Petit Peuple : Xi’an : Liu Juyou, drogué malgré lui (1ère partie)

Centre De Detention Chine

A Xi’an (Shaanxi), par un bel après- midi de début septembre,  Liu Juyou, 26 ans, chauffeur, retournait chez son patron, quand il fut bloqué dans un embouteillage. 

Aux comportements des gens, il sentit que ce bouchon n’était pas comme les autres : tel conducteur faisait demi-tour tranquillement, tel autre la même manoeuvre, mais faisant crisser ses pneus, blanc de panique. 

Au loin, des plots récents marquaient une file d’attente. Bâton lumineux en main, un homme en uniforme, gérait le trafic. Pas de doute, c’était un contrôle de police

Liu soupira pour le temps qu’il allait perdre, mais resta calme : il n’avait rien à se reprocher, papiers et véhicule en règle. Parvenu au barrage, il constata l’objectif de la mission : détecter l’ivresse au volant, un délit lourdement réprimé au Céleste Empire.

Tous de bleu vêtus, fiers sous leurs casquettes, les préposés faisaient souffler les conducteurs dans l’embout d’un alcootest. Sur le bas-côté, 15 voitures étaient garées, aux chauffeurs clamant leur innocence, et d’autres déjà vaincus, assis, sombres et silencieux sur la banquette du véhicule de police. 

Aux yeux de Liu, tout ceci était banal. Ce qui suivit toutefois, le prit de court. L’ayant conduit derrière un camion, un policier lui tendit une fiole curieuse et complexe, lui intimant l’ordre d’uriner. 

60 secondes plus tard, tombait le coup de tonnerre, qui allait briser à jamais l’ordonnance confiante et simple de son univers : un voyant écarlate apparut. Les visages des policiers brillèrent d’excitation : « tiens, tiens, un toxico ! ». Le sous-officier lui asséna : « l’opiomanie est un délit, au volant pire encore. Mets tes poignets en avant, plus vite que ça ! ». Le malheureux chauffeur se retrouva menotté, passé du statut de bon citoyen à celui de lie de la société, sans avoir eu le temps de dire « ouf » ! 

De toute sa vie, Liu Juyou n’avait jamais goûté aux paradis artificiels. Il n’avait pas même idée de l’apparence de ces substances. Il tenta de faire valoir l’argument. Mais les agents ne firent qu’en rire : « c’est cela, répondit le préposé, et moi, je suis le Président de la République ! ».

C’est ainsi que 90 minutes plus tard, un Liu prostré se retrouva au Centre de détention provisoire de la police – un édifice anonyme, moderne, encerclé de grillages électrifiés et de miradors. Son patron était averti d’envoyer un autre chauffeur, quérir son véhicule.

Dans un hall aux murs tristes bardés de caméras et de slogans sur la loi et le service du peuple, meublé de sièges baquets vissés au sol par rangées et côte à côte, Liu côtoyait des êtres précaires. Il y avait des vagabonds aux relents de vieil alcool, de sueur et de peur ; des jeunes voleurs à la tire ; des dealers de drogue ; des joueurs de mahjong invétérés, surpris (dénoncés) à miser de l’argent… 

Après avoir pris contact avec son avocat, l’employeur l’avait rappelé, mais pour dynamiter son ultime espoir. Pour sortir, avait dit l’homme de loi, Liu n’aurait d’autre choix que de prouver son innocence – fournir une preuve qu’il n’était pour rien dans le fait de s’être trouvé sous l’emprise d’un psychotrope. En bref, il devrait se débrouiller seul. Même sa femme, en larmes au bout du fil, ne pouvait rien pour lui.

Puis vint la détention, dans une cellule de béton brut aux lits à étages. Après la fouille corporelle, on lui confisqua tous ses vêtements civils, remplacés par l’infâme uniforme. Les heures s’égrenèrent, interminables… La plupart des 9 autres pensionnaires restaient prostrés sur leur paillasse. Certains tentaient d’égayer l’atmosphère par des blagues minables ; d’autres, de masquer la déchéance en racontant leur vie ; d’autres se disputaient pour leur tour au lavabo. Sous un néon blafard, l’espace exsudait des relents fétides. Passé 20 heures, c’était l’extinction des feux –nul n’osait transgresser la règle énoncée par un garde au ton rude. 

A l’aube, tous attendaient l’ouverture de la porte blindée. Alors, ils explosaient en un brouhaha de récriminations anxieuses et protestations d’innocence. Sans sourire, le maton répliquait par l’une ou l’autre de ses deux réponses invariables : « tu t’expliqueras quand ce sera ton tour » ou bien « t’es pas ici en vacances, mais pour gémiàn xǐxīn » (革面洗心),à savoir « te réformer la face et laver le cœur » – regretter ses fautes et en baver ! 

Comment le malheureux Liu allait-il se tirer de ce mauvais pas ? Vous le saurez en lisant la suite !

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