Monde de l'entreprise : Frappes sur le lait, laboratoires et Tetra Pak : contre l’étranger ou pour la concurrence ?

Quels points communs en Chine entre les industries laitière, pharmaceutique (cf photo d’une pharmacie à Hefei, Anhui) et Tetra Pak, le géant de l’emballage ? Réponse : elles sont toutes liées au secteur de la santé, sont dominées par de grands groupes, et (au 02/07) sont sous enquêtes administratives comme le pays n’en a jamais connu. C’est la première fois que les inspecteurs s’intéressent non pas à la qualité des produits mais aux pratiques commerciales. 

Côté lait, tous les ténors étrangers du lait maternisé (Nestlé, Danone, Abbott...) sont contrôlés, en même temps que Beingmate (Zhejiang) et Biostime (Canton) – lequel vient d’acheter 20% de parts de la coopérative d’Isigny (France) lui commandant une usine en Normandie (100 emplois) pour presque tripler sa production et le fournir en lait infantile. Ces groupes sont « vérifiés » mais non accusés. Pour comprendre, il faut se rappeler le terrible scandale du lait à la mélamine de 2008. Depuis, la confiance de la population envers le « made in China, by China » est au plus bas, et l’étranger a doublé sa part de ce marché, à 60%. 

La tendance s’accélère : de janvier à avril, l’import atteignit 60.000 tonnes (+164%). Or, depuis 2008, les prix (en importé) ont augmenté de 30%, faisant peser sur le panier de la ménagère un coût de moins en moins supportable. Pékin a donc « émis le souhait » de voir ces prix allégés. Vœu instantanément exaucé : toutes les marques concernées baissèrent « volontairement » leur prix du lait en poudre de 5 à 20%. 

D’autre part, Li Keqiang veut porter à 5 hectares la taille des fermes familiales (par redistribution des terres des migrants). Il veut aussi extraire du circuit 25 à 35 des 127 groupes laitiers. Aussi cette frappe nous apparait comme moins dirigée contre l’étranger que contre la tranche des producteurs qui contrôlent 60% du marché. Et Pékin pourrait bien poursuivre sa campagne auprès de tous les autres acteurs, dans le cadre de la restructuration annoncée.

Côté laboratoires, 60 firmes locales et étrangères sont sur le grill, soupçonnées de corrompre les médecins et les cadres, afin de faire prescrire leurs médicaments et faire vendre par l’hôpital à prix très élevé. Un groupe risque plus gros que d’autres : GlaxoSmithKline (Grande Bretagne) qui a été dénoncé, et dont des responsables à Changsha (Hunan) viennent d’avouer (11/07) une fraude généralisée. 

Côté Tetra Pak, une enquête est ouverte pour abus de position dominante. Il est accusé, lui aussi, de collusion avec ses clients et les cadres : peut-être pour conserver ses marchés face à une concurrence locale « clone » qui se développe à la vitesse de l’éclair… On en saura plus, plus tard.
Signalons enfin que des ententes avaient été déjà réprimées début 2013, entre producteurs de panneaux solaires vendus en Chine, et producteurs d’alcool (entente Moutai-Wuliangye) – indice que cette campagne, loin d’être purement anti-étrangère, est une manœuvre préliminaire du grand plan de Li Keqiang pour combattre la vie chère. 

Dans ces trois secteurs, il s’agit d’établir (peut-être pour la première fois) une vraie concurrence au plan national et ainsi, de baisser les prix au profit du consommateur. Il s’agit aussi de moraliser les rapports entre producteur, distributeur et revendeur – une condition essentielle au succès de la réforme de la santé, dans les hôpitaux comme sur les marchés. Notons qu’il s’agit là d’un pas important vers la création d’un marché intérieur.

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