En 2010, l’armateur Cosco s’offrait la moitié du port du Pirée. Le 29/01, c’est à CMHI, filiale portuaire du groupe sino-hongkongais China Merchants (32% du marché chinois du conteneur), de s’adjuger une tranche du port de Marseille.
Le vendeur est CMA-CGM, du franco-libanais J. Saadé : 3ème armateur mondial, mais qui tousse depuis 2008, devant faire face à une surcapacité planétaire et à des tarifs déprimés. CMA-CGM encourt des dettes de 3 à 4 milliards de $.
Aussi l’armateur, après avoir cédé 50% de ses parts du port franc de Malte, puis 24% de ses actifs propres au turc Yildirim (ce qui lui rapporta 900 millions de $), vend à CMHI 49% de sa filiale Terminal Link pour 400 millions d’€. CMHI obtient la copropriété de terminaux de CMA, parmi les plus performants de France dont Marseille-Fos (1 million de « boites »), le Havre (1,8 million) et Dunkerque. CMA assure aussi à CMHI un profit de 30 millions d’€ par an, durant 7 ans, quelles que soient les performances.
400 millions d’€, c’est à la fois peu et beaucoup. En 2001, les actifs de Terminal Link étaient évaluées à 300 millions d’€, or CMHI paie 400 millions pour la moitié : les experts s’accordent à affirmer que CMHI a payé cher pour pénétrer sur ce marché européen convoité. Si par contre l’on se rappelle des 2 milliards € payés par Deutsche Bank pour le terminal Maher à New York en 2007 (1,5 million de conteneurs par an), on voit l’énorme surcote dont bénéficiaient à l’époque les ports internationaux. Avec ses 15 ports entre France, Afrique, Etats-Unis et Canada, Terminal Link, est évalué au tiers de Maher, pour un volume de « boites » par an cinq fois supérieur (8,1 millions en 2011).
Grâce à ce deal, CMHI devient un groupe mondial avec 10% de capacité de traitement et 6% de ses profits réalisés hors frontière. Jusqu’à présent, cette holding maritime reposait sur ses trois bases portuaires de Canton, Shanghai et Qingdao. Depuis 2010, elle lance ses filets un peu plus loin, sur l’Afrique à Djibouti (23,5% rachetés, à 185 millions de $), 50% de la concession du port de Lomé (Togo) pour 150 millions de $, et une autre entrée sur le port de Lagos (Nigéria). C’est une stratégie et elle n’est pas forcément « d’entreprise » -mais plutôt nationale, coordonnée par la tutelle du secteur.
Il n’est pas dit que l’affaire soit si mauvaise, pour Marseille-Fos et pour CMA-CGM. L’exemple du Pirée est révélateur, trois ans plus tard, suite aux puissants investissements d’équipements apportés, et aux nouvelles règles du jeu ayant tiré des songes cette « Belle au bois dormant ». Pour CMA-CGM, c’est une manière de se désendetter à bon compte, tout en facilitant l’investissement de 150 millions de $ par l’Etat français. Lié à l’Etat chinois, CMHI, dispose d’un crédit illimité. Et les synergies, qui ne font que commencer, seront loin de se limiter à Terminal Links et aux trois ports français désignés.
D’ailleurs, le hongkongais Hutchison Whampoa arrive lui aussi à Fos, au futur terminal Fos 4 XL (pour une mise de fonds de 600 millions d’€), et Cosco à son tour vient s’implanter dans la cité phocéenne…dont l’avenir maritime, comme celui de toute la Méditerranée, apparaît toujours plus chinois !
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