24 mois, c’est ce qu’il a fallu à l’Académie du planning environnemental(sous l’égide du ministère de l’
Environnement) pour révéler son « PIB vert », évaluant les coûts de la pollution en 2010. Un relevé établi tous les ans depuis 2004, mais publié seulement trois fois, vu la réticence des pouvoirs locaux à laisser voir la face cachée de leur faramineuse croissance.Lisant ces chiffres, on comprend qu’elle ait attendu que le nouveau pouvoir soit en place, que tous les cadres aient reçu leur promotion. En 2010 selon cette enquête parcellaire (certaines provinces n’ayant pas coopéré), les coûts de pollution, atteignaient 1100 milliards de ¥, 2,5% du PIB, et 3,5% en ajoutant les dommages à l’écosystème. Depuis 2004, ces pertes ont plus que doublé (x 2,15), croissant plus vite que le PIB (13,7%, contre 10,4%), et encore, ces pertes ne comptabilisent pas les coûts de santé ou en mortalité : 4,3% selon la Banque Mondiale en 2007, pour la seule pollution de l’air et de l’eau.
Le 26/03, une étude du ministère de l’Eau, fruit de 3 ans de relevé, annonce un nombre de rivières tronqué de 60%. La Chine se croyait maître de 50.000 cours d’eau (à bassin de 100 km² minimum) : elle n’en a plus que 22.909. L’organe ajoute qu’une partie des pertes est imputable à l’erreur du passé. Une autre revient au changement climatique et au gaspillage en eau et en terre. L’étude décompte 98.002 barrages, décuplant la statistique antérieure, et celle des captages estimés jusqu’alors. Elle tire aussi un bilan médiocre des ouvrages anti-crues : seules 17% des sections à risques sont bien protégées, et pas qu’en zones montagneuses. En juillet 2012, surpris par une crue-éclair, des centaines de Pékinois périrent noyés (les chiffres officiels n’en avouent que « 70 »).
Ces cours d’eau disparaissent donc et perdent en débit. Mais en même temps, les effluents augmentent, dépassant le cap de la biodégradabilité. Ce qui explique les mille canards découverts morts (22/03) autour de Shanghai, succédant aux 16.000 carcasses de porcs. Toujours au même moment, l’Administration nationale des Océans, ayant mesuré les rejets marins de 72 cours d’eau, trouve 17 millions de tonnes de déchets en 2012, ayant rendu inutilisables 68.000 km² d’eaux côtières pour tout usage – pêche, tourisme, industries. En 2011, les mêmes cours n’en avaient souillé que 44.000 km², 50% de moins.
L’eau, en 2012, charriait 46.000 tonnes de métaux lourds, 93.000 tonnes d’huiles diverses, et 80% des déchets consistaient en matières plastiques. Suite au recul des rivières, d’ici 2030, avec leurs 500 GW de capacité actuelle, les centrales thermiques souffriront d’un manque d’eau de 25% pour générer leur vapeur. Pour s’en prémunir, les cinq groupes nationaux devront investir 20 milliards de $ en équipements, prédit Bloomberg. D’autre part, pour financer l’équipement en énergie propre, un rapport du Conseil d’Etat annonce un surcoût de 243 milliards de $ par an d’ici 2020.
Enfin, on doit s’interroger sur la simultanéité de toutes ces révélations catastrophiques, venant d’organes fort habitués à tenir leur langue. Ici, aucune coïncidence. Li Keqiang a promis de ne pas « poursuivre la croissance brute au détriment de l’environnement ». Mais il fait face à des intérêts puissants qui, dans un passage à la production propre, perdront leur compétitivité. Il a aussi promis d’informer : c’est ce qu’il fait à présent, probablement pour se trouver des alliés, susciter un éveil et un soutien des masses.
Sommaire N° 12