Les 17-19 septembre, Xi Jinping se rendit en Inde, hôte de Narendra Modi, le 1er ministre nationaliste : les deux hommes d’Etat plaçaient de grands espoirs sur cette visite d’Etat, l’occasion d’un tournant.
La visite produit une moisson somme toute honorable de contrats, avec 16 accords bilatéraux signés. La Chine paiera 20 milliards de dollars pour un corridor TGV (trains, rails, gares) et une nouvelle route vers le Tibet. Elle financera deux parcs industriels au Gujarat et Maharashtra (6,8 milliards de $). Et 24 firmes chinoises commandèrent pour 3,6 milliards de produits (pharmaceutiques, agricoles…).
Mais par rapport aux espoirs initiaux, on est loin des « 100 milliards de $ » prédits. Le panier d’achats chinois ne dépasse pas les 35 milliards de dollars fermes déjà mis sur la table par le Japon. Or, un enjeu majeur de cette visite pour Xi était de démontrer à l’Inde, par ses largesses, qu’un axe commercial Delhi-Tokyo n’avait pas de sens. Il fallait aussi écarter l’axe de défense dont rêvent Inde et Japon: Pékin suggérait la chance de signer un accord frontalier calqué sur celui signé en 2004 entre Chine et Russie. Mais là non plus, rien n’arriva. Et le désaccord fut patent, au fait pour Xi et Modi de se séparer sans communiqué conjoint…
Il faut dire que le 18/09 à Delhi, une heure avant le banquet en l’honneur de Xi, on apprenait l’entrée d’un millier de soldats de l’APL au Ladakh, revendiqué par les deux pays. L’APL entendait « bâtir une route temporaire ». Sans retard, 1500 militaires indiens furent dépêchés pour leur faire face, et Modi pria Xi de les rappeler, ce que l’invité accepta. Mais le 19/09, l’APL n’avait pas quitté le site -elle y restait encore 6 jours plus tard.
Tous ces faits sont autant d’indices du fait que Xi et Modi, sincères en leur désir de rapprochement, ont été victimes d’un acte délibéré, visant l’échec. Mais qui était derrière? Côté Chine, l’APL est impliquée évidemment, mais pas forcément l’auteur. Côté politique, la Chine compte assez de hauts cadres poursuivis pour corruption, qui peuvent souhaiter barrer cette campagne dont Xi est l’auteur. Même côté indien, un analyste du renseignement soupçonne des militaires prêts à casser une amitié sino-indienne dans les langes, pour protéger leurs budgets d’achats d’armes à l’étranger : un marché dont l’Inde vient de passer n°1 mondial, devant la Chine…
De retour à Pékin, le chef de l’Etat tira les conséquences de ce blocage. Durant le week-end circula la rumeur d’une promotion de deux officiers fidèles de Xi : les généraux Liu Yuan et Zhang Youxia sont pressentis n°2 de la CMC (l’organe de direction de l’APL) et n°1 à la Commission de Discipline Militaire. Puis le 21/09, les chefs d’état-major interarmes étaient convoqués pour redresser des maillons « inefficaces de la chaine de commandement » : Xi entend « resserrer les boulons » dans son armée, la rendre fiable !
Durant cette visite insolite, un dernier incident hilarant eut lieu: sur une chaîne de TV, une speakerine présenta l’hôte de marque comme « Onze Jinping », ayant confondu son nom (Xi) avec les chiffres latins (XI). L’erreur coûta sa place à cette malchanceuse, mais avant tout, elle en dit long sur le chemin à parcourir entre ces pays, pour améliorer le degré de connaissance mutuelle, présupposée à la confiance mutuelle. Or en ce domaine, à l’évidence, le 1er pas reste à faire !
Sommaire N° 32