Remarquable Chine… A quatre semaines du XVIII. Congrès, le Parti communiste chinois vient d’opérer trois percées importantes – peut-être historiques, mais passées quasi inaperçues – dans les préparatifs du prochain gouvernement.
1. He Guoqiang, le Président de la Commission de la Discipline du Parti, confirme que Bo Xilai sera jugé selon « toutes les rigueurs de la loi ». Or, en Chine, nombreux sont ceux qui continuent à croire que Bo pourrait bénéficier de l’indulgence : au nom des traditions les plus fortes de l’appareil, selon lesquelles les « héros révolutionnaires » et leurs enfants sont au-dessus des lois.
Dès le 28/09, le Politburo expulsait du Parti le leader déchu de Chongqing. A présent, He Guoqiang prépare l’opinion à une sanction dure, peut-être cette semaine. La sévérité est le moyen de reprendre contrôle de haut-cadres aux comportements choquants et inciviques, et de gagner un peu de temps auprès de l’opinion intérieure, comme internationale, pour nettoyer les écuries d’Augias.
2. La CCTV se livre à une très curieuse campagne, mi maladroite, mi ridicule, d’évaluation du bonheur des citoyens. Loin d’être journalistique, elle est politique, dérivée du slogan de « bonheur intérieur brut » forgé par Wang Yang, Secrétaire du Parti à Canton, principal réformateur pressenti au prochain Comité Permanent.
La chaine d’Etat interpelle toutes sortes de citoyens sur leur perception de leur vie. Les réponses sont souvent naïves, ou fabriquées, mais parfois aussi spontanées et pleines d’humour. C’est donc un tournant fort. Pour évaluer son « bonheur », il faut avoir une vision et un degré d’affirmation de soi : deux libertés aux antipodes de la discipline socialiste et de la dictature du prolétariat, qui vit sans doute, ses dernières années en tant que principe d’Etat.
3. Le ministère des Affaires étrangères crée une Division économique.
Pour les observateurs aucun doute, ce sera un laboratoire de rétorsions contre les nations sous la vindicte du moment. Mais cette clé de lecture nous semble une fausse piste : cette pépinière de sanctions économiques existe déjà au sein du ministère du Commerce. Cependant, leur impact n’est pas encore pris en compte sur l‘économie intérieure et sur l’image mondiale du pays (comme le montre le clash autour du Japon avec les îles Senkaku). De la sorte, cette Division économique devrait être un laboratoire, non des rétorsions, mais des pots cassés.
Si des groupes, tel Toyota, perdent trop longtemps comme en septembre, 49% de ses ventes chinoises, des conséquences sur l’emploi domestique et donc sur « la société harmonieuse » seront inéluctables.
D’autre part, Wang Huning (57 ans), proche de Hu Jintao et de Jiang Zemin, doit monter au Politburo, en charge du portefeuille de la diplomatie.
C’est la première fois depuis 35 ans (et la mort de Zhou Enlai) que les Affaires étrangères auront leur homme dans le second cercle décisionnel du régime.
L’époque de Mao, qui croyait à une révolution mondiale, s’intéressait vivement au tapis vert dans l’espoir d’entrainer le tiers-monde dans sa révolution planétaire. Celle de Deng Xiaoping, préoccupée de sa survie, s’en détourna. C’est seulement aujourd’hui qu’en revient l’intérêt, au vu de la multiplication des contentieux potentiellement explosifs avec les pays voisins, résultat d’une diplomatie laissée, des décennies durant, aux mains des idéologues et des militaires.
Avec ces trois initiatives, le Parti a peut-être plus fait en une semaine qu’en des années, pour préparer son avenir.
Sommaire N° 33