Editorial : Pollution atmosphérique—un électrochoc

Que la météo s’invite dans l’éditorial du VdlC, est du jamais vu. Le choix s’imposa le 12/01, quand l’indice de pollution frisa les 1000 particules mobiles (PM, de 2,5µ) par m3, 40 fois la norme de l’Organisation mondiale de la Santé. 

Dès l’avant-veille à travers le pays, des milliers de vols furent annulés ou retardés. Des aéroports fermèrent, tels Changsha (Hunan) et Kunming (Yunnan). Le 13/01, Pékin émit la 1ère alerte orange de son histoire, consignant au foyer enfants, vieillards et malades. Ce fut la ruée vers les masques (500.000 commandes en 48h sur internet) et purificateurs d’air.
Province aux quatre villes les plus viciées, le Hebei édicta l’état de désastre naturel de classe IV.
Partout, les hôpitaux furent pris d’assaut, avec le double de crises cardiaques de la normale. À Pékin, 58 chantiers ou usines fermèrent (tel Hyundai), 41 ralentirent. 33% du parc auto public fut immobilisé (comme à Xi’an et Shijiazhuang). 

D’ordinaire, Pékin est à la limite du supportable, côté fumées de voitures et d’usines, sous une couche d’ozone multipliée par 16 en 40 ans, dit le chercheur Hanqin Tian de l’université Auburn (Alabama). Et cette fois, le froid extrême (-22°C, record en 30 ans) fit « sauter la banque », en exacerbant le chauffage au charbon. La lame inouïe de pollution ne cessa que le 16/01, à faveur d’un nouveau front froid qui nettoya l’air—pour quelques jours.

Après coup, le pays médite l’avertissement, comme la nature longtemps négligée se vengeait. La responsabilité revient à l’homme – à son gouvernement, concentrant tous les pouvoirs d’organisation et empêchant tout rééquilibrage par des contrepouvoirs de type presse ou ONG. Wang Yuesi, physicien de l’atmosphère estime à 3,4% voire à 6,7% la perte de la capitale en PIB par an (19 à39MM$).
Sur Weibo, les blogueurs ne se privent pas de blâmer une culture du déni. 

Le 31 décembre, la mairie de Pékin vantait encore « les émissions de polluants baissées de 30 à 70% en 14 ans », les 286 jours de « ciel bleu » en 2011 -un mode de calcul pourtant déjà abandonné car inefficace. 
Pour Zhou Rong, de Greenpeace, le 1er problème tient à l’incapacité de Pékin et des provinces à s’entendre sur des règles communes d’environnement. 

En 2012, quatre métropoles subirent 8572 décès respiratoires liés à la pollution. Souvent, elles franchirent le plafond des 200PM, où les écoles devraient garder les enfants en salle. Mais nulle fois l’alerte ne fut donnée.
Dans sa course au PIB, la Chine tolère des normes laxistes pour les camions, et les lobbies (CNPC, Sinopec) n’ont aucun mal à retarder l’introduction du standard IV de diesel à bas soufre. De la sorte dit Wang, Pékin a gonflé de 3% ses concentrations en PM2,5 de 2006 à 2010, et selon le réseau européen EDGAR en 2011, la Chine émettait 9,7MKt de dioxyde – le double des USA.
Pourtant, la Chine défend toujours sa liberté de polluer, tout en appelant les autres pays au grand nettoyage.

Cela ne signifie pas que la Chine reste immobile. Elle vient d’imposer au 01/01 un indice de 2,5µ dans 74 villes, d’adhérer à l’Agence internationale des énergies renouvelables (Irena). De 2010 à 2015, au 12ème Plan, elle veut baisser de 17% son intensité carbonique. D’ici 2035, dit l’Agence internationale de l’énergie (AIE), elle veut réduire sa dépendance au charbon à 55% contre 80% en 2010. Dès novembre 2012, elle produisait 75GW/h d’électricité renouvelable, soit +20,3% sur 12 mois. Enfin, elle vient d’entamer la rédaction d’une « loi du changement climatique ».

Confronté à cette crise, Li Keqiang déclarait (15/01) que le problème ne datait pas d’hier, et ne se réglerait pas demain.
Pour commencer, de « 2011 à 2015 », le ministère annonce 56 milliards de $, de financement surtout local, pour réduire de 5% le niveau des microparticules nocives dans les villes. Les scientifiques le savent, et la rue s’en doute toujours plus, cela sera loin de suffire—rien ne remplacera un débat interne sur le modèle de développement durable au pays, intégrant la priorité de santé et bien-être. 
Ce qui nous ramène à la même vieille question primordiale, celle de l’Etat de droit !

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  1. Jean

    Tous les citadins qui ont installé des panneaux solaires pour s’offrir de l’électricité proprement et à moindre coût l’ont dans le baba à cause de la couche de crasse qui voltige dans l’atmosphère. Que les pollueurs paient! En Chine, les générations pollueurs laisseront bientôt la place aux générations tousseurs tant que les plans d’assainissement de l’industrie ne sont qu’un écran de fumée. Le tigre de papier chinois agonise dans un immense raclement de gorge. c’est pathétique!

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