Editorial : La Chine retient son souffle

À 10 jours du 4ème Plénum du Comité Central (20-23/10), la classe politique serine des messages flous et contradictoires : l’éloge d’une démocratie « consultative » en même temps que l’interdiction à Hong Kong d’une élection libre ; ou la défense simultanée d’un retour aux valeurs « maoïstes » et une réhabilitation de celles de Confucius (que Mao souhaitait éradiquer). 

Ceci est dû à l’imminence de ce Plenum, à l’issue duquel le Président Xi Jinping et son 1er ministre Li Keqiang y promettent de longue date des décisions « de rupture », vers l’Etat de droit et une redistribution plus équitable des ressources de la nation. 

Or, telle perspective déchire la classe au sommet : les fils des leaders (高干子弟, gaoganzidi—1000 à 2000 membres d’un club très fermé, entre Parti, armée, consortia publics et provinces) s’y opposent bec et ongles, tout comme à la campagne anti-corruption

En 18 mois 162.629 emplois fictifs, 14.418 voitures de fonction ont été supprimés, 20.069 cadres punis, dont 51 de niveau « ministériel ». Les derniers sont : Gao Jianyun, du Groupe Spécial de contrôle de l’internet, et Guo Yipin, vice-maire de Luoyang (Henan), en cavale, épinglé à Changsha (Hunan) le 07/10. Mais selon un expert, la « chasse aux tigres » serait terminée (on attend toujours le procès de Zhou Yongkang, en semi-détention depuis un an). En un an de traque, les clans ont eu le temps de « bétonner » leurs alliances, pour faire échec aux inspecteurs de la CCID. L’opposition est donc très forte, et Xi Jinping doit composer. Aussi certains de ses slogans visent à les rassurer, grappiller leurs voix pour renforcer les chances de succès de sa réforme. 

Li Keqiang lui, tente de mettre en exergue le coût social de la non-réforme, dans les campagnes par exemple. Le 15/09, publiant son bilan d’une mission 6 mois plus tôt en Mongolie Intérieure, il énumère 6 obstacles à la croissance rurale : le manque de routes, eau, électricité, santé, écoles et environnement sain. Il aurait pu citer la rareté du crédit et la faiblesse du droit foncier, permettant au cadre de voler sa terre au paysan. Mais par ce constat, à la veille du Plenum, il met les « anti-ré-formistes » devant leurs responsabilités. 

Enfin, via la SARFT (tutelle du cinéma et de l’audiovisuel) qu’il dirige, Liu Yunshan, conservateur, veut contrebalancer le souffle libéral que Xi avait inspiré à la presse en septembre. La Sarft étend la censure aux sites web de diffusion libre (streaming) tel Youku, désormais forcés de solliciter une licence de cinéma ou de TV. Ces plateformes proposent un large éventail de films/séries populaires, même à l’étranger, et grignotent ainsi la part de la télévision d’Etat et du cinéma national, trop compassés et censurés. Sous 5 ans, disent les experts, le streaming chinois dépassera les revenus du box-office… 

L’heure est donc moins à la réforme qu’à la recherche d’alliances politiques et de compromis. Mais avouons le, par rapport aux envolées lyriques de changement qui caractérisaient l’arrivée aux affaires du tandem Xi-Li en 2012, l’attente des masses est retombée. La Chine, à ce stade, semble paralysée.

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