– A
Il commanda 200.000 tonnes par an de latex et 2 millions de tonnes de riz, négocia une future exemption mutuelle de visas et un renforcement du rôle du yuan.
Cela montre bien le caractère quasi-stratégique pour Pékin, du pays de Siam, cœur de l’Indochine. La Thaïlande n’est riveraine ni de mer de Chine, ni de Chine, ce qui leur évite tout conflit territorial. Elle est aussi plus riche que la plupart de ses voisins, solvable pour acheter davantage d’équipements.
Les 2 millions de tonnes de riz furent commandés en deux temps : la moitié de la commande en fin de visite, avec les 200.000 t de latex. Pas par hasard : Bangkok s’apprête à renouveler son parc ferroviaire et vient de publier un plan d’équipements ambitieux à 70 milliards de $. Or un consortium chinois rivalise avec un japonais pour 4 lignes TGV, dont Bangkok-Chiangmai (680 km) et Bangkok-Nong Khai (450 km). Pékin voit d’ailleurs beaucoup plus loin, préparant 3 lignes TGV trans-asiatiques, dont celle centrale qui parcourra 3000 km en 24h, de Kunming à Singapour. Or, la Chine remporte ces dernières années de nombreux contrats à travers le monde sur base « infrastructures contre matières 1ères ». Avec Bangkok, elle discute à présent de fourniture de ce réseau TGV, au moins partiellement payé en riz et latex. Ce serait la plus grosse affaire de Barter de l’histoire, dépassant les 10 milliards $ : les commandes présentes de caoutchouc et de riz préfigurent ces remboursements en nature !
– Les choses se présentèrent de façon moins souriante avec le Vietnam, en conflit latent avec la Chine pour la mer de Chine, qui s’en méfie notoirement, et avec qui les échanges stagnent pour cette raison la Chine n’est que son 12ème partenaire avec « seulement » 41,2 milliards$ de commerce bilatéral en 2012.
Pour aggraver les choses, sur ce trafic, Hanoï déplore 16,4 milliards$ de déficit, et reproche à la Chine sa force de frappe industrielle. Aussi, pour Li Keqiang, dérider son hôte et homologue Nguyen Tan Dung n’était pas mince affaire.
Mais quand il repartit, ses résultats étaient loin d’être insignifiants. Déterminés à atteindre un nouveau palier de synergie, Li et Nguyen ont formé un groupe de travail sur la mer de Chine. On sent l’assouplissement d’une Chine réalisant son risque d’être isolée par sa propre intransigeance maritime, et par une alliance « en tenaille » ourdie par les USA, de défense, et de commerce (avec un accord économique TPP dont la Chine serait absente).
Deux autres groupes prépareront des décisions d’équipement et de financement du Vietnam. Une zone industrielle mitoyenne, des bureaux de promotion commerciale sont convenus, ainsi qu’un téléphone rouge d’alerte. CPI et Southern Grid vont bâtir avec Vinacoal une centrale électrique à 2 milliards de $ au centre du pays. Les deux leaders veulent faire passer le trafic bilatéral à 60 milliards de $ en 2 ans, puis à 100 milliards, d’ici 2017.
Des rêves ? Pas forcément. Le 15/10, le Conseil d’Etat annonçait un plan de redéploiement de filières (verre, ciment…) en surcapacité – la délocalisation d’usines non rentables. La destination idéale serait le Vietnam. De la sorte, Li Keqiang réaliserait trois coups en un : assainir son parc industriel, faire du Vietnam un marché (hinterland) chinois… et isoler – punir davantage les Philippines, coupables aux yeux chinois d’avoir déposé plainte contre elle auprès du tribunal de l’ONU pour son occupation de l’atoll Scarborough, non loin de leur propres rives de Palawan…
Sommaire N° 33