Argent : Conjoncture : légère brise dans les voiles, mais l’orage menace…

Dans la conjoncture chinoise de rentrée, les indicateurs suggèrent une relance (mince) en août, succédant à la quasi panique de juin où le crédit avait implosé. Les services ont repris avec un index PMI à 53,9, traduisant l’accélération des commandes. Les usines ont remonté de 47,7 en juillet, à 50,1 en août (indice de hausse du marché local). L’export reprend (+7%), dégageant un surplus commercial de 28,6 milliards $. Même le panneau solaire s’apprête à redevenir rentable : Trina (Changzhou), exportera 100% de sa production en 2013. 

Au 1er semestre, le revenu des firmes chinoises, selon Nomura, a progressé de 12,5% (score médiocre), mais le profit lui, a remonté à +16,9% (2,6% de mieux qu’en 2012). L’inflation baisse à 2,6% et devrait atteindre l’objectif annuel de 3,5%. Pour CLSA tout cela suggère la reprise, après avoir touché le fond. Ce qui permet à Li Keqiang d’affirmer que « les conditions sont réunies pour atteindre les objectifs » (une croissance de 7,5%), et à Xi Jinping, que la récession des 18 derniers mois « avait été prévue et ordonnée, pour se donner les moyens de résoudre des problèmes fondamentaux ». 

Mais il y a l’envers de la médaille : en août, le crédit est estimé à 1 570  milliards de ¥, contre une moyenne de 1000  millairds de ¥ aux trois mois précédents. Dont 294 milliards de ¥ ont été prêtés par le crédit gris (c’est un record), surtout aux villes. Discrètement, les freins sur l’immobilier, forte source de financement des villes, ont été allégés : à Pékin, une parcelle de 28.000m² vient de se vendre 73.000¥/m², un record.

Sans le dire, le Conseil d’Etat a aussi réalisé un mini-stimulus : en allégeant les taxes des PME, les garanties bancaires à l’export, et en relançant les projets d’infrastructures. La ville de Pékin poursuit son programme de métro, et étoffera le réseau de 50% en 3 ans après l’avoir porté en 10 ans à 17 lignes et 456 km. 

Mais où en est la dette ? L’emprunt des provinces est évalué à 15.000 milliards de $. L’endettement national serait de 140% du PIB ce qui est lourd face aux 90% du Brésil et 75% de l’Inde. Les mauvaises dettes seraient au minimum 10% du capital des onze plus grandes banques, signifiant un « trou » de 500 milliards $, voire bien plus (si les mauvaises dettes atteignent 15%, le système bancaire chinois serait techniquement insolvable). 

Pour assainir (par recapitalisation, et libération des taux d’intérêts), la tâche sera rude. En 2006, lors d’un premier dépannage des banques, l’Etat avait ouvert à l’étranger, qui avait épongé 18% des actifs faillis. Mais cette fois, il semble vouloir se passer d’elles et maintient les investissements faillis, à des prix sciemment découplés de la réalité. 

Au contraire, on voit une banque de Tianjin-Binhai tester en juillet une émission de bons, mixant crédit failli et projets neufs, et visant l’épargne locale : une technique risquée, qui rappelle les « subprimes » américains… . Aussi, l’on comprend que la Bank of America vienne de se débarrasser de ses dernières parts de la CCB (pour 1,5 milliard de $), avec 3,9% de perte (03/09).

Une fois la finance chinoise remise sur pied, le pire restera à venir. Il s’agira d’élaguer de l’économie les investissements redondants en tous secteurs, de l’acier au ciment, de l’auto aux éoliennes… C’est une autre écurie d’Augias à nettoyer, pour que cette économie devienne enfin durable. Ces incroyables défis rendent pensif Zhang Zhiwei, chef économiste chez Nomura : « difficile de trouver des raisons d’être optimistes. On voit mal comment cette croissance là pourra se maintenir ».

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