Depuis 2009, les pouvoirs publics s’efforcent de réformer l’offre de
santé. Ils étendent une couverture sociale légère à presque toute la population. Ils créent une liste de 300 médicaments à prix fixe. Ils encouragent privé et étranger à investir, et rénovent des milliers d’hôpitaux publics. Mais alors apparaît une contradiction inattendue : le pays se retrouve suréquipé mais en pénurie de docteurs. <p>La Commission nationale de Santé et de Planning familial vient d’émettre en septembre une « circulaire urgente », bannissant dans le secteur public la création de lits, de départements « 5 étoiles », et l’emprunt pour de tels projets. Elle dénonce une « hausse irrationnelle des frais médicaux » qui sape le développement des hôpitaux locaux et privés. Sur les 27.000 hôpitaux du pays, 10 comptent plus de 4000 lits—le record va à l’hôpital n°1 de l’université de Zhengzhou (Henan) avec 10.000 unités. Ces énormes centres tentent de truster le marché naissant, en s’équipant en luxe et en équipements du plus haut vol.Paradoxe : la raison de fond tient au défaut de financement de l’Etat, qui n’assume que 10% des frais de la santé publique. Les hôpitaux savent ne pouvoir compter que sur eux-mêmes. Constatant la croissance d’une demande solvable en soins de qualité, ils empruntent pour prendre leur part du marché.
Mais cet investissement dans les lits plutôt que dans la formation et les bas salaires du personnel hospitalier, font que les médecins adviennent à manquer. Ouvert en juillet, l’hôpital en JV de Cixi (Chinaco Healthcare Corp, 500 lits, investissement de 163 millions de $) ne fonctionne qu’à 20% de sa capacité. La Chine, selon la Deutsche Bank, compte 1,4 médecin pour 1000 habitants contre 2,4 aux Etats-Unis. Et à en croire l’OMS, de 2008 à 2012, le déficit a empiré de 26% dans le public, 16% dans le privé. Dans leurs cabinets, les médecins auscultent 100 à 200 patients par jour, au rythme insensé de 2 à 3 minutes par consultation.
Le grand paradoxe, à ce sujet, est que la Chine veut payer plus pour sa santé. Le marché vaudrait 600 milliards de $ d’ici 2020 selon Bain & Co, 1000 milliards de $ selon McKinsey. Autant dire que la Chine fait ici face à un sérieux problème systémique : créer des lits plutôt que former des soignants, ressemble beaucoup à la crise des universités chinoises qui, depuis 10 ans, s’endettent pour créer dortoirs et amphis, sans penser à moderniser cursus et diplômes, ni aux besoins réels de la société. La cause est la même (le défaut de financement public) et les résultats sont comparables (du volume, mais pas de qualité, et de la corruption en prime).
Sommaire N° 33