Environnement : La Chine, prête au grand bond dans le vert

Voici revenu l’hiver chinois, temps de forte pollution, des rhumes et des migraines. Le 1er décembre s’ouvre à Lima (Pérou) le sommet COP20 de l’ ONU sur le changement climatique. La Chine y arrive prête à coopérer et désireuse de résultat. Par rapport au COP15 de Copenhague (2008), c’est un tournant à 180°. 

C’est que entretemps, elle a calculé les risques à ne rien faire, et les profits à attendre d’un succès en décarbonisation de son économie. Selon le rapport de l’Université Tsinghua « la Chine et la nouvelle économie climatique », en employant les bons outils politiques, il lui en coûterait d’ici 2030 moins de 1% du PIB pour commencer à réduire son usage du charbon, tout en gardant une croissance de PIB de 7% (en 2030) et de 4,6% par la suite. 

Pour He Jiankun, vice-Président du Comité national au changement climatique (et patron à Tsinghua du laboratoire d’économie à bas carbone), les investissements actuels dans l’environnement sont loin de suffire pour franchir d’ici 2030 ce col de la baisse carbonique, comme promis par Xi Jinping à Barack Obama dans l’accord sino-US signé ce mois-ci. Mais ce n’est pas grave car en fait, cette promesse a été faite pour imposer au pays un objectif. Désormais, des décisions techniques peuvent suivre, pour honorer l’engagement. 

Ainsi, un plan d’action est adopté (19/11), qui plafonnera en 2020 l’usage du charbon à 4,2 milliards de tonnes, contre 3,61 milliards de tonnes l’an passé, pour une hausse de 3,5% par an. 

L’effort figure déjà au 13 ème Plan (2016-2020), à l’échéance duquel la houille ne comptera plus que pour 62% du tout. Les énergies renouvelables (hydroélectricité, éolien, solaire et nucléaire) prendront le relais, de 9,8% en 2013 à 15% en 2020 et 20% en 2030, voire 26%, si le pays parvient à investir 145 milliards de $ par an dans la filière d’ici là. 

Le rapport Tsinghua confirme l’imminence d’une réforme des prix du charbon et des hydrocarbures, et un contrôle de l’usage des énergies et de l’émission de gaz à effets de serre. L’action simultanée sur tous les fronts est nécessaire, pour laisser graduellement émerger un marché des énergies propres et renouvelables où les acteurs économiques trouvent intérêt à investir dans des énergies à bas carbone. 

D’ici 2030, l’intensité carbonique (l’usage de houille nécessaire pour produire 1% de PIB) aura réduit de 58% . Teng Fei, co-auteur du rapport précise : pour gagner le pari de 2030, cette intensité carbonique devra d’ici là décliner à rythme supérieur à la croissance du PIB, et le PIB baisser à 4 ou 5%. 

Depuis le COP15 de 2009 à Copenhague, la Chine, qui défendait âprement le droit du Tiers monde à polluer comme bon lui semblait (la Chine est aujourd’hui 1er émetteur mondial avec 30% du total) a donc énormément évolué.

Xi Jinping a donné à ce revirement une raison patriotique mais raisonnable, pour soutenir une discipline supranationale contraignante afin de limiter le réchauffement climatique à 2° d’ici la fin du siècle : « la Chine ne change pas suite aux pressions extérieures, mais selon ses besoins ». Depuis 2010, le pays est entré dans une courbe exponentielle de détérioration atmosphérique. 

En 2012, le nombre de décès dus au charbon industriel a atteint 670.000, dont 350.000 par artériosclérose, 170.000 par arrêt cardiaque, 84.000 par maladie pulmonaire chronique et 65.000 par cancer des poumons. 

Sur les chances d’entente à Lima et surtout au COP21 à Paris fin 2015, les négociateurs chinois comme Su Wei ou Xie Zhenhua sont prudemment optimistes, mais sans aller jusqu’à espérer un objectif fort. C’est d’une part, que le tournant de déconstruction « idéologique » entamé par le pays, n’est pas achevé : Su Wei continue à réclamer que l’effort de décarbonisation soit surtout à charge des pays « riches ». 

Mais d’autre part, cette faible ambition dévoile la nouvelle hantise de la Chine, concernant cette négociation internationale : à présent qu’elle a pris le parti d’ « y aller », elle craint de devoir constater que les Etats-Unis ne suivent pas, et qu’elle se retrouve seule (avec l’Europe et une poignée d’autres) à s’imposer cette épreuve qui, dans un premier temps, favorisera ceux qui s’en abstiendront. 

Xie Zhenhua craint que le Parti Républicain américain, traditionnellement anti-écologique, remporte les présidentielles de 2016 et envoie à la trappe l’accord péniblement obtenu à Paris. On peut le comprendre : c’est ce qu’avait fait le Congrès il y a 20 ans, en refusant de ratifier le Protocole de Kyoto. Mais l’essentiel est ailleurs : dans la conscience du Parti au pouvoir, que son destin et celui du pays, tiennent à un ciel propre. A l’avenir, la Chine pourra user de son influence sur l’allié trans-pacifique, pour le convertir petit à petit à cet objectif.

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