Portrait : Chen Jining, la nouvelle étoile verte

Chen Jining, la nouvelle étoile verte

À 65 ans, atteint par la limite d’âge, Zhou Shengxian n’est pas sorti auréolé de ses 8 ans à la tête du ministère de l’Environnement. En refusant de publier les données sur la gravité de la pollution, Zhou s’était attiré le sobriquet de « ministre de la protection du secret de pollution », et en 2013 à la session de l’ANP, avait été élu le plus impopulaire ministre, en raison du record de pollution de l’air, fin janvier 2013 dans Pékin (994 PM 2,5).

Zhou est relayé par Chen Jining (陳吉寧) (cf photo), universitaire de 51 ans, plus jeune ministre du pays, et un des plus brillants. Natif de Lishu (Jilin) en 1964, il intègre Tsinghua à 17 ans, le phare universitaire, puis à 24 ans le Imperial College de Londres, où il obtient à 28 ans un doctorat en environnement (maîtrise de l’eau). 

De retour au pays en 1998, le revoilà à Tsinghua, professeur à 34 ans, n°2 à la faculté d’environnement. En 2012 à 48 ans, il est président de l’université, promu par Chen Xi (Secrétaire du Parti à Tsinghua) un ex-camarade de classe de Xi Jinping, dont il attire l’attention sur le jeune prodige. 

Chen est régulièrement sollicité lors de catastrophes environnementales, telle en 2006 lors de la pollution au benzène de la rivière Songhua par une explosion dans une raffinerie de la CNPC

En janvier 2015, il devient Secrétaire du Parti de Tsinghua – tremplin pour un poste ministériel. La nomination à la tête du ministère a surpris certains, arguant de son inexpérience en politique. 

Son parcours rappelle celle d’un autre ministre, Wan Gang, 11 ans en Allemagne (contre 10 ans à Londres pour Chen Jining), y ayant passé un doctorat en ingénierie puis dirigé chez Audi un programme de design virtuel, avant de revenir comme président de l’université Tongji (Shanghai) puis devenir ministre des Sciences et Technologies, poste qu’il occupe toujours. 

Durant son passage à Tsinghua, Chen Jining a fait considérablement avancer l’université en énergies « vertes », la dotant d’un super-laboratoire et centre d’études. Chen passe pour un homme au langage simple et direct, mais doté d’une vision forte des enjeux d’avenir. Son défi le plus fort, de ses propres mots, sera ce « conflit sans précédent entre croissance et environnement », entre l’option de ne déranger personne, quitte à se mettre à dos sa conscience et l’opinion, et celle d’agir, provoquant la colère des industriels et secrétaires provinciaux. 

Il a en tout cas démarré très fort, en apportant dès le 1er mars son soutien public à la journaliste Chai Jing et son reportage-vérité « Sous le dôme ». 

De même, à peine installé, il a convoqué les maires de Linyi (Shandong) et Chengde (Hebei) pour faire sanctionner, voire fermer des dizaines d’aciéries et cokeries non équipées de filtres, excédant les plafonds de pollution et/ou remettant des rapports d’émissions falsifiés. 

Puis en marge du Plenum de l’ANP et de la CCPPC, Chen a rencontré la presse (05/03), ce que son prédécesseur évitait studieusement, et ne mâcha pas ses mots, ce qui n’est pas courant.
Parmi ses mots d’ordre mobilisateurs, citons : « Nous souffrons tous du smog, et nous en sommes tous émetteurs… Ne restons pas témoins passifs mais réagissons ! C’est le moyen le plus court de faire revenir le ciel d’azur… Dans le passé, certains ministères ont appliqué avec douceur les lois environnementales. En fait, les ignorer était devenu un genre de normalité… Dorénavant nous poursuivrons les pollueurs illégaux et appliquerons les lois vertes avec des dents d’acier… Nous adjurons les citoyens à dénoncer tous les cas de pollution illégale qu’ils verront… et ouvrons un compte du ministère sur WeChat, à cet effet. La nation n’a pas encore déployé tout son potentiel de lutte anti-pollution, du fait de sa faible capacité en innovation technologique…».

Néanmoins, à peine 8 jours après sa nomination, Chen se faisait « taper sur les doigts » pour avoir publiquement soutenu l’émission plébiscitée par 200 millions d’internautes – le régime pris de court par l’engouement immense, l’avait fait éradiquer de la toile locale. 

Décidément, le leadership, sur l’environnement, n’est pas de mauvaise volonté – mais simplement divisé ! Est-ce à dire que Chen a été nommé pour « faire comme avant » ?

Zhang YongEnfin, il faut noter qu’en même temps que Zhou Shengxian, c’est Xie Zhenhua qui part « à la retraite », le négociateur climatique depuis 2007, connu pour ses positions pour le moins réservées sur la coopération mondiale. Il est remplacé par Zhang Yong, jusqu’alors patron de la China Food and Drug Administration (cf photo). Zhang Yong représentera la Chine fin novembre à Paris pour le COP 21. Il reste du temps à Zhang pour rencontrer ses interlocuteurs étrangers avant le sommet parisien.

En tout cas, ces deux nominations représentent l’opportunité d’une nouvelle ère.

NB : Le reportage « Sous le dôme » (穹顶之下) n’est plus accessible en Chine, mais sur YouTube, entièrement sous-titré en anglais

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