Comme partout en Asie, ou dans le Tiers-monde, c’est la Chine qui mène la danse, fournissant l’écrasante logistique de ses maçons et crédits, ouvrant ses chantiers de routes, hôpitaux, stades et HLM. Bien-sûr, Vietnam, Thaïlande et même Japon soutiennent aussi financièrement ce voisin petit mais stratégique. L’avenir est inéluctablement à la Chine, force de frappe, sauf si elle se fait trop mal voir au sein de l’Asean, en se comportant « en pays conquis ». Dans les rues à l’aube, quand les autochtones agenouillés tendent leur riz aux moines et reçoivent en échange leur bénédiction, j’ai trouvé amusante la différence d’attitude entre les touristes occidentaux et ceux du Céleste Empire. Tandis qu’Européens ou Australiens, conformément aux recommandations partout écrites, s’efforçaient de se faire oublier, de photographier de loin, de rester discrets, les Chinois criaient, parlaient fort, se mettaient sous le nez du frère en robe pour lui tirer le portrait, réactualisant ainsi l’adage selon lequel « là où y’a d’la gêne, y’a pas d’plaisir ».
Deux brefs portraits pour finir : à notre cours de cuisine Lao, où nous nous initiâmes à la création des laap (salades de viande épicée et verdures variées), des pousses de citronnelle farcies au poulet, du filet de poisson cuit à la vapeur dans une feuille de banane (« Mok Pa« , voir photo) et du dessert de riz noir à la confiture de tamarin, le garçon qui nous instruisit en anglais n’avait pas sa langue dans sa poche, mais aucun complexe vis-à-vis de nous autres étrangers. Il nous parlait de nourriture, mais aussi de politique, et à la fin du cours, nous confia qu’il espérait pouvoir rentrer dans l’administration, pour pouvoir offrir les meilleures chances d’éducation à son fiston.
« Mok Pa« , poisson cuit à la vapeur dans une feuille de banane – pour la recette authentique Lao, contactez-nous 😉
Autre destinée en route : celle de la famille de Nan Chang, au village de Ban Huaifai, communauté Hmong (une minorité) perchée dans la montagne à quelques heures de trek de Luang Prabang, entre plantations de teck, torrents boueux et villages d’éléphants (lesquels ne sont plus que 2000 au Laos et se meurent, supplantés par les voitures et tracteurs). 68 foyers dépourvus de route, d’eau courante et d’électricité, mais qui comptent aussi, contre toute attente un genre d’auberge pour touristes sportifs, propriété de madame Chang, la mater familias.
En bon principe, cette sexagénaire aurait dû être la plus pauvre du village, ayant perdu son mari en 2005 (mort de maladie ce qui, ici, ne pardonne pas, vu la précarité du système hospitalier). De plus, elle avait 4 filles et pas de fils pour la soutenir. Elle allait donc toucher une dot, mais n’aurait aucun fils, aucun bras pour la soutenir dans ses vieux jours. Mais le sort en voulut différemment. Un des maris était instituteur, avec salaire, de l’imagination et des relations, en tant que directeur de l’école du village. Et tous voulaient s’en sortir. Aussi, un plan émergea. Les quelques centaines d’euros des dots des filles furent thésaurisés. Le clan se mit à vendre du riz (ils étaient une des deux familles disposant de rizière inondée, dans le village), du houblon, des billes de teck et des cochons. Ils épargnèrent sur tout, jusqu’à ce qu’ils puissent bâtir ces deux cases, ces 6 chambres touristiques, avec blocs de douches et groupe électrogène pour éclairer la nuit. Ils purent aussi acheter le poste de télévision couleur et sous leur véranda, louer la place devant l’écran, un demi centime d’euro par soirée. Ils ouvrirent leur magasin précaire de produits de première nécessité, shampoing, savon, eau, biscuits et huile. Et le miracle démarre : ils parviennent à amasser 200 à 300 euros de revenu mensuel, et pour la première fois dans l’histoire du pays, quittent le stade de la survie.
D’autres signaux de développement clignotent : la route, promise pour dans cinq ans, l’école obligatoire. Autant d’outils promis par le gouvernement, afin de lutter contre l’abandon des campagnes et la concentration de toute la population dans des mégapoles dans âmes, un scénario catastrophe que le Laos, moins que d’autres pays encore, peut se permettre de tolérer !
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