Agroalimentaire : Sans patate, point de salut

Les résultats de la céréaliculture chinoise (11 ans de récoltes en hausse, 607 millions de tonnes en 2014) ne peuvent cacher ce bilan inquiétant : la Chine ne couvre plus ses besoins en grains. Avec 25 millions de tonnes en 2014, l’importation a augmenté de 22%. En effet, la ressource en eau diminue sous la désertification et 40% des terroirs sont dégradés. Comme solution, l’Etat pense à la pomme de terre*. Le ministère de l’Agriculture prétend doubler les cultures d’ici 2020, à 100.000km² – une Hongrie. 

La Chine est déjà 1er producteur et 10ème exportateur du tubercule de Parmentier, qu’elle connaît depuis le XVIIème siècle—introduit par les marchands portugais qui le rapportaient d’Amérique Latine.
Aujourd’hui, avec fort pragmatisme, les technocrates chinois trouvent une série de vertus au « haricot de terre » (土豆). Plus énergétique que toute céréale, la patate fournit à moindre volume les calories nécessaires à la vie quotidienne, permettant d’accroitre le degré d’autosuffisance par rapport à un régime uniquement basé sur le blé et le riz. 

Contrairement au blé, au maïs et au riz qui plafonnent après 30 ans d’efforts agronomiques, la pomme de terre est un « nouveau » légume – sa productivité locale étant moindre qu’ailleurs, elle a un potentiel de meilleur rendement. Ceci offre au pays la perspective de mettre en jachère les terres les plus endommagées par les pesticides. Ou bien de les mettre en assolement triennal avec d’autres cultures, contribuant à leur convalescence. Elle est moins gourmande en eau (350mm/an) que le riz ou le blé (500 et 450mm/an). Elle est donc idéale pour le Dongbei, qui correspond précisément à cette pluviosité. D’où l’espoir pour les cadres, de ralentir l’inexorable montée de la demande agricole en irrigation, embolisant aujourd’hui 70% de la ressource. Elle exige enfin beaucoup de main d’œuvre, promesse de création d’emplois, et son rendement, à 15000¥/hectare, est le sextuple de la céréale. 

Mais il y a loin de l’assiette aux lèvres : la société chinoise n’est pas habituée à la pomme de terre, qu’elle considère toujours comme étrangère. Il faudra un effort de promotion, et de recherche « gastronomique » pour siniser ce produit de base.
D’autre part, l’Etat, considérant les céréales comme un « secteur stratégique », l’a mis sous contrôle direct, sous un lourd appareil réglementaire (stockage, subventions, prix garantis). Pour faire coexister les deux secteurs à l’avenir, devra-t-il les placer sous un même régime ? Public ou commercial ? La renaissance de la patate en Chine, dépendra peut-être de ce choix.
* Données issues de China Dialogue (cf bit.ly/15lkCu1 ) – Zhang Hongzhou, chercheur à l’université de Singapour.

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