Editorial : Un endettement fort, mais pas fatal

Le lecteur sera peut-être surpris par le sujet sérieux de notre dernier éditorial de l’année : la dette – celle du niveau central, des provinces, et celle privée. Pourtant, un tel choix est dicté par la nécessité, car de cette dette dépendra l’an prochain tout le reste : la capacité chinoise aux concessions, tant concernant le changement climatique, que l’apaisement de la crise avec le Japon, des avancées sur les pensions, les droits des travailleurs, etc…

Quel est l’endettement réel la Chine ? C’est un secret d’Etat. Lancé l’été 2013, un audit des finances publiques devait être publié en octobre – mais l’Etat a « oublié » de le faire –ce qui n’est pas bonne nouvelle. 

La dette des provinces est très lourde (entre 9.700 et 20.000 milliards $) En obligations, les firmes devront rendre 2600 milliards de ¥ (427 milliards de $) en 2014 (+19%). Et il y a surtout les produits de gestion de fortunes (WMPs), qui explosent, pour atteindre 10.000 milliards de ¥ à repayer – ces produits servent à prêter aux provinces et aux firmes (privées et publiques), se substituant aux crédits propres des banques en voie de « désertification ». 

Cette boule de neige de dettes fut initiée en 2008 par Wen Jiabao, le 1er ministre de l’époque, pour protéger la Chine de la crise mondiale. Une fois grillés dans des projets d’investissement, une bonne part de ces crédits passés dans des poches privées, repartirent dans des WMPs, d’un bien meilleur profit que les banques et la bourse – firmes et provinces contournant par ce biais les consignes d’austérité de Pékin. C’est d’ailleurs pour cela que l’Etat annonçait (cf. VdlC n°39) un plan de restriction du crédit interbanques, plateforme d’échanges hors contrôle de ces WMPs.

Mais aujourd’hui après 5 ans de vaches maigres, cette finance grise entre dans la zone dangereuse, celle où les défauts d’ emprunteurs risquent de se multiplier. Selon Guosen Securities, sur une moyenne de 10 ans, les firmes chinoises ont un taux d’endettement de 93% de leurs actifs, contre 70% dans le reste de l’Asie. Or, la conjoncture mondiale ne permet pas à ces firmes de rembourser leurs dettes…
Elles doivent donc s’endetter toujours plus –et à taux toujours plus élevé. Face à ce cercle vicieux, l’Etat a réagi avec vivacité par une batterie de mesures :
– « laisser faire le marché » – ne plus secourir les firmes (PME) en faillite en 2014,
– « noter les provinces selon leur dette » – lors de la promotion de leurs leaders,
– ouvrir dès janvier un fonds d’assurance bancaire financé par 0,015 à 0,02% des profits pour garantir 500.000¥ par compte d’ entreprise ou individuel, en cas de crash,
rouvrir la bourse après 18 mois de hiatus : 11 milliards de $ en capitalisations nouvelles, pour ranimer la demande,
– le 12/12, les 5 grandes banques ont écoulé 19 milliards ¥ (3,1 milliards de $) de « certificats de dépôt négociables » au taux d’intérêt fixé par la loi de l’offre et de la demande : d’un titre minimal de 50.000¥, ils obtinrent des taux dépassant 5%, faisant exploser le taux officiel actuel de 3,3%. C’est une accélération manifeste de la libération des taux, vers la convertibilité.
réformer la taxation en faveur des provinces, qui supportent 85% des dépenses publiques et ne recevant que 50% des recettes. L’Etat devrait renforcer ses financements dans la justice (lui donner les moyens de résister aux pressions locales), l’environnement et les infrastructures interprovinciaux, la sécurité des aliments…

L’idée est claire : tolérer des faillites isolées, éveiller firmes et provinces à la nouvelle gouvernance, prévenir ainsi tout éclatement de bulle. Si Pékin réussit ce pari, ce sera la dernière entaille (mais non l’ultime) au principe de l’économie d’Etat. 

Par bonheur, la Chine a aussi de bonnes nouvelles. Guotai (3ème courtier boursier) voit le PIB, après avoir crû de 7,6% en 2013, se maintenir à 7,3% en 2014. L’export reprend, à +12,7% en novembre. D’après Liu Ligang, chef économiste à Australia & New Zealand Banking, le surplus commercial de 2013 ferait 240 milliards $, meilleur chiffre depuis 2008. Indice que si l’heure est à la consolidation, elle n’est pas à la panique : patiente mais fidèle, la reprise attend derrière.

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