Editorial : Réformes du droit et guerre pour les rênes du pouvoir

À peine le nouveau pouvoir constitué, (issu d’une guerre de succession sans pardon entre les mouvances conservatrice de Jiang Zemin, libérales de Hu Jintao et Xi Jinping), la bataille se poursuit, avec pour enjeu le déblocage des réformes, et la reprise des rênes du pouvoir réel aux niveaux intermédiaires. Le signal fut donné le 04/12 par Xi Jinping devant le Comité Central, commémorant le 30ème anniversaire de la 3ème Constitution du pays. Le nouveau leader y exaltait le «rêve de la Chine» (Zhōngguó mèng, 中国梦) et le «rêve d’Etat de droit» (xiànzhèng mèng, 宪政梦). 

Le 01/01, l’hebdomadaire cantonais Nanfang Zhoumou voit détourner ses vœux aux lecteurs, basés sur ces principes de Xi Jinping. S’ensuivit alors un rare bras de fer entre le Nanfang Zhoumou soutenu par les media et l’internet, et la propagande centrale pilotée par les leaders Liu Qibao et Liu Yunshan

Puis le 07/01, Xi Jinping et Meng Jianzhu, l’ex-ministre de la Sécurité publique, juste promu chef de la Commission politique et légale, convoquent cet organe et y annoncent des réformes légales sans précédent.
L’action s’accompagne d’une attaque en règle contre les comités politiques et légaux et comités juridiques dans les provinces. Deux réformes concernent le permis de résidence (hùkǒu, 户口) et le droit de pétition. Visant à assainir le climat social et améliorer la qualité de la justice, elles sont importantes, mais on attend les détails. 

La 3ème vise le mécanisme des tribunaux, et exige rien de moins que la séparation du système judiciaire et du Parti. Meng critique l’institution toute puissante des « comités juridiques » qui, dans chaque tribunal, « passent aux juges en audience des petits papiers » dictant leurs verdicts, le plus souvent sur base vénale (source de profit pour ces hobereaux rouges locaux). 

La 4ème réforme est de loin la plus symbolique : Meng et Xi prétendent fermer dès 2013 les 320 camps de rééducation par le travail (láojiào 劳教 ), créés en 1955 sur le modèle soviétique pour isoler les déviants jusqu’à quatre ans sans jugement (à ne pas confondre avec les láogai 劳改, pour ceux, condamnés), qui abriteraient 160.000 bagnards.
Critiqués, les laojiao voient leur fin préparée depuis des années, mais demeurent « appréciés » des cadres provinciaux qui exploitent cette main d’œuvre gratuite. Or, une heure après l’annonce de cette réforme, celle-ci disparaissait des sites internet officiels, dévoilant ainsi la déchirure au sommet de l’appareil. 

On est aujourd’hui à un tournant, pour l’image de Xi Jinping et l’espoir suscité par sa promesse de changement : si les laojiao disparaissent, ce sera le signe le plus clair de la détermination du régime à se purger de ses mauvais génies. Sinon, on retombera dans la case précédente, celle d’un système voué à répéter sans cesse des promesses non tenues. Sauf que cette fois, la société est à bout, surtout ses corps socio-professionnels (des sportifs, aux avocats, en passant par les religieux et les universités) qui réclament la liberté d’association collégial, demande incompressible pour s’organiser, se doter de règles plus efficaces et rejoindre le niveau de compétence internationale, mais qui signifie la fin des privilèges des nantis du Parti.

Au fond, ces deux campagnes simultanées contre la presse et pour des réformes vers l’Etat de droit sont liées : l’aile réformatrice de Xi Jinping (et derrière, Hu Jintao) tente de reprendre les bases du pouvoir aux conservateurs à tous les niveaux (province, district, canton etc), dont les leaders implantés au sommet par Jiang Zemin mènent la contre-attaque. 

Cette bataille est aussi celle des dernières nominations, qui auront lieu avant mars. Wang Yang et Li Yuanchao, libéraux, seraient respectivement vice-1er ministre et vice-Président de la RPC, face à Zhang Gaoli l’autre vice-1er ministre conservateur. Tandis qu’en face, Bo Xilai, le grand perdant de cette phase, est déféré à la justice (09/01)… À suivre.

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