Le 25ème anniversaire de la nuit du 3-4/06 1989, où la troupe tira sur les étudiants sur la place Tian An Men, a lieu cette semaine. Ce drame modifia la perception du Parti dans la société et installa jusqu’à ce jour au pouvoir une aile conservatrice hostile à toute ouverture démocratique. Depuis, dans les écoles et les media, nul effort n’ a été épargné pour refouler ce souvenir tragique. Ce qui n’a empêché début mai, les arrestations d’une quinzaine d’artistes et intellectuels (dont l’avocat Pu Zhiqiang, la journaliste Gao Yu, le couple d’activistes Yu Shiwen et Chen Wei) qui tentaient de raviver cette mémoire.
Parallèlement, sans doute pas par hasard, les 7 membres du Comité Permanent firent une tournée d’inspection dans les provinces, pour renforcer la stricte application de la « ligne de masse » contre les « styles malsains de vie et de travail ». Ils relancèrent les diverses campagnes lancées par Xi Jinping depuis 2013 :
– la purge de la propagande, qui restait encore aux mains d’hommes de Jiang Zemin. Depuis janvier, on compterait 7 cas de limogeage et 6 suicides, parmi les patrons locaux de groupes de presse et de « centres d’information et de nouvelles ».
– la campagne anti-corruption, qui poursuit son long cours. Cette semaine tombent Huang Baodong, n°2 de Power Construction Corporation (groupe géant de l’énergie) et He Jintao, le fils de He Guoqiang, ex-patron de la police du Parti et membre du précédent Comité Permanent. Contraire à la règle, cette arrestation à un niveau si élevé, aurait été imposée par Xi en personne.
Par ailleurs, on assiste cette semaine à la 1ère sanction d’un « cadre nu », ayant fait émigrer sa famille et sa fortune en attendant de les rejoindre : Fang Xuan, vice-secrétaire à Canton, est limogé.
Cette fermeté de Xi Jinping, perçu comme « homme juste et inflexible », est payante : l’homme de la rue voit toujours plus en lui un « nouveau Mao » et se montre désormais prêt « à des sacrifices personnels, pour cet homme-là, au nom du renouveau du pays ».
– la campagne anti-pollution, où Pékin se débat avec l’énergie du désespoir. Cette année, à l’inverse des précédentes, pas question que les provinces manquent les objectifs : soit -3,9% d’usage d’énergie par point de croissance et –4% d’émissions de CO2. Or ce 1er trimestre, les chiffres sont mauvais : « 15 provinces sont en retard », dit Xu Shaoshi, patron de la NDRC.
De plus, les six bourses d’échanges des titres d’émissions de CO2 (reliquats du quota octroyé chaque année à chaque firme) ne fonctionnent pas bien : les firmes détentrices refusent de vendre et tentent d’accumuler pour faire monter les prix.
Dans ce climat tendu, on voit l’équipe de Xi Jinping tenter une démarche inattendue, voire un peu paradoxale : à ses cadres, elle prêche la tolérance et l’ouverture politique sous strict contrôle.
Le 22/05, le Quotidien du Peuple avertit contre la « stabilité à tout prix », slogan qui surgela le pays durant 10 ans sous l’ère de Hu Jintao. Quelques jours plus tôt, un autre éditorial évoquait l’impératif de combiner autorité et dialogue, surtout face à des communautés hostiles à des équipements collectifs, comme à Hangzhou en mai. C’est un appel à davantage communiquer et à moins imposer par la force : un ton nouveau.
Sommaire N° 22