup avait échoué : peu après, un Zhou opportunément « frappé par l’âge de la retraite », perdait ses pouvoirs puis sa liberté.
Xi Jinping s’est donc débarrassé de ses deux adversaires. Pas par hasard, c’est quasiment le jour du procès de Zhou que démarrent les ateliers des grandes réformes (marché des capitaux, pétrole, consortia). 

Le procès de Zhou marque le retour d’une pratique disparue de longue date. Depuis Deng Xiaoping, tout cadre parvenu au rang de ministre, au-dessus des lois, était dispensé de tribunal. Le dernier procès d’un très haut personnage remontait à 1980 : Jiang Qing, femme de Mao, avait été condamnée à la prison à vie. Ce qui explique la longue latence pour faire accepter aux factions ce procès « refondateur », dont le verdict a été négocié entre factions. C’est probablement à ces palabres que Zhou doit la vie sauve. 

Y aura-t-il d’autres procès de grands « tigres » pour corruption ? On serait tenté de parier que non, en raison de la nécessité de consensus… et du trop grand nombre de candidats.
La mise en scène du procès de Zhou permet de maintenir la fiction d’un Parti uni, et de l’égalité de leurs membres devant la loi. Tout en gommant, pour l’opinion, les déchirements des factions arcboutées contre l’avènement d’une équité basée sur l’esprit d’entreprise.

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