Du 7 au 9 juin, tel un mouvement d’horloge, 9,12 millions de lycéens entraient dans 310.000 salles de classe, pour plancher sur l’examen le plus important de leur existence: le gaokao (高考), concours d’entrée aux universités. Ils y resteraient 9h, entre QCM, dissertations, épreuves de maths, chinois, anglais et sciences. Comme chaque année, un intense magma de folklore et de rites avait précédé : passage des parents dans églises et temples (avec encens et aumône), repas de nourriture cervicale au restaurant, remèdes pour la mémoire, massages, réservation d’hôtels à proximité du centre d’examen… Le portail Taobao offrait en vente 870.000 articles auspicieux, t-shirts, porte-bonheur et autres gadgets. Rarement, comme à Chongqing, des taxis attendris offraient leur service gratuitement.
Hélas, pas d’examen national sans fraude. Cette année, le ministère avait pris les devants avec sévérité contre la triche électronique, où un complice, hors de la salle, reçoit les questions et y émet les réponses, par radio/internet, contre un pont d’or. A Jilin, où la ruse avait été très forte en 2012, la fouille écartait tout objet métallique, y compris les soutien-gorge s’ils contenaient des baleines en fer ! A Jincheng et Linfen (Shanxi), des signaux détectés furent brouillés, et le gaillard émetteur, pris la main dans le sac.
Pas non plus de gaokao, sans drame : tel cet étudiant égorgé (heureusement sauvé) à la sortie de l’examen. Il fut plus chanceux que cette lycéenne, à Dingzhou (Hebei), courant sous des trombes d’eau vers son épreuve, qui tomba dans une bouche d’égout laissée ouverte, pour réapparaître noyée à 3 km de là, à une autre sortie d’égout.
Comme chaque année, les sujets apparaissent souvent modernes, originaux, créatifs, parfois même un tantinet persifleurs. Comme ce sujet de maths à Pékin, proposant d’évaluer les chances statistiques d’arriver à Pékin dans une atmosphère de bonne qualité. Un autre sujet, philosophe, proposait de méditer sur la réaction qu’aurait Edison, l’inventeur du téléphone, revenant sur Terre, à découvrir dans le métro, tous les passagers armés d’un téléphone portable.
Un très timide progrès social a permis à 4.500 migrants de passer l’examen, non dans leur ville d’origine – qu’ils ne connaissent le plus souvent pas – mais dans celle où ils vivent.
Enfin, on a encore assisté cette année au recul du nombre de candidats. La session 2013 en compte 30.000 de moins que le cru 2012. Par rapport au pic de 2008, le gaokao 2013 engrange 1,38 million de participants de moins. A Pékin, ils n’étaient que 72.736, comparé aux 126.000 candidats de 2006.
Ces chiffres en baisse s’expliquent par un pic de natalité déjà franchi—une société qui s’apprête à diminuer sous l’effet de 40 ans de planning familial sans faiblesse. Une autre raison est clairement la désaffection d’un système trop rigide, qui garde une foi aveugle dans la valeur du ba- chotage et se méfie de la créativité. Selon le ministère de l’Education, 400.000 jeunes étudient à l’étranger en 2013, soit +23% pour les étudiants et +31% pour les lycéens – dont 380.000, à leurs propres frais. Selon cette mère de famille ayant bloqué 1 million de ¥ pour l’écolage de son fils hors frontières, « c’est le prix d’un appartement en ville. Les Chinois s’enrichissent et l’éducation de nos enfants reste pour nous la valeur suprême ! ». En fin de compte, c’est cette évolution là qui devrait faire bouger les choses. Tout cela rend la réforme urgente —inéluctable.
Sommaire N° 21