L’idée d’un village vacances n’est pas nouvelle en Chine. Depuis 1949, le Centre de formation professionnelle (培训中心« péixùn zhōngxīn ») cher à Mao, héberge en toute saison les bons éléments et leurs familles aux frais du socialisme.
Mais depuis, beaucoup de ces centres ont périclité, par manque de professionnalisme et manque d’économie d’échelle—ils n’ont jamais pu concentrer l’expérience et les fonds pour décoller.
Or depuis la fin des années ’90, une bourgeoisie nouvelle émerge, assoiffée de vacances plaisantes et de loisirs. C’était le moment idéal pour voir atterrir le Club Med, en quête d’investisseurs et de nouveaux clients pour ses Gentils Organisateurs.
Aussi dès 1984, le Club Med pressentit son installation sur un site à Shenzhen (Sui Mui Sha), qui n’a pas vu le jour, avant de finalement prendre ses quartiers au Palais d’Eté à Pékin en 1986. Les événements de juin 1989 le forçaient à plier bagage.
Ce n’est que 21 ans plus tard, en 2010 que le Club signait son retour en ouvrant son 1er village de montagne à Yabuli (Heilongjiang), site d’entraînement de l’équipe chinoise de sports de glace et de neige.
Dès 2007, le groupe local Fosun (foncier, industrie, santé) rachetait 10% de son capital.
Pour Olivier Horps, CEO du groupe en Chine, l’accord avec Fosun a profité aux deux parties, le Chinois apportant, outre ses fonds, de nombreux contacts, tandis que le Club lui offrait une visibilité mondiale.
En 2013, un deuxième village « nature » ouvrait près de Guilin (Guangxi – cf photo ci-dessus). Et cet été 2014, verra l’ouverture de sa 1ère villégiature balnéaire sur l’île de Dong’Ao (cf photo ci-dessous), entre Macao et de Hong Kong.
200 000 clients chinois en 2015
Le succès en Chine est déjà significatif, les deux villages ayant en 2013 accueilli 108.000 visiteurs (+34%). En 2015, ce chiffre devrait doubler grâce à l’ouverture de Dong’Ao, auquel succédera une nouvelle adresse chaque année – y compris un village « By Club Med » de 350 chambres, à Qinhuangdao (Hebei), à 3 heures de Pékin.
Au niveau de luxe et de qualité recherché, un Club Med coûte en Chine 100 millions d’€ en moyenne, assumé par un investisseur local – le Club Med assure le management.
« Une difficulté, admet Horps, est de trouver un site, qui soit beau, propre, et appelé à le rester, en résistant aux appétits des promoteurs locaux ».
Club Med vise bien sûr, d’abord, ces 2% de Chinois les plus riches. La clientèle chinoise « périphérique » (Hong Kong, Taiwan, Singapour) est aussi une cible de choix, ainsi que de plus en plus, et à la surprise du marketing, les expatriés.
Cibler la 3ème vague de touristes
« Nos clients sont des touristes de la 3ème vague, explique O. Horps, ceux qui sont déjà passés par le tour organisé avec photo devant la tour Eiffel, puis par le voyage individuel, où l’on achète à tour de bras les sacs Hermès. Après ces initiations à l’étranger, ils sont prêts pour un séjour confortable, tout compris, dans un site protégé, en famille (65% de la clientèle du Club Med) ou entre amis dans une autre culture ».
L’avenir du Club Med risque-t-il de subir un frein, de la baisse attendue de la croissance ou de la campagne anti-corruption ?
« Pas forcément, prédit Horps, on va certes voir une baisse de croissance, mais je crois en la capacité de l’Etat à assurer une certai-ne stabilité et continuité, à amortir le choc entre la dernière vague de croissance, et la prochaine, que le régime veut désormais plus soutenable ».
Reste le tout dernier mouvement sur l’échiquier de l’avenir : l’OPA hostile engagée sur le Club par le financier Andrea Bonomi, offrant 22% de plus par action que Fosun, sur une nouvelle session de parts.
Si le Chinois ne surenchérit pas, l’Italien pourrait dynamiter l’alliance franco-chinoise du tourisme. Toutefois, c’est trop tôt pour le dire, et demeureront en tout cas les 3 à 5 villages déjà en place au Céleste Empire…
Sommaire N° 27 - Spécial Entreprises