Insolite, cette information du PLA Daily (le journal de l’armée) porte à réflexion : à la Direction générale de l’Equipement, le budget des « loisirs et équipements culturels » de l’homme du rang vient d’être doublé. Des centaines de casernes vont donc voir arriver juke-boxes, guitares, batteries, karaoké ainsi que cameras. L’objectif serait de « satisfaire les besoins spirituels et culturels de l’engagé », et « renforcer le sens de l’armée en cohésion et en capacité d’engagement ».
La nouvelle apparaît authentique, mais pourrait bien avoir été passée à la moulinette de la censure pour masquer une crise au sein de « notre nouvelle grande muraille », surnom affectueux de l’APL. Cette décision arrive au cœur d’une campagne anti-corruption, dont l’effet majeur est de libérer d’énormes budgets, jusqu’à hier détournés à des fins imprésentables. Or, l’action suscite une panique chez les cadres, qui croient judicieux de limiter toutes dépenses au strict indispensable.
De ce fait, pour relancer une économie atone, le 1er ministre Li Keqiang leur ordonne de recommencer à dépenser, sous peine d’être taxés de « passivité budgétaire », forme inédite de corruption pour se mettre en règle, l’Etat-major trouve comme moyen le plus inattaquable, d’équiper les soldats en cinémas, bibliothèques et salles de musique !
L’autre news de l’armée n’est pas moins curieuse : jusqu’à hier, lorsqu’elle recrutait, elle exigeait des candidats une musculature au-dessus de la norme. Mais depuis une semaine, elle s’intéresse aux QI et CV scolaires décents. Et elle en rabat sur ses attentes eugénistes : la taille minimum des garçons baisse de 2cm à 1,60cm, et celle des filles à 1,58cm. Ils ne doivent plus avoir une vision de faucon, 10/10. Ils peuvent même porter le tatouage, hier signe extérieur de passé carcéral ou d’esprit efféminé – sa taille ne devra toutefois pas excéder 10cm², dont pas plus de 25% visibles sous l’uniforme.
Loin d’être dû à une évolution philosophique chez les recruteurs, ce chamboulement est la conséquence directe de l’informatisation ultrarapide de l’APL, anxieuse de se doter de forces de déploiement rapide et téléportée, et de capacité de guerre éclair.
Radars, drones, hacking et télécoms de terrain consomment en permanence une matière grise, que les actuelles recrues de choix n’étaient pas à même de fournir. Tandis les petits, les bien-portants et tatoués eux, ont souvent développé les qualités, l’éveil mental, nécessaires au maintien du nouveau parc électronique. Autrement dit, à l’armée aussi vaut l’adage : « autres temps, autres mœurs ».
Sommaire N° 25