Dès le 16 mai sur son territoire, le
gouvernement vietnamien s’est – un peu tard– démené pour refermer la boîte de Pandore des émeutes anti-chinoises qu’il venait d’ouvrir. Le 18/05, 1400 émeutiers étaient arrêtés, et à la télévision, les leaders multipliaient les appels au calme. Ceci faisait suite à l’installation par la Chine d’une plateforme de forage protégée par 86 de ses navires, à 220 km des côtes vietnamiennes. <p>Hanoi avait raison de s’inquiéter. Sans perdre un jour, par communiqués vengeurs, Pékin dictait déjà ses conditions pour surseoir à des conséquences fâcheuses : qu’Hanoi « endosse la responsabilité » (et donc, renonce à sa fronde), châtie les coupables, et défraie les firmes chinoises victimes.A défaut de cela, Pékin prendrait d’« autres mesures » : à la frontière, l’armée populaire de libération (APL), en alerte rouge, était inspectée (15/05) par le ministre de la Défense Chang Wanquan. Le rapatriement express par 5 navires spéciaux (3500 évacués) ne faisait rien pour rassurer : était-ce pour leur protection, ou bien en préliminaire à une attaque militaire de rétorsion ?
Énigme : lors des émeutes, sur 351 usines endommagées dans le Binh Duong (épicentre des violences, au sud du pays), seules 4% seraient chinoises, et les plus fortes violences auraient touché celles de Taiwan, Singapour, Hong Kong et… Vietnam. Simple confusion? Pas vraiment, pensent certains. En fait, il y aurait eu de actes de vengeance contre tous ces patrons du Sud-Est asiatique, notoirement durs envers le personnel.
Heureuse surprise, les déprédations et départs en catastrophe ont été moins lourds qu’on eût pu craindre : seuls 10% environ des expatriés ont pris la fuite. Cette « casse plus légère » a permis en quatre jours, à 80% des 326 usines frappées en deux parcs du Sud, de reprendre le travail. De même, l’attractivité du Vietnam comme base d’investissement n’est pas mise en cause : la quasi-totalité des employeurs disent vouloir rester, pour cette main d’œuvre éduquée et ces bas salaires.
Fait remarquable, dans un discours public, le Président Xi Jinping, déclarait déjà le 15 mai que « dans le sang chinois ne se trouve pas d’ADN de l’agression ». Dès le 17/05, au Sommet de l’APEC à Qingdao, les ministres du Commerce tentaient de s’expliquer. Puis à Shanghai le 20 mai, au Sommet CICA de Sécurité et de Coopération, le vice-Président vietnamien Nguyen Thi Doan défendait son pays.
Un conflit immédiat semble donc évité, mais rien n’est réglé. La Chine ne négociera pas et ne retirera pas sa plateforme. Dans sa longue marche de grignotage de la mer de Chine, elle vient de gagner une bataille peut-être décisive. Le Vietnam envisage désormais de suivre l’exemple des Philippines : d’attaquer la Chine en justice. Réponse bien faible, mais la seule à sa portée…
Pour autant, dans la région, le bond en avant de Pékin fait réfléchir : Tokyo annonce, d’ici 2018, l’installation de garnisons de 350 hommes sur 3 îlots proches des îles Diaoyu-Senkaku, que la Chine revendique aussi. Pendant ce temps, les Etats-Unis, puissance militaire mondiale, restent silencieux : probablement déterminés, tant qu’ils le peuvent, à ne pas se laisser entraîner dans un conflit qui n’est pas le leur…
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