Politique : Wang Qishan nettoie les écuries d’Augias du secteur public

Lancée fin juin 2013 par Xi Jinping, la campagne anti-corruption s’accélère. Wang Qishan, chef de la CCID (police du Parti), ordonnait le 19/05 à ses hommes de frapper sans faiblesse, mais d’éviter les bavures. C’est que la veille, Liu Zhanbin, Président des laboratoires Sanjing (Harbin), s’était jeté du 3ème étage d’un hôpital, pour échapper aux enquêteurs. 

La campagne entre dans une « seconde phase » : les cadres inférieurs (des villes ou des cantons) doivent se plier à des séances d’autocritiques, détecter les « dysfonctions », dénoncer. Or ces jours-ci, loin de s’essouffler, le bilan de la CCID est un rien effrayant. 

Les grands groupes sont en 1ère ligne :

– Chez China Resources (commerce), tombent le Président Song Lin, et trois de ses bras droits.
– À la CNPC (compagnie pétrolière nationale) chute Bo Qiliang, patron de la branche Kazakhstan.
– Chez State Grid, distributeur électrique et 1er groupe du pays, le PDG Liu Zhenya est aux arrêts, avec son bras droit Zhu Changlin. Du jamais vu, l’Office National des Audits y réquisitionne 1000 bureaux jusqu’à l’automne, pour éplucher les comptes. 

Dans les provinces, entre Chongqing et Shanxi, des dizaines de cadres tombent, à l’instar de Guo Youming, ex-vice gouverneur du Hubei. Et surtout, au Sichuan, Liu Han, 48 ans, milliardaire et fidèle de Zhou Yongkang, est condamné à mort (23/05 – cf photo).

Liu Han Hanlong Proces

Les agences d’Etat sont à l’orage : à l’ANE, Agence Nationale de l’Energie, 3 chefs chutent (Xu Yongsheng, Wei Pengyuan, son lieutenant et Hao Weiping, patron du nucléaire). 

Et jusqu’à la CCID elle-même, un vice-directeur, Cao Lixin, est arrêté. Il illustre ainsi la maxime latine « quis custodiat ipsos custodes ? » (« qui gardera les gardiens eux-mêmes ? »)

Roche HangzhouCôté firmes étrangères, après GSK accusé la semaine passée, c’est au tour de Roche, le géant pharmaceutique suisse, de recevoir la visite des inspecteurs (21/05).

Restructuration des groupes d’Etat

En marge du grand nettoyage, progresse la restructuration des groupes d’Etat vers plus d’autonomie et de mise en phase avec le marché, suivant la consigne du 1er ministre Li Keqiang.
La CNPC annonce une décision inouïe, conforme aux vœux de l’Etat, mais qu’aucun groupe public n’avait prise jusqu’alors : la création de Petrochina Eastern Pipelines, filiale qui regroupe ses gazo–et oléoducs, et sa mise en vente. Elle vaut 13 milliards de $, et faisait 800 millions de $ de chiffre en 2013, 10% du groupe.
Ces derniers mois, la CNPC a vu ses leaders arrêtés par dizaines : convaincus de malversation, et d’être trop proches de Zhou Yongkang, l’homme politique rival de Xi Jinping. Aujourd’hui, il est significatif de voir la CNPC, hier parmi les plus puissante, véritable tour d’ivoire, à présent fragilisée, se montrer la plus réceptive à l’appel des leaders politiques pour un changement de modèle commercial et de culture d’entreprise… 

Autre indice du remue-ménage : le départ souvent violent, limogeage ou démissions, de nombreux cadres supérieurs. De janvier au 14 mai 2014, 2743 d’entre eux passèrent à la trappe.
Pour 3 raisons :  les consortia publics, mal gérés et trop protégés, perdent de l’argent et leurs 1ers bilans trimestriels sont calamiteux ; ‚ traquant les emplois et structures inutiles, le Conseil d’Etat veut reconcentre des secteurs comme la sidérurgie ou l’énergie solaire ; ƒ pris en flagrants délits, certains cadres n’ont d’autre choix que de démissionner. 

Malgré tout, après 12 mois d’active, la campagne anti-corruption freine la consommation, érode le PIB et la confiance des cadres. En plein désarroi, les limiers chargés de traquer les corrompus, se demandent ce qu’il adviendra d’eux une fois la campagne achevée. Et leur chef, Wang Qishan, voire Xi Jinping lui-même, aimeraient en finir, tant pour réinvestir dans la confiance de l’administration, aujourd’hui mince, que pour se tourner vers une autre priorité essentielle, la défense de l’environnement

Cependant, quelque soit le secteur sur lequel ils enquêtent, ces inspecteurs découvrent des affaires trop graves, compromettant l’avenir du secteur-même : sa compétitivité, sa notoriété… Aussi, effarés par ces constats, ils n’ont d’autre choix que celui de poursuivre l’enquête, non pour tout brûler, mais pour désherber le plus gros et espérer remettre le secteur sur les rails…

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