La Chine déploie ses ailes dans le génie civil international. Les trois projets qui suivent ont en commun de brasser des milliards de dollars, destinés à des foules massives d’usagers chinois, et quoique très loin du pays, d’assumer la grande majorité des frais et risques. En Biélorussie près de Minsk, sous la baguette du dictateur A. Lukashenko, une JV entre CNMIC et le pouvoir local va construire en 17 ans une ville de 155.000 habitants, reliée à Berlin et Moscou par autoroute et à Minsk par train rapide, éclairée et chauffée par une centrale nucléaire russe (8 à 10 GW). Minsk offre 20 ans de grâce d’impôt totale ou partielle. Les 5 milliards de $ budgétés sont assurés par des banques chinoises dont ExImbank et CDB -banques « politiques » de l’Etat chinois. Les taux d’intérêts sont bas. Seule condition: 50% des matériaux, de l’outillage et des maçons devront venir de Chine. Le choix du projet s’explique par sa localisation à 250 km de Pologne et de Lituanie, avec libre accès aux marchés russe et kazakh. Les employés seront alphabétisés à 99,6%, et payés 560$ par mois, moitié du salaire polonais. Il s’agit de créer une base productive chinoise aux portes de l’UE, pour en contourner la muraille de quotas, contingents et taxes en train de s’ériger à la frontière.
A Londres pendant ce temps, le groupe chinois ABP redéveloppe, avec son homologue britannique Stanhope, la zone industrielle désuète de Royal Albert Dock : 14 hectares de bassins et ateliers faillis qui deviendront les bureaux, logements et surfaces commerciales de la 3ème zone d’affaires de la capitale, proche de l’aéroport, sur le tracé d’une ligne de RER Est-Ouest d’ici 2018. Le chantier coûtera 1,5 milliard de $, dont 30% à charge d’ABP. Les promoteurs ne se cachent pas de vouloir faire une ville dans la ville, fonctionnant sous le fuseau horaire de Pékin, pour attirer les grands groupes asiatiques. Mis à part 20.000 emplois créés, les riverains n’auront rien du nouvel espace. Les prix seront exorbitants, mais une formule spéciale, prisée en Asie, devrait donner au parc un atout maître : les lots d’apparts, étages de bureaux seront vendus, et non loués, pour une durée de 175 ans.
Enfin au Nicaragua, une mystérieuse HK Nicaragua Canal Development Invest Co vient de recevoir pour deux fois 50 ans la concession d’un canal qui forera l’isthme entre les Amériques sur 286 km (cf photo). Avec 22m de fond et 20m de large, il recevra des navires de 250 000TJB, soit plus du double de la capacité du canal de Panama même après ses travaux d’agrandissement à 5,2 milliards de $. Ce nouvel ouvrage coûtera 40 milliards de $, entièrement à charge chinoise, même si le Nicaragua conserve théoriquement la majorité de la JV, à 51%. Le projet comporte aussi une ligne ferrée, un oléoduc, deux ports en eaux profonde, deux aéroports et un « collier de perles » de zones industrielles hors taxe.
Un tel projet va renforcer le pouvoir maritime chinois dans la zone et affaiblir l’américain. L’opacité du projet cache l’implication complète de l’Etat chinois. Seul risque, (immense il est vrai) : ce rêve très ancien n’a jusqu’à présent pas été réalisé, en raison de la fragilité tectonique et volcanique de cette région – les environnementalistes crient au désastre. Mais c’est la conception chinoise du risque !
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Jean
17 juin 2013 à 06:20Le faucheux chinois étend ses pattes dans la toile de ses investissements stratégiques. Prions qu’il ne se révèle pas mygale.