Comme chaque année à
Pyongyang, la fièvre se déclara mi-mars, à la veille des manœuvres mixtes USA-Corée du Sud. Après un crescendo de semonces verbales, Kim Jong-un (cf photo – petit-fils de Kim Il-sung) coupa le téléphone rouge avec Séoul, se déclara (31/03) en « état de guerre », menaça la Corée du Sud et les USA de frappes atomiques.Puis (02/04), il annonça la relance de la filière nucléaire, y compris celle du réacteur de Yongbyon, fermé en 2007.
Enfin le 03/04, il fermait sa dernière porte avec le monde, la zone industrielle mixte de Gaesong, avec 600 cadres sudistes à l’intérieur. Avions, chars, unités terrestres bougeaient constamment, et un missile de portée intermédiaire était déplacé vers la côte Est, probablement pas nucléaire faute de disposer déjà de la miniaturisation nécessaire.
Tout ce battage a pour but de dorer l’image de chef de guerre de Kim Jong-un, garçon grassouillet de 29 ans, à la tête du bateau ivre nordiste depuis 2011. Il s’agit aussi de distraire de ses misères un peuple sur nourri d’idéologie mais affamé de riz, et humilié des succès du Sud.
Vieillotte, étranglée par une armée surdimensionnée (1 million de recrues pour 24 millions habitants), son économie ne « pèse » que 2,5% de celle du Sud. A ce qui semble, ses soldats sur le terrain se nourrissent des rations du Programme Alimentaire Mondial (PAM), qui avaient été livrées à destination de millions de femmes et d’enfants en bas âge.
L’état-major américain garde son calme, mais a renforcé cette année ses défenses, faisant voler des B-52 sur la ligne de démarcation, suivis de B-2, puis d’avions furtifs F-22, et déployant divers systèmes radars (Aegeis) et d’interception de missiles (Thaad) pour protéger l’allié sud-Coréen, ainsi que Guam et Hawaï, ses deux territoires théoriquement vulnérables. Ces moyens ont été renforcés, car en 2010, Pyongyang ne s’était pas contenté de menacer, mais avait aussi torpillé une corvette de la Corée du Sud, tuant 56 marins et quelques mois plus tard, avait bombardé une île sudiste-4 autres décès. Aussi, la Présidente sudiste Park Geun-hye, sur un ton glacial, avertit d’une « réponse forte à la moindre provocation ».
Et la Chine ? Son attitude est confuse, signe de conflit interne.
L’Armée populaire de libération (APL) en reste au dogme d’une Corée divisée et veut garder comme zone tampon à son nord cette friche industrielle et politique : empêcher les autres de la pacifier, réconcilier et enrichir. Mais de leur côté, excédés de voir le petit voisin « mordre la main qui le nourrit », le pouvoir politique et l’opinion, de plus en plus, pensent autrement. Pékin a commencé à réduire ses livraisons de blé et de pétrole, cordon ombilical de la Corée du Nord.
En février, Deng Yuwen, éditorialiste officiel, avait accepté de publier un article au Financial Times, proposant de « lâcher la Corée du Nord ». Le monde entier avait cru qu’il reflétait les vues du pouvoir, mais peu après, l’homme intrépide fut puni d’un mois d’interdiction de publier, suite aux protestations des militaires.
Toujours est-il qu’à la frontière, l’APL est en alerte maximale. Et, prédit le professeur Zhu Feng (Beida), si Pyongyang agresse, même si Washington et Séoul n’opposent aucune contre-attaque, Xi Jinping pourrait devoir procéder à un « ajustement » dans cette alliance fusionnelle vieille de 60 ans, où se mêlent les 1ers pas de la République populaire.
Sommaire N° 13