« Les compatriotes de toute ethnie devraient se tolérer, s’apprécier, apprendre les uns des autres, et s’unir comme les grains de la grenade »…Par ces mots très forts prononcés en mai lors d’un sommet de crise sur le Xinjiang, le Président Xi Jinping voulait promouvoir la réconciliation entre ethnies, surtout entre Ouighours et Hans.
Par ses élans poétiques, Xi annonçait une série de mesures concrètes pour rassembler des ethnies habituées depuis longtemps à mener des vies séparées. Parmi ces actions, figure une mesure inédite au Xinjiang, le
mariage mixte subventionné.
Depuis le 21 août, toute noce entre un/une Han et un/une partenaire de toute ethnie, recevra 10.000¥ par an durant 5 ans. Au Xinjiang, c’est beaucoup d’argent, le revenu moyen étant 7400¥ par an. En y ajoutant le fruit de son travail, le jeune couple mixte peut s’enrichir très vite, d’autant qu’il reçoit aussi une assurance sociale, une prime de logement, et une sérieuse allocation scolaire -gratuité de la maternelle au lycée, une bourse de 3500¥ par an au collège, puis 5600¥ par an à l’université.
Des conditions si rares et généreuses expriment au sein du pouvoir une tension proche du désespoir, pour une situation que l’expert Wang Lixiong appelle la « palestinisation » du Xinjiang, à savoir une radicalisation du conflit ethnique. Cet été, le Xinjiang a été émaillé d’incidents sanglants. Au Sud, notamment à Kuka (Aksu), des dizaines de milliers de soldats sont dépêchés, qui « bunkerisent » le terrain de miradors, zones sécurisées et contrôles routiers sans ramener la paix sociale.
Cette tentative est basée sur le constat que parmi tous les peuples de Chine, les Ouighours sont ceux qui se marient le moins hors de leur groupe (1,05%). Qiemo, au Sud du Xinjiang, 1er canton à appliquer le plan, ne compte que 54 couples mixtes pour plus de 100.000 habitants (jusqu’à 30.000 couples) – et aucun depuis le 21/08, date d’entrée en vigueur du plan.
Appliqué aussi au Tibet depuis des années, avec des incitatifs comparables, ce système a permis de passer de 666 couples mixtes en 2008, à 4795 en 2013. Mais le nombre, faible au demeurant face à la population totale, aurait tendance à stagner.
Le dernier mot revient à Woeser, poétesse tibétaine : quoiqu’elle-même mariée à un Han (à Wang Lixiong, cité plus haut), elle se dit hostile aux mariages mixtes, s’ils sont subventionnés ! En effet, surmonter les défauts d’un mariage d’argent en plus de ceux des préjugés ethniques, tient de la mission impossible…
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