La semaine passée, Xi Jinping, n°1 du PCC, concluait 18 mois de « campagne de masse » (contre les styles de vie extravagants) et précisait le thème du 4ème Plenum du Comité Central (20-23/10) : « Gouvernance selon la loi » (依法治国 yī fǎzhì guó), un concept différent de l’« Etat de droit », sur lequel la plupart des observateurs s’étaient focalisés jusqu’alors. Le message du Plenum devrait être recherché non dans « l’ouverture de la cage », mais dans le « pouvoir qu’on mettrait dans la cage ».
En marge de ces prédictions floues des fruits potentiels du Plenum, le chef de l’Etat s’est mis ces derniers mois à multiplier les références à la culture chinoise antique. Avec Confucius, il affirme que le maître tire son pouvoir de la « vertu ». Avec Mencius, il célèbre l’obéissance due aux « valeurs fondamentales ». Enfin, il cite Han Fei, le penseur de l’ère de l’Empereur Jaune, qui croit que « quand le dirigeant légal est fort, l’Etat est fort ». Toutes ces références brassent trois idées simples : l’autorité ne se partage pas, elle est basée sur la vertu, et la Chine cherche son avenir en elle-même, dans son passé, et non dans des modèles occidentaux. Tout ceci fait très maoïste. Quoique le Timonier ait milité contre Confucius. Mais Xi Jinping joue sur cette contradiction, à son profit : il surfe ici sur une nostalgie des valeurs d’avant le socialisme, pour replâtrer l’appareil autoritaire socialiste.
Par rapport aux Plenums précédents, une chose frappe : la rareté de toute « fuite », à quelques jours de l’ouverture. Les rares au courant des préparatifs sont restés muets : d’abord, par prudence face à un appareil plus nerveux qu’en d’autres temps, et par pragmatisme (on confie plus volontiers de bonnes nouvelles, que de mauvaises).
Selon diverses sources tels le Quotidien du Peuple et un rapport de la Bank of America (Merrill Lynch), le Comité Central se serait entendu sur quatre axes de réforme :
– renforcer l’indépendance des juges, vis-à-vis des pouvoirs locaux. Désormais, ils seraient payés par la province et non par la ville, et leurs les tribunaux pourraient poster tous leurs verdicts en ligne.
– une réforme foncière renforcera les droits de propriété des paysans (essentiels pour consolider leur accès au crédit hypothécaire) et leur accès au hukou (permis de résidence) urbain.
– la CCID, police du Parti, prendrait plus d’indépendance : Wang Qishan, son Président, bras droit de Xi, comprend que celle-ci se retrouve mains liées, à mesure qu’elle frappe haut. Or, pour prévenir un retour de corruption galopante, la liberté d’enquête de la CCID est incontournable.
– sous l’angle budgétaire, le Plenum veut contraindre les provinces à devenir plus transparentes et responsables de leur dettes.
Dans tout cela, l’essentiel est la réforme judiciaire : elle est une précondition à toutes les autres, notamment celle du droit du sol, de l’entrée du capital privé dans les consortia publics, et elle conditionne aussi le retour de la confiance de la population en l’administration et le Parti. Pour le reste, le Quotidien du Peuple avertit les masses de prendre patience et de ne pas « attendre des solutions immédiates à tous les problèmes ».
Quel sort réserver à Zhou Yongkang, l’ex-soutien de Bo Xilai, n°1 sur la liste des grands corrompus ? Le Plenum « tranchera ». Sa mise en examen semble inéluctable et être le point d’orgue de la campagne anticorruption. Il est temps, Xi le sait, de passer à autre chose, et de cesser un mouvement qui affaiblit et démotive l’administration, un des piliers du régime.
Pas par hasard, à la veille du Plenum, Xi a rencontré durant deux heures une assemblée d’artistes et s’est aussi exprimé sur leur métier – sur un ton inspiré du discours de Yan’An par Mao en 1942. L’artiste doit « résister à l’appel de l’argent », servir des valeurs qui sont nationales (honnêteté, compassion) et socialistes (contribuer à « dissuader les styles de vie indésirables »). Xi voudrait aussi voir disparaître les architectures « bizarres » – telle la tour de la CCTV à Pékin, œuvre du néerlandais Rem Koolhaas ou le siège de Quotidien du Peuple à Pékin, par Zhou Qi. Ces dernières années, des architectes internationaux tels Zaha Hadid ou Paul Andreu ont éclairé la physionomie des métropoles chinoises, tout en libérant la créativité de ses architectes.
L’art semble être pour Xi Jinping un exemple clair de cette gouvernance « néoconfucéenne », autoritaire qu’il souhaite appliquer à sa société durant son mandat…
La suite la semaine prochaine, pour le bilan de ce 4ème Plenum !
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