Défense : Cinq espions chinois, « wanted » à Washington

Lundi 20 mai, sur son site internet, le FBI publiait les portraits de 5 « criminels poursuivis » : 5 officiers de l’armée chinoise (APL), membres de l’« unité 61398 » à Shanghai, étaient accusés d’avoir dérobé des secrets d’affaires à des firmes ou entités américaines, dont US-Steel, Solar-World ou Alcoa. 

À la télévision, le Procureur Général E. Holder enfonçait le clou (19/05) : depuis des années, en dépit d’avertissements répétés, l’APL avait poursuivi ce travail de taupe cybernétique. Dans chaque cas, disait-il, les vols étaient ciblés, soit en rétorsion politique (de sidérurgistes par exemple, trop actifs dans leur lobbying contre la Chine à l’OMC), soit pour favoriser leurs concurrents chinois

Ainsi chez Westinghouse qui bâtit en Chine 4 centrales nucléaires AP1000 de 3ème génération, des procédés avaient été copiés, avec des stratégies pour prévenir leur revente à des pays tiers. Consistant à brancher un projecteur moral sur ces cinq hommes de l’ombre, et mettre au pilori des militaires au service de leur pays, la méthode du FBI était sans précédent. 

Des allégations « fabriquées »

Pékin réagit avec « fureur », mais comme toujours en diplomatie chinoise, cette attitude ostentatoire, « théâtrale » suggère qu’elle était préparée : les rétorsions en particulier, sont notoirement coordonnées entre ministères, sur chaque dossier et pour chaque pays. L’ambassadeur américain M. Baucus fut convoqué pour un énergique démenti : les allégations étaient « fabriquées » ! On vit même, à Shanghai en marge du Forum CICA de sécurité internationale, les Présidents V. Poutine et Xi Jinping annoncer une coopération spéciale pour créer un code de conduite de l’internet, « afin de protéger la souveraineté des Etats et l’inviolable intimité des vies privées ». 

Puis immédiatement, les rétorsions apparurent, sans liens avoués mais toutes prêtes, rappelant la technique déployée en 2012-2013 contre l’Union Européenne : après la frappe européenne contre les panneaux solaires chinois, une enquête anti-dumping chinoises sur les vins suivit, refermée une fois trouvé l’accord à l’amiable sur les équipements photovoltaïques… 

Pékin lance des rétorsions

Après l’inculpation des chefs de l’« unité 61398 » (cf photo), Pékin annonça donc l’interdiction sine die du nouveau système d’exploitation Windows 8 de Microsoft, sous prétexte dilatoire (le groupe cesse son assistance en ligne pour son vieux programme XP) ; et pour 8 autres AP1000 en discussion, les palabres sont gelées pour Westinghouse – 24 milliards de ¥ de contrat, et des milliers d’emplois sont menacés. 

Pla Unit 61398

A toute cette péripétie, il y a bien sûr l’envers du décor. Les révélations faites par E. Snowden 2013, qui démontait la pieuvre de l’espionnage américain à travers le monde (y compris en Chine, et chez des alliés européens), privent les Etats-Unis du droit à jouer les gendarmes moraux, sur l’espionnage. 

Vue sous cet angle, l’action du FBI ressemble plutôt à une tentative de sortie d’une forteresse assiégée. Tentant de retourner le projecteur sur l’empire du Milieu, l’administration fédérale faisait un distinguo subtil, sinon convaincant, entre celui qui fait du renseignement politique ou militaire, et celui qui vole des secrets industriels

Il n’empêche : par son inculpation de 5 officiers chinois, le FBI lance les deux pays dans une nouvelle crise. À Washington, l’administration en est si consciente, qu’elle a pris soin de préciser que le Président Obama n’était « pas impliqué » (donc, pas au courant) de ce brûlot aux conséquences si imprévisibles !  

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